Par un jugement n° 1407760 du 20 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 1er décembre 2014, a enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de titre de séjour de M. D... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2015, le préfet de l'Isère demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 avril 2015 et de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce Tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision de refus de titre en litige méconnaissait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que l'arrêté en litige ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant ;
- il s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, M. A... D..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que l'Etat verse à son avocat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que les juges de première instance ont considéré que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'il entraînera la séparation d'avec son fils qui restera en France avec sa mère, de nationalité algérienne et titulaire d'une carte de résident ;
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le motif tiré de ce qu'il ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de son enfant est entaché d'erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Drouet, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, le 12 septembre 2014, M. D..., ressortissant turc, a sollicité du préfet de l'Isère la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ; que, par arrêté du 1er décembre 2014, le préfet de l'Isère a notamment rejeté cette demande de titre de séjour et a obligé M. D... à quitter le territoire français ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 20 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de M. D... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
3. Considérant que M. D..., né le 30 juillet 1974 et de nationalité turque, fait valoir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils, né le 10 juin 2014 et qu'il a reconnu le 2 décembre 2013 et que l'arrêté en litige entraînera la séparation d'avec celui-ci qui restera en France avec sa mère, de nationalité algérienne et titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans ; que, toutefois, ces circonstances ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que la cellule familiale s'établisse hors de France ; que, par suite, le préfet, en rejetant la demande de carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" présentée par M. D... et en l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut être regardé comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant, ni, par suite, comme ayant méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le préfet de l'Isère est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 1er décembre 2014 ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur le refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, que l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
6. Considérant que le refus de titre de séjour contesté énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant des dispositions législatives précitées ; que, par suite, le moyen selon lequel la décision en litige serait insuffisamment motivée, doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;
8. Considérant que M. D..., né le 30 juillet 1974 et de nationalité turque, fait valoir qu'il est entré sur le territoire français le 27 décembre 2011, qu'il vit en France en concubinage avec la mère de son fils, né en France le 10 juin 2014 et qu'il a reconnu le 2 décembre 2013, à l'entretien et à l'éducation duquel il soutient contribuer et que l'arrêté en litige entraînera une séparation avec cet enfant qui restera en France avec sa mère ; que, toutefois, il est constant que le requérant s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et que son père, sa mère, ses trois frères et ses deux soeurs vivent en Turquie ; que si M. D... vit en France en concubinage avec la mère de son enfant et si celle-ci est de nationalité algérienne et détient un certificat de résidence de dix ans, ces circonstances ne font pas, ainsi qu'il a déjà été dit, par elles-mêmes obstacle à ce que la cellule familiale s'établisse hors de France ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le de refus de titre de séjour contesté ne peut être regardé comme portant au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs ; qu'ainsi, ce refus ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant ;
9. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Isère aurait pris à l'encontre de M. D... la même décision de refus de titre de séjour s'il s'était fondé seulement sur les motifs de cette décision autres que celui tiré de ce que l'intéressé ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9, que M. D... n'est pas fondé à invoquer, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, l'illégalité de la décision rejetant sa demande de titre de séjour ;
11. Considérant, d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 3 et 8 dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 1er décembre 2014 et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet des conclusions de la demande de M. D... devant ce tribunal ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme dont M. D...demande le versement à son avocat au titre des frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 avril 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... D...et à Me B...C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président assesseur ;
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 juin 2016.
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N° 15LY01656