Par un jugement n° 1410303 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2015, Mme A...D..., épouseB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juin2015 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 31 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, sous astreinte, le titre de séjour sollicité, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, également sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- son époux n'est pas en mesure de remplir la condition relative au montant des ressources, exigée dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ; en outre, il est atteint d'une polypathologie invalidante qui nécessite sa présence à ses côtés ; enfin, elle a noué avec les enfants de son époux des liens affectifs importants et leur apporte un soutien matériel ; dans ces conditions, le refus de titre de séjour méconnaît l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien modifié et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; de même, ce refus a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'intéressée relève de la procédure du regroupement familial ;
- son entrée en France est récente ; elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans en Tunisie et elle n'établit pas que l'état de santé de son époux nécessiterait son maintien en France.
MmeD..., épouseB..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie du 17 mars 1988 et ses avenants du 19 décembre 1991 et du 8 septembre 2000 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante tunisienne, relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : " (...) les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) " ;
3. Considérant que MmeD..., ressortissante tunisienne née en 1963, déclare être entrée sur le territoire français en février 2013 ; qu'elle fait valoir qu'elle a épousé, le 9 novembre 2013, un ressortissant tunisien titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2017, qu'elle s'occupe de son époux qui souffre de plusieurs pathologies chroniques invalidantes ainsi que des enfants de ce dernier encore scolarisés ; que, toutefois, les attestations qu'elle produit émanant d'un médecin généraliste, ne permettent pas d'établir qu'une autre personne qu'elle ne pourrait s'occuper de son époux, ni que sa présence serait indispensable pour subvenir aux besoins des enfants de ce dernier ; que le couple s'est formé récemment et que les intéressés ont choisi de s'unir sans pouvoir ignorer la précarité de la situation de Mme D... ; qu'il n'est pas contesté que celle-ci dispose encore d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'elle n'établit pas que sa vie familiale ne pourrait pas se poursuivre ailleurs qu'en France ; que, dans ces circonstances, indépendamment de la question de savoir si une procédure de regroupement familial pourrait être mise en oeuvre, le refus de titre de séjour qui a été opposé à MmeD..., ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que cette décision n'est donc contraire ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni aux dispositions combinées de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui est dit aux points 2 et 3 ci-dessus que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
5. Considérant, en second lieu, que pour les motifs déjà exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision obligeant la requérante à quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au regard de la situation de la requérante telle qu'exposée au point 3, elles ne peuvent davantage être regardées comme portant à l'intérêt supérieur des enfants de M. D...une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, qui imposent aux autorités administratives de prendre en considération cet intérêt dans toute décision concernant un enfant ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au bénéfice de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...la somme que le préfet du Rhône demande au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président-assesseur ;
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N° 15LY02892