Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin 2017 et 18 décembre 2017, M. G... H... et Mme F... H..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2017 ;
2°) de condamner le syndicat mixte ORGANOM à leur verser la somme de 104 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'existence et de l'exploitation du centre de stockage des déchets de Vaux, sur le territoire de la commune du Plantay ;
3°) de mettre à la charge du syndicat mixte ORGANOM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- ils sont propriétaires et usufruitiers de biens riverains du centre de stockage des déchets du site de Vaux ; en ce qui concerne M. H..., sa résidence principale est implantée au Barillon à Marlieux ; il y vit avec son épouse et ses trois enfants ; ils disposent d'un intérêt à agir en tant que riverains pour être indemnisés des préjudices causés par la structure de traitement et de stockage des déchets implantée à Vaux laquelle est gérée par le syndicat ORGANOM ;
- suite au dépôt de l'expertise judiciaire le 2 novembre, 2010, ils disposent, compte tenu de la prescription quadriennale, d'un délai de 4 ans à compter du 1er janvier 2011 pour rechercher la responsabilité du syndicat ORGANOM ; ils ont adressé le 18 novembre 2014 une demande indemnitaire au syndicat ORGANOM laquelle a été reçue le 22 novembre 2014 ; leur demande est par suite recevable ;
- un centre de stockage des déchets a été autorisé le 18 novembre 1967 ; une modification est intervenue le 14 juin 1996 en vue d'exploiter une " décharge agréée " ; un nouvel arrêté préfectoral a été pris le 6 juin 2003 autorisant jusqu'au 1er juillet 2009 l'exploitation d'une installation de stockage de déchets ménagers sous la forme d'une installation de traitement par décharge de 14 000 tonnes par an d'ordures ménagères et d'autres résidus urbains, d'une déchetterie d'une surface de 2 500 M² et d'un CET de classe III autorisé pour 4 000 tonnes par an non soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; différentes prescriptions et contrôles étaient attachés à cette autorisation ; par arrêté du 18 octobre 2004, le syndicat mixte ORGANOM s'est substitué au Sivom Centre Dombes ;
- de nombreuses nuisances ont affecté les riverains de ces installations dont des nuisances olfactives graves, des éparpillements de déchets et de détritus sur les propriétés privées riveraines, des pollutions des eaux et forêts du fait notamment de l'écoulement des lixiviats ; ces pollutions étaient de notoriété publique et ont fait l'objet d'articles de presse et d'information de élus et des services départementaux de l'Etat ; ils ont alerté les différentes autorités responsables ; le syndicat ORGANOM a reconnu dans un courriel du 5 février 2008 l'existence d'une augmentation des odeurs ; des mises en demeure préfectorales aux fins de respecter les normes ont été adressées par le préfet au syndicat ORGANOM ;
- ils ont demandé, le 10 décembre 2008, par un référé expertise devant le tribunal administratif, la désignation d'un expert pour déterminer s'il existe des nuisances et les causes de telles nuisances ; un rapport préliminaire a été rendu le 7 septembre 2010 et un rapport définitif a été déposé le 2 novembre 2010 par l'expert judiciaire ; ils ont adressé le 18 novembre 2014 une demande indemnitaire au syndicat ORGANOM ;
- la responsabilité sans faute du syndicat mixte ORGANOM est engagée en raison des dommages anormaux et spéciaux qu'ils subissent, en tant que tiers voisins-riverains, du fait de l'existence et du fonctionnement de l'ouvrage public ;
- ils sont victimes de nuisances importantes depuis plusieurs années, comme l'a reconnu l'expert judiciaire, à savoir des nuisances olfactives insoutenables, des odeurs nauséabondes provoquant des maux de tête insoutenables ; les effets ressentis depuis 2005-2006 sont devenus insupportables en 2008 ; la survenance d'un risque toxique du fait des concentrations en hydrogène sulfuré H2S n'est pas à exclure ; ils ont subi des pollutions visuelles ;
- les émanations d'hydrogène sulfuré sont dangereuses ; les nuisances anormales sont la conséquence d'un dysfonctionnement manifeste de l'installation ; les nuisances olfactives lorsqu'elles sont comme en l'espèce d'une certaine importance ou récurrentes excèdent celles habituellement supportés par les riverains d'un ouvrage public ; les conditions d'exploitation de l'ouvrage sont à l'origine des dommages subis par les riverains ;
- l'installation a connu des évolutions à compter de 2003 ; les nuisances se sont aggravées depuis cette date ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas recherché si cette modification a entrainé une aggravation des inconvénients imputables au centre d'enfouissement ; les travaux décidés à compter de 2003 ont été effectués entre 2003 et 2006 et l'installation critiquée n'est entrée en fonctionnement qu'à compter de 2005 ; les nuisances les plus graves subies proviennent exclusivement des modifications décidées en 2003 car résultant du dysfonctionnement manifeste du réseau de collecte de biogaz inexistant avant 2003 ; ils ne pouvaient pas savoir que l'installation serait modifiée à partir de 2003 et qu'ORGANOM ne respecterait pas les prescriptions préfectorales ; l'anormalité des conditions d'exploitation résulte du non-respect par le syndicat ORGANOM de la règlementation en vigueur et des prescriptions préfectorales ;
- ils subissent un préjudice immobilier du fait de la dépréciation de leurs biens en l'absence de travaux ; un rapport immobilier évoque une perte de valeur vénale pour la maison d'habitation et les alentours immédiats (écurie, garage, hangar) ; la maison a été rénovée, le rapport immobilier fait état d'une grande surface habitable, de très bonnes prestations intérieures, de terrains plats et faciles d'accès ainsi que du drainage de 14 hectares de terrain ; la perte de valeur vénale y compris sur les terrains agricoles drainés peut être estimée à 240 000 euros ;
- les cinq membres de la famille de M. G... H..., à savoir son épouse, lui-même et leurs trois enfants, ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence et un préjudice moral qui peuvent être évalués à la somme de 30 000 euros par personne soit 150 000 euros pour 5 personnes; ils ont été victimes ainsi que les trois jeunes enfants de pathologies à répétition depuis 2007 ;
- l'opération d'expertise leur a occasionné des frais à hauteur de 13 000 euros ;
- ils ont payé la somme de 2 000 euros à titre de provision pour l'expertise judiciaire ;
- ils ont fourni les titres de propriété et le rapport d'expertise foncière ;
Par des mémoires en défense, enregistrés 16 novembre 2017 et 26 janvier 2018, le syndicat mixte ORGANOM représentés par Me L... K... et associés, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire à son rejet et à ce que soit mis à la charge de M. G... H... et Mme F... H... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qui concerne Mme F... H... car elle n'établit pas avoir intérêt à agir dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve de la propriété des parcelles mentionnées et n'établit pas l'occupation effective de tels parcelles, lesquelles sont des terrains agricoles non construits ;
- la requête est irrecevable car la créance est prescrite du fait de l'application de la prescription quadriennale ; les consorts H... sont devenus propriétaires ou usufruitiers en 2002 ; 2002 est le point de départ de la prescription quadriennale et non pas le jour du dépôt de son rapport par l'expert judiciaire ; lors de cette acquisition en 2002, et alors qu'ils avaient été auparavant locataires du terrain le Barillon, ils avaient connaissance de l'existence de la décharge exploitée par le SIVOM du centre de la Dombes et des nuisances potentielles et étaient en mesure de connaître l'origine des nuisances et d'avoir des indications sur un lien de causalité entre l'exploitation de ce site et le préjudice qu'ils allèguent ; ils ont acquis ce terrain sur la base d'une croyance erronée d'une fermeture de ce site ;
- les requérants n'établissent pas l'existence d'un préjudice anormal et spécial ; les premiers juges ont à juste titre estimé qu'il n'existait pas de préjudice anormal et spécial ; la concentration en hydrogène sulfuré était en deçà du seuil de risque mortel et du seuil de dangerosité ; l'expert judiciaire a mentionné que le seuil de toxicité de l'hydrogène sulfuré est de 10 mg/m3 soit 10 000µg/m3 ; les relevés en mars et en septembre 2009 étaient faibles ; depuis l'arrêt du site en 2009 et les travaux menés, il n'existe plus d'émanation d'hydrogène sulfuré ; les émanations n'étaient que ponctuelles ; la réalité du préjudice visuel par envol de plastiques et de pollution des eaux n'est pas établie par les requérants et cette pollution visuelle n'existait plus à la date de l'expertise judiciaire ; ils n'établissent pas de préjudice moral dès lors qu'ils n'occupent pas leurs terrains et qu'ils ne prouvent pas avoir contracté des pathologies ; ils n'ont pas produit le rapport foncier sur la perte de valeur vénale ; il n'existe plus de perte de valeur vénale dès lors que le site n'est plus en fonctionnement ; le caractère ponctuel et provisoire de la dépréciation de la valeur vénale exclut toute indemnisation ; la décharge existant avant l'acquisition ou l'occupation des terrains, ils n'ont pas de droit à être indemnisés ; ils ne pouvaient ignorer l'existence de nuisances avant l'acquisition de leurs terrains en 2002 ; les nuisances dont ils se plaignent résultent de la décharge existant avant 2003 et non des aménagements réalisés à la suite de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 ; la déchetterie et le centre d'enfouissement technique n'accueillent que des déchets inertes, lesquels n'ont aucune propriété odorante ; des biogaz liés à la décharge d'ordures ménagères existent depuis 1967 ; la mise en place d'un système de collecte de biogaz en 2003 n'a eu pour seul effet que de valoriser ces biogaz en produisant de l'énergie ; les modifications ont permis de réduire les nuisances pour le voisinage ;
- l'expertise immobilière produite n'a pas été rendue au contradictoire, date de 2010 et est obsolète compte tenu de l'évolution du marché immobilier depuis 7 ans ; il ont fait chiffrer la valeur vénale en prenant comme référence l'absence de décharge immobilière alors que celle-ci existait à la date d'acquisition ou d'occupation des terrains ; seule la valeur des biens appartenant à M. G... H... et à son épouse B... C... a été retenue par le rapport immobilier ; aucune perte de valeur vénale n'est mentionnée concernant les terrains appartenant à Mme F... H... ;
- ils ne justifient pas de la somme de 13 000 euros demandés au titre de l'assistance à l'expertise ou au titre de l'expertise immobilière et celle-ci est excessive ;
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, M. G... H... et Mme F... H... représentés par Me E..., maintiennent leurs écritures et ajoutent, suite aux mesures d'instruction menées par la cour, que le dernier acte notarial intervenu depuis 2012 concerne l'état liquidatif du régime matrimonial de M. H..., que la totalité des parcelles à l'exception de la maison d'habitation est mise à disposition gratuite de l'EURL du Trèfle depuis le 10 mai 2016, que M. H... réside toujours dans la maison située Le Barillon et que la vente intervenue le 13 mars 2002 portait sur le paiement d'une somme de 104 467,49 euros.
Le mémoire produit le 16 mai 2019 par le syndicat mixte ORGANOM n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,
- et les observations de Me J..., représentant M. et Mme H... et de Me D..., avocate représentant le syndicat mixte ORGANOM ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G... H... et sa mère, Mme F... H..., se prévalant de leur qualité de riverains et de propriétaires et usufruitiers de différentes parcelles situées à proximité de l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de Vaux, sur le territoire de la commune du Plantay (Ain), appartenant au syndicat mixte de traitement des ordures ménagères ORGANOM, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon l'organisation d'une expertise sur les nuisances subies du fait d'une telle installation de stockage. Par ordonnances des 11 mai 2008 et 23 septembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande. Le rapport définitif de l'expert a été déposé au greffe du tribunal administratif de Lyon le 2 novembre 2010. Suite au dépôt de ce rapport, les consorts H... ont adressé une demande indemnitaire qui a été réceptionnée le 22 novembre 2014 par le syndicat mixte ORGANOM. Ce dernier a rejeté cette demande par courrier du 20 février 2015. M. H... et sa mère ont saisi le 20 avril 2015 le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation du syndicat mixte ORGANOM à leur verser la somme globale de 405 000 euros en réparation des différents préjudices qu'ils estiment subir du fait de la présence et du fonctionnement de l'installation de stockage de déchets. Ils font appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2017 rejetant leur demande et mettant à leur charge une somme de 2 345 euros au titre des frais de l'expertise judiciaire.
Sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par Mme H... :
2. Dans ses écritures en première instance et en appel, Mme H..., pour justifier de sa qualité de voisine riveraine de l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de Vaux a indiqué être nue-propriétaire en totalité ou pour moitié de différentes parcelles à savoir : les parcelles section BO n°613,615,617, AA7 sur le territoire de la commune de Villars-les-Dombes, B 364,253,273 et B 237,238,239,249,250,251,252,253,375 sur le territoire de la commune de Marlieux et des parcelles A 538, A 654 et 879. Il ressort des pièces versées au dossier et notamment des plans cadastraux et satellites que Mme F... H..., à la date du dépôt de sa demande au greffe du tribunal administratif de Lyon le 20 avril 2015, possédait, depuis au moins l'année 2002, les parcelles 249, 250, 251, 252 et 253 au lieu dit Etang Bottière/ la Croix du Boucher, lesquelles sont situées à proximité de l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de Vaux qui a été fermée au second semestre 2009. Il ressort également des pièces cadastrales reçues suite aux mesures d'instruction menées par la cour et datées de 2019 que si Mme H..., depuis des actes de vente et de donation du 4 juin 2012, n'avait plus de droits sur les parcelles 613, 615 et 617 ainsi que sur les parcelles 235, 237, 238 , 239, 538, elle conserve des droits avec sa mère Mme A... I... sur les parcelles AA 007 (petite Berlie), B 364 et avec d'autres propriétaires sur la parcelle A 879. Ces parcelles sont situées à proximité du site de Vaux, lieu d'implantation de l'installation de stockage. Par suite, et contrairement à ce que soutient le syndicat mixte ORGANOM, Mme F... H... dispose de la qualité de voisine riveraine de cet ouvrage public lui donnant intérêt à agir pour introduire une action tendant à être indemnisée des préjudices liés à l'aggravation des préjudices subis du fait de la modification de cette installation à compter de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 autorisant une modification de celle-ci et permettant la création de trois entités, à savoir un centre de traitement par décharge ou dépose d'ordures ménagères et autres résidus urbains pour un volume annuel maximal de 14 000 tonnes, une déchetterie pour une quantité maximale annuelle inférieure à 2 500 m² et un centre d'enfouissement technique de classe III pour une quantité maximale annuelle de 4 000 tonnes. La circonstance que lesdites parcelles soient agricoles et ne soient pas construites ne saurait en tant que telle la priver de tout droit à indemnisation dès lors qu'elle possède des droits sur lesdites parcelles agricoles que ce soit en tant que propriétaire ou nue-propriétaire.
Sur l'exception de prescription quadriennale :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
4. Les requérants demandent à être indemnisés de l'aggravation des préjudices résultant du fonctionnement de l'ouvrage public de Vaux à compter de l'année 2005 suite aux travaux menés par le syndicat mixte ORGANOM dans le cadre de la reconfiguration de ce site en trois entités telle qu'autorisée par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003. Le 4 février 2009, ils ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une requête en référé-expertise, à laquelle le juge des référés a fait droit par deux ordonnances des 11 mai 2008 et 23 septembre 2009 aux fins de faire évaluer les nuisances engendrées par le fonctionnement de ce site notamment depuis les modifications de site autorisées par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003. En application des dispositions de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, cette demande, qui a abouti au dépôt d'un rapport d'expertise le 2 novembre 2010, a interrompu le délai de prescription, lequel a couru de nouveau à compter du 1er janvier 2011. La demande indemnitaire préalable des consorts H... concernant les nuisances subies à raison d'une évolution de la configuration du site telle qu'autorisée par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 et ayant occasionné des travaux à compter des années 2004-2005 a été reçue le 22 novembre 2014 par le syndicat mixte ORGANOM soit avant la fin du délai de 4 ans ouvert à compter du 1er janvier 2011. Dans ces conditions, l'exception de prescription quadriennale opposée par le syndicat ORGANOM et tirée de ce que les requérants avaient connaissance du fonctionnement de cette décharge depuis 2002, alors qu'ils ont demandé en l'espèce à être indemnisés, sur la base de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, de l'aggravation des préjudices née postérieurement à 2003, doit être écartée.
Sur le principe de la responsabilité :
5. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
6. D'une part, il résulte du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon que les dommages causés aux riverains du site de Vaux consistent en d'importantes gênes et nuisances olfactives liées à la dégradation anaérobie des déchets générant de l'hydrogène sulfuré (H2S), se retrouvant notamment dans le biogaz, et que " les effets ressentis par les demandeurs depuis 2005-2006 deviennent insupportables en 2008 ". L'expert constate que le préfet, par arrêté préfectoral du 1er septembre 2009, a fait état du non-respect des valeurs limites en SOx en sortie de torchère et d'un traitement des biogaz non mis en place et précise que les nuisances olfactives, liées au H2S, ont fortement diminué à compter du second semestre 2009 dans le cadre de la fermeture du centre d'enfouissement. Il précise, sans être utilement contesté, que ces nuisances sont en lien avec le centre d'enfouissement des déchets. Il mentionne également une pollution visuelle du fait de l'envol de plastiques et autres sur des parcelles à proximité de la décharge et conclut à l'existence de pollutions visuelles durant plusieurs années à partir de 2005. L'expert judiciaire souligne par ailleurs que " les émanations d'H2S " ont été très fréquentes en direction de la résidence de M. H... et, du fait de leur concentration, ont entrainé pour les occupants des maux de tête et migraines insupportables et de fréquentes insomnies ayant nécessité des consultations médicales et l'abandon par M. G... H... et ses enfants à plusieurs reprises de leur maison à la suite de telles concentrations en H2S. Les articles de presse datés de 2008 produits par les requérants font également état de la mobilisation des riverains du site de Vaux et notamment des requérants quant à la perception particulièrement fréquente de nuisances olfactives causées par ce même hydrogène sulfuré en 2007 et en 2008. Compte tenu de tels éléments, non utilement contredits par le syndicat ORGANOM lequel se borne à opposer, en s'appuyant sur un courrier du 30 avril 2008 de l'inspecteur des installations classées, que certains de ces désagréments connus début 2008 seraient dus à des conditions météorologiques spécifiques en période hivernale, il résulte de l'instruction que les nuisances olfactives, ressenties depuis 2005 sur les parcelles situées à proximité du site de Vaux et notamment dans le secteur du Barillon où se situe la maison d'habitation de M. H..., se sont particulièrement amplifiées en 2007 et 2008. Ainsi ces nuisances n'ont pas été simplement ponctuelles, comme l'oppose le syndicat mixte ORGANOM, mais se sont produites de manière régulière durant les années 2007 et 2008 entrainant des problèmes de santé au cours de l'année 2008 pour M. G... H..., son épouse et leurs enfants et les ayant empêché de profiter pleinement de leur résidence. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise faisant état de l'évolution des tonnages et des arrêtés préfectoraux du 16 octobre 2007 et du 1er septembre 2009 que cette augmentation de la production et de la diffusion d'hydrogène sulfuré à compter de 2005 résulte d'une hausse de la production de biogaz insuffisamment maîtrisée par le syndicat mixte ORGANOM dans le cadre d'une augmentation des tonnages accueillis sur le site de Vaux à compter de l'autorisation préfectorale délivrée en juin 2003 et de l'absence d'investissements suffisants avant 2008 pour mettre l'installation aux normes conformément aux prescriptions des arrêtés préfectoraux.
7. D'autre part, il résulte également de l'instruction et notamment du rapport de la commission d'enquête publique du 14 septembre 2007, de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2008 mettant en demeure le syndicat mixte ORGANOM de respecter les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 et en particulier de l'article 38 sur les lixiviats et de la réponse du 3 novembre 2008 du syndicat mixte ORGANOM que différentes normes règlementaires fixées par arrêtés préfectoraux n'ont pas été respectées notamment entre 2005 et 2009. Cette méconnaissance des normes a été à l'origine de l'écoulement de lixiviats, lequel a provoqué sur les terrains à proximité du site des pollutions aqueuses et visuelles, qui se sont ensuite étendues à d'autres terrains plus éloignés. Le rapport de la commission d'enquête publique du 14 septembre 2007 fait ainsi état, sans être contredit par le syndicat mixte ORGANOM, de l'absence de conformité de ce site de Vaux à l'arrêté préfectoral du 9 septembre 1997 dont il n'est pas contesté qu'il était au demeurant moins exigeant que l'arrêté du 21 octobre 2008 quant aux normes environnementales à respecter. L'arrêté préfectoral du 21 octobre 2008 constate quant à lui le maintien de rejets par l'exploitant du site de Vaux de lixiviats traités et d'eaux de ruissellement dans le milieu naturel ainsi que le non-respect de l'article 38 de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 et met en demeure le syndicat mixte ORGANOM d'en respecter les prescriptions. Le courrier du 3 novembre 2008 du syndicat ORGANOM en réponse à cette mise en demeure admet que des analyses réalisées entre 2004 et 2006 ont montré des rejets non conformes, ce qui a entrainé à compter de 2004 des investissements afin de respecter les obligations réglementaires et prévenir les risques de pollution en matière d'hydrocarbures, de biogaz et de rejet de lixiviats.
8. Dans les conditions ainsi décrites, et l'expert faisant état d'une nette diminution à compter du second semestre 2009 des nuisances olfactives du fait de travaux réalisés sur le réseau de biogaz, les pièces du dossier établissent que les dommages subis par les requérants, riverains du site de Vaux, à savoir importantes nuisances olfactives en 2007-2008 causées par l'hydrogène sulfuré, rejets de lixiviats en 2007-2008, envol de plastiques, résultent d'une modification de la configuration de ce site et de travaux d'extension réalisés à partir de 2005 à la suite de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003. De tels dommages ne sont pas liés à l'existence même ni au fonctionnement ou à l'entretien normal des différentes entités du site de Vaux mais résultent de retards mis par le syndicat mixte ORGANOM à entretenir régulièrement ses installations et à les mettre aux normes, d'une part, par rapport à l'arrêté préfectoral du 9 septembre 1997 et, d'autre part, par rapport à l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 autorisant une évolution de ce site et fixant les règles à respecter par les nouvelles entités. Dès lors, de tels désordres doivent être regardés comme présentant un caractère accidentel. Par suite, les requérants ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice subi durant les années 2007 et 2008. Il résulte de ce qui a été dit que de tels désordres subis par les requérants engagent la responsabilité du syndicat mixte ORGANOM au titre des dommages accidentels résultant de l'ouvrage public dont il a la garde et sans qu'il puisse se prévaloir de la cause exonératoire selon laquelle la victime qui s'est installée à proximité d'un ouvrage public préexistant ne pourrait prétendre à réparation, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, en l'espèce, les dommages proviennent non de l'installation telle qu'elle fonctionnait depuis 1967 mais des modifications autorisées par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003.
9. En revanche, en ce qui concerne les années 2005 et 2006, ainsi que pour l'année 2009 et les années postérieures, il ne résulte pas de l'instruction qu'existe pour les requérants un dommage accidentel en lien avec le site de Vaux ou un dommage permanent lié à l'existence et au fonctionnement du site de Vaux.
Sur l'évaluation du préjudice :
10. M. G... H... fait valoir que les cinq membres de sa famille résidant dans la maison du Barillon ont subi d'importants troubles dans leurs conditions d'existence et un préjudice moral du fait des pollutions olfactives qui ont entrainé différentes pathologies, dont des maux de têtes et insomnies, et ont nui à l'occupation paisible des lieux. Il fait également état d'une perte de valeur vénale de la propriété y compris de la maison d'habitation à hauteur de 240 000 euros en se prévalant d'une estimation foncière du cabinet Roux réalisée en 2010 mentionnant que la maison d'habitation vaudrait " 640 000 euros sans la décharge " et est estimée à " 400 000 euros avec la décharge ". Il soutient que l'expert judicaire a insuffisamment évalué les préjudices subis en les évaluant entre 10 000 et 20 000 euros et demande que le syndicat mixte ORGANOM soit condamné à verser pour les préjudices personnels des cinq membres de la famille une somme de 30 000 euros chacun soit une somme de 150 000 euros et une somme de 240 000 euros au titre de la perte de valeur vénale. Toutefois, comme l'oppose le syndicat mixte ORGANOM, le rapport du cabinet Roux établi en 2010 comporte un biais méthodologique car faisant une comparaison par rapport à une absence de décharge alors que lors de l'acquisition en 2002, un centre de traitement des déchets existait déjà et que cette situation aurait dû être prise en compte par ledit cabinet pour établir une éventuelle perte de valeur vénale liée à l'aggravation des nuisances notamment olfactives en 2007 et 2008 par rapport à la situation de 2002. Suite aux mesures d'instruction menées par la cour, il ne ressort pas des documents notariés versés au dossier, portant d'une part sur l'acquisition en 2002 à hauteur de 78/108e en pleine propriété et de 30/108e en usufruit pour un montant de 104 467 euros de différentes parcelles dont celle supportant la maison d'habitation déjà construite et d'autre part de l'état liquidatif établi le 21 décembre 2018 faisant état d'une estimation de la maison pour 78/108e à hauteur de 373 388 euros et d'autres parcelles à hauteur de 58 000 euros, que la parcelle d'assiette de la construction et les parcelles contiguës auraient subi une perte de valeur vénale du fait des nuisances occasionnées en 2007 et 2008. Si M. H... produit, sans autre explication, un document concernant la mise à disposition gratuite de plusieurs parcelles dont les parcelles 613,615, 617 à compter du 10 mars 2016 au bénéfice de l'EARL du Trèfle, ce seul document ne saurait justifier de la perte de la valeur vénale desdites parcelles à raison des préjudices subis en 2007 et 2008. Dès lors, dans les conditions décrites et compte tenu de l'importance des troubles de santé occasionnés au couple et à ses enfants et des différents désagréments ayant affecté la jouissance de leur maison ainsi que des différentes démarches menées par M. G... H... et son épouse pour faire cesser leurs préjudices et alerter les différentes autorités sur les dysfonctionnements relevés dont le non-respect des normes réglementaires mentionnées dans l'arrêté préfectoral de 2003, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral lié aux nuisances subies en 2007 et 2008 par M. H... et sa famille en mettant à la charge du syndicat mixte ORGANOM une somme de 15 000 euros à verser à M. G... H....
11. Mme F... H..., qui n'allègue pas résider chez son fils ou avoir résidé de manière fréquente chez ce dernier sur le site du Barillon en 2007 et en 2008, ne formule aucune conclusion propre tendant à la réparation d'un préjudice personnel. En se bornant à produire, suite aux mesures d'instruction menées par la cour en ce qui concerne les parcelles possédées par Mme H..., une convention de mise à disposition gratuite de la parcelle AA7 depuis mars 2016 à l'EARL du Trèfle, la requérante ne justifie ni de la valeur vénale des terrains agricoles sur lesquels elle indique avoir des droits en qualité de nue-propriétaire ou usufruitière ni de la perte de la valeur vénale qui résulterait des nuisances subies en 2007 et en 2008. Dès lors, sa demande indemnitaire tendant à la réparation d'une perte de valeur vénale de ses biens agricoles doit être rejetée.
12. Malgré les mesures d'instruction menées par la cour, les requérants ne justifient pas de la somme demandée de 13 000 euros au titre de frais liés au suivi de l'expertise judiciaire ou au titre de l'expertise du cabinet Roux. Par suite, ce chef de préjudice doit être rejeté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... H... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire. Il y a lieu par suite d'annuler dans cette mesure ledit jugement et de mettre à la charge du syndicat mixte ORGANOM une somme de 15 000 euros à M. G... H.... A l'inverse, Mme F... H... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation de ses préjudices.
Sur les frais d'expertise judiciaire :
14. Le syndicat mixte ORGANOM étant la partie perdante, les frais d'expertise judiciaire, à hauteur d'un montant de 2 345 euros ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, doivent être mis à la charge définitive dudit syndicat. Par suite, le syndicat devra rembourser à M. G... H... et Mme F... H... la somme de 2 000 euros versée par ces derniers à titre de provision pour l'expertise judiciaire.
Sur les frais liés au litige :
15. Le syndicat mixte ORGANOM étant la partie perdante, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat mixte ORGANOM une somme de 1 500 euros à verser à M. G... H... et de rejeter les conclusions de Mme F... H... au titre de ce même article.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 avril 2017 en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de M. G... H... et son article 2 sont annulés.
Article 2 : Le syndicat mixte ORGANOM est condamné à verser la somme de 15 000 euros à M. G... H... en réparation des préjudices subis.
Article 3 : Les frais de l'expertise judiciaire à hauteur de la somme de 2 345 euros (deux mille trois cent quarante cinq euros), sont mis à la charge définitive du syndicat mixte ORGANOM. Il appartiendra au syndicat mixte ORGANOM de rembourser à M. G... H... et Mme F... H... la somme de 2 000 euros versée par ces derniers au tire de la provision pour expertise judiciaire.
Article 4 : Le syndicat mixte ORGANOM versera la somme de 1 500 euros à M. G... H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de Mme H... ainsi que les conclusions du syndicat mixte ORGANOM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., à Mme F... H... et au syndicat mixte ORGANOM.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 août 2019.
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N° 17LY02245