Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin 2017 et 18 décembre 2017, M. J... H... et Mme A... H..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2017 ;
2°) de condamner le syndicat mixte ORGANOM à leur verser la somme de 104 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'existence et de l'exploitation du centre de stockage des déchets de Vaux, sur le territoire de la commune du Plantay ;
3°) de mettre à la charge du syndicat mixte ORGANOM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- ils sont propriétaires et usufruitiers de biens riverains du centre de stockage des déchets du site de Vaux ; M. H... est, en outre, exploitant agricole de certaines de ces parcelles ; ils disposent d'un intérêt à agir en tant que riverains pour être indemnisés des préjudices causés par la structure de traitement et de stockage des déchets implantée à Vaux laquelle est gérée par le syndicat ORGANOM ;
- suite au dépôt de l'expertise judiciaire le 2 novembre, 2010, ils disposent, compte tenu de la prescription quadriennale, d'un délai de 4 ans à compter du 1er janvier 2011 pour rechercher la responsabilité du syndicat ORGANOM ; ils ont adressé le 5 décembre 2014 une demande indemnitaire au syndicat ORGANOM laquelle a été reçue le 22 décembre 2014 ; leur demande est par suite recevable ;
- un centre de stockage des déchets a été autorisé le 18 novembre 1967 ; une modification est intervenue le 14 juin 1996 en vue d'exploiter une " décharge agréée " ; un nouvel arrêté préfectoral a été pris le 6 juin 2003 autorisant jusqu'au 1er juillet 2009 l'exploitation d'une installation de stockage de déchets ménagers sous la forme d'une installation de traitement par décharge de 14 000 tonnes par an d'ordures ménagères et d'autres résidus urbains, d'une déchetterie d'une surface de 2 500 m² et d'un CET de classe III autorisé pour 4 000 tonnes par an non soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; différentes prescriptions et contrôles étaient attachés à cette autorisation ; par arrêté du 18 octobre 2004, le syndicat mixte ORGANOM s'est substitué au Sivom centre Dombes ;
- de nombreuses nuisances ont affecté les riverains de ces installations dont des nuisances olfactives graves, des éparpillements de déchets et de détritus sur les propriétés privées riveraines, des pollutions des eaux et forêts du fait notamment de l'écoulement des lixiviats ; ces pollutions étaient de notoriété publique et ont fait l'objet d'articles de presse et d'information de élus et des services départementaux de l'Etat ; le syndicat ORGANOM a reconnu dans un courriel du 5 février 2008 l'existence d'une augmentation des odeurs ; des mises en demeure préfectorales aux fins de respecter les normes ont été adressées par le préfet au syndicat ORGANOM ;
- ils ont demandé, le 10 décembre 2008, par un référé expertise devant le tribunal administratif, la désignation d'un expert pour déterminer s'il existe des nuisances et les causes de telles nuisances ; un rapport préliminaire a été rendu le 7 septembre 2010 et un rapport définitif a été déposé le 2 novembre 2010 par l'expert judiciaire ; ils ont adressé le 5 décembre 2014 une demande indemnitaire au syndicat ORGANOM ;
- la responsabilité sans faute du syndicat mixte ORGANOM est engagée en raison des dommages anormaux et spéciaux qu'ils subissent, en tant que tiers voisins-riverains, du fait de l'existence et du fonctionnement de l'ouvrage public ;
- ils sont victimes de nuisances importantes depuis plusieurs années, comme l'a reconnu l'expert judiciaire, à savoir des nuisances olfactives insoutenables, des odeurs nauséabondes provoquant des maux de tête insoutenables ; les effets ressentis depuis 2005-2006 sont devenus insupportables en 2008 ; la survenance d'un risque toxique du fait des concentrations en H2S n'est pas à exclure ; ils ont subi des pollutions visuelles ;
- les émanations d'hydrogène sulfuré sont dangereuses ; les nuisances anormales sont la conséquence d'un dysfonctionnement manifeste de l'installation ; les nuisances olfactives lorsqu'elles sont comme en l'espèce d'une certaine importance ou récurrentes excèdent celles habituellement supportées par les riverains d'un ouvrage public ; les conditions d'exploitation de l'ouvrage sont à l'origine des dommages subis par les riverains ;
- l'installation a connu des évolutions à compter de 2003 ; les nuisances se sont aggravées depuis cette date ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas recherché si cette modification a entrainé une aggravation des inconvénients imputables au centre d'enfouissement ; les travaux décidés à compter de 2003 ont été effectués entre 2003 et 2006 et l'installation critiquée n'est entrée en fonctionnement qu'à compter de 2005 ; les nuisances les plus graves subies proviennent exclusivement des modifications décidées en 2003 car résultant du dysfonctionnement manifeste du réseau de collecte de biogaz inexistant avant 2003 ; ils ne pouvaient pas savoir que l'installation serait modifiée à partir de 2003 et qu'ORGANOM ne respecterait pas les prescriptions préfectorales ; l'anormalité des conditions d'exploitation résulte du non-respect par le syndicat ORGANOM de la règlementation en vigueur et des prescriptions préfectorales ;
- ils subissent un préjudice immobilier du fait de la dépréciation de leurs biens en l'absence de travaux ; un rapport immobilier évoque une perte de valeur vénale sur la section B pour 32,25 ha et sur la section A pour 2,93 ha ; la perte de valeur vénale y compris sur les terrains agricoles drainés peut être estimée à 29 000 euros ;
- ils subissent des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral qui peuvent être évalués à la somme de 30 000 euros par personne soit 60 000 euros ;
- l'opération d'expertise leur a occasionné des frais à hauteur de 13 000 euros ;
- ils ont payé la somme de 2 000 euros à titre de provision pour l'expertise judiciaire ;
- ils ont fourni les titres de propriété et le rapport d'expertise foncière ;
Par des mémoires en défense, enregistrés 16 novembre 2017 et 26 janvier 2018, le syndicat mixte ORGANOM représentés par Me L... K... et associés, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire à son rejet et à ce que soit mis à la charge de M. J... H... et Mme A... H... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Il soutient que :
- la requête est irrecevable car ils n'établissent pas avoir intérêt à agir dès lors qu'ils ne rapportent pas la preuve de la propriété des parcelles mentionnées et n'établissent pas l'occupation effective de tels parcelles, lesquelles sont des terrains agricoles non construits ;
- la requête est irrecevable car la créance est prescrite du fait de l'application de la prescription quadriennale ; les consorts H... sont devenus propriétaires ou usufruitiers en 2002 ; 2002 est le point de départ de la prescription quadriennale et non pas le jour du dépôt de son rapport par l'expert judiciaire ;
- les requérants n'établissent pas l'existence d'un préjudice anormal et spécial ; les premiers juges ont à juste titre estimé qu'il n'existait pas de préjudice anormal et spécial ; la concentration en hydrogène sulfuré était en deçà du seuil de risque mortel et du seuil de dangerosité ; l'expert judiciaire a mentionné que le seuil de toxicité de l'hydrogène sulfuré est de 10 mg/m3 soit 10 000µg/m3 ; les relevés en mars et en septembre 2009 étaient faibles ; depuis l'arrêt du site en 2009 et les travaux menés, il n'existe plus d'émanation d'hydrogène sulfuré ; les émanations n'étaient que ponctuelles ; la réalité du préjudice visuel par envol de plastiques et de pollution des eaux n'est pas établie par les requérants et cette pollution visuelle n'existait plus à la date de l'expertise judiciaire ; ils n'établissent pas de préjudice moral dès lors qu'ils n'occupent pas leurs terrains et qu'ils ne prouvent pas avoir contracté des pathologies ; ils n'ont pas produit le rapport foncier sur la perte de valeur vénale ; il n'existe plus de perte de valeur vénale dès lors que le site n'est plus en fonctionnement ; le caractère ponctuel et provisoire de la dépréciation de la valeur vénale exclut toute indemnisation ; la décharge existant avant l'acquisition ou l'occupation des terrains, ils n'ont pas de droit à être indemnisés ; ils ne pouvaient pas ignorer l'existence de nuisances avant l'acquisition de leurs terrains en 2002 ; les nuisances dont ils se plaignent résultent de la décharge existant avant 2003 et ne résultent pas des aménagements réalisés à la suite de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 ; la déchetterie et le centre d'enfouissement technique n'ont pas de propriété odorante ; des biogaz liés à la décharge d'ordures ménagères existent depuis 1967 ; la mise en place d'un système de collecte de biogaz en 2003 n'a eu pour seul effet que de valoriser ces biogaz en produisant de l'énergie ; les modifications ont permis de réduire les nuisances pour le voisinage ;
- l'expertise immobilière produite, qui n'a pas été rendue au contradictoire, date de 2010 et est désuète compte tenu de l'évolution du marché immobilier depuis 7 ans ; le rapport foncier mentionne que M. B... H... qui n'est pas partie à l'instance possède 26 ha alors que M. J... H... et son épouse Mme A... H... ne possèdent que 5 200 m² de terrain ; la perte de ces derniers sur la base des données de l'expert foncier est par suite seulement de 420 euros.
- ils ne justifient pas de la somme de 13 000 euros demandés au titre de l'assistance à l'expertise ou au titre de l'expertise immobilière et celle-ci est excessive ;
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, M. J... H... et Mme A... H... maintiennent leurs conclusions. Ils ajoutent que M. H... était également exploitant agricole jusqu'au 31 mars 2016 et que les parcelles ont été mises à disposition gratuitement de l'EARL du trèfle depuis le 10 mai 2016.
Le mémoire produit le 16 mai 2019 par le syndicat mixte ORGANOM n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,
- et les observations de Me I..., représentant M. et Mme H... et de Me C..., représentant le syndicat mixte ORGANOM ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... H... et son fils, M. J... H..., se prévalant de leur qualité de riverains et de propriétaires et usufruitiers de différentes parcelles situées à proximité de l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de Vaux, sur le territoire de la commune du Plantay (Ain), appartenant au syndicat mixte de traitement des ordures ménagères ORGANOM, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon l'organisation d'une expertise sur les nuisances subies du fait d'une telle installation de stockage. Par ordonnances des 11 mai 2008 et 23 septembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à cette demande. Le rapport définitif de l'expert a été déposé au greffe du tribunal administratif de Lyon le 2 novembre 2010. Suite au dépôt de ce rapport, les consorts H... ont adressé une demande indemnitaire qui a été réceptionnée le 22 décembre 2014 par le syndicat mixte ORGANOM. Mme H... et son fils ont saisi le 20 avril 2015 le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation du syndicat mixte ORGANOM à leur verser la somme globale de 84 000 euros en réparation des différents préjudices qu'ils estiment subir du fait de la présence et du fonctionnement de l'installation de stockage des déchets. Ils font appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2017 rejetant leur demande et mettant à leur charge une somme de 2 345 euros au titre des frais de l'expertise judiciaire et rehaussent leurs prétentions indemnitaires.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Dans ses écritures en première instance et en appel, Mme H..., pour justifier de sa qualité de voisine riveraine de l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de Vaux a indiqué être nue-propriétaire en totalité ou pour moitié de différentes parcelles à savoir : les parcelles section BO n°613,615,617, AA7 sur le territoire de la commune de Villars-les-Dombes, B 364,253,273 et B 237,238,239,249,250,251,252,253,375 sur le territoire de la commune de Marlieux et des parcelles A 538, A 654 et 879. Il ressort des pièces cadastrales reçues suite aux mesures d'instruction menées par la cour et datées de 2019 que si Mme H..., depuis des actes de vente et de donation du 4 juin 2012, n'avait plus de droits sur les parcelles 613, 615 et 617 ainsi que sur les parcelles 235, 237, 238, 239, 538, elle conserve des droits avec sa fille, Mme E... G..., sur les parcelles AA 007 (petite Berlie), B 364, et, avec d'autres propriétaires, sur la parcelle A 879. Il en ressort également que Mme A... H... et son fils Jean-Pierre disposent de droits sur les parcelles 375 et 654 qu'ils louent gratuitement dans le cadre d'une mise à disposition de l'EARL du Trèfle. M. J... H... a également loué entre 2012 et mars 2016 les parcelles B 226, 227,235,237,238,239, 613,615,617 à M. F... G.... Ces parcelles sont situées à proximité du site de Vaux, lieu d'implantation de l'installation de stockage. Par suite, et contrairement à ce que soutient le syndicat mixte ORGANOM, Mme A... H... et M. J... H... disposent de la qualité de voisins riverains de cet ouvrage public leur donnant intérêt à agir pour introduire une action tendant à être indemnisés des préjudices liés à l'aggravation des préjudices subis du fait de la modification de cette installation à compter de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 autorisant une modification de celle-ci et permettant la création de trois entités, à savoir un centre de traitement par décharge ou dépose d'ordures ménagères et autres résidus urbains pour un volume annuel maximal de 14 000 tonnes, une déchetterie pour une quantité maximale annuelle inférieure à 2 500 m2 et un centre d'enfouissement technique de classe III pour une quantité maximale annuelle de 4 000 tonnes. La circonstance que lesdites parcelles soient agricoles et ne soient pas construites ne saurait en tant que telle les priver de tout droit à indemnisation dès lors qu'ils possèdent des droits sur lesdites parcelles agricoles que ce soit en tant que propriétaires, nus-propriétaires, usufruitiers ou locataires.
Sur l'exception de prescription quadriennale :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
4. Les requérants demandent à être indemnisés de l'aggravation des préjudices résultant du fonctionnement de l'ouvrage public de Vaux à compter de l'année 2005 suite aux travaux menés par le syndicat mixte ORGANOM dans le cadre de la reconfiguration de ce site en trois entités telle qu'autorisée par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003. Le 4 février 2009, ils ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une requête en référé-expertise, à laquelle le juge des référés a fait droit par deux ordonnances des 11 mai 2008 et 23 septembre 2009 aux fins de faire évaluer les nuisances engendrées par le fonctionnement de ce site notamment depuis les modifications autorisées par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003. En application des dispositions de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, cette demande, qui a abouti au dépôt d'un rapport d'expertise le 2 novembre 2010, a interrompu le délai de prescription, lequel a couru de nouveau à compter du 1er janvier 2011. La demande indemnitaire préalable des consorts H... concernant les nuisances subies à raison d'une évolution de la configuration du site telle qu'autorisée par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 et ayant occasionné des travaux à compter des années 2004-2005 a été reçue le 22 décembre 2014 par le syndicat mixte ORGANOM soit avant la fin du délai de 4 ans ouvert à compter du 1er janvier 2011. Dans ces conditions, l'exception de prescription quadriennale opposée par le syndicat ORGANOM et tirée de ce que les requérants avaient connaissance du fonctionnement de cette décharge depuis 2002, année où ils ont acquis des droits de propriété ou d'usufruit sur leurs terrains, alors que les consorts H... ont demandé en l'espèce à être indemnisés, sur la base de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, de l'aggravation des préjudices née postérieurement à 2003, doit être écartée.
Sur le principe de la responsabilité :
5. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
6. D'une part, il résulte du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon que les dommages causés aux riverains du site de Vaux consistent en d'importantes gênes et nuisances olfactives liées à la dégradation anaérobie des déchets générant de l'hydrogène sulfuré (H2S), se retrouvant notamment dans le biogaz, et que " les effets ressentis par les demandeurs depuis 2005-2006 deviennent insupportables en 2008 ". L'expert constate que le préfet, par arrêté du 1er septembre 2009, a fait état du non-respect des valeurs limites en SOx en sortie de torchère et d'un traitement des biogaz non mis en place et précise que les nuisances olfactives, liées au H2S, ont fortement diminué à compter du second semestre 2009 dans le cadre de la fermeture du centre d'enfouissement. Il précise, sans être utilement contesté, que ces nuisances sont en lien avec le centre d'enfouissement des déchets. Il mentionne également une pollution visuelle du fait de l'envol de plastiques et autres sur des parcelles à proximité de la décharge et conclut à l'existence de pollutions visuelles durant plusieurs années à partir de 2005. Les articles de presse datés de 2008 produits par les requérants font également état de la mobilisation des riverains du site de Vaux et notamment des requérants quant à la perception particulièrement fréquente de nuisances olfactives causées par ce même hydrogène sulfuré en 2007 et en 2008. Compte tenu de tels éléments, non utilement contredits par le syndicat ORGANOM, lequel se borne à opposer, en s'appuyant sur un courrier du 30 avril 2008 de l'inspecteur des installations classées, que certains de ces désagréments connus début 2008 seraient dus à des conditions météorologiques spécifiques en période hivernale, il résulte de l'instruction que les nuisances olfactives, ressenties depuis 2005 sur les parcelles situées à proximité du site de Vaux et notamment dans le secteur du Barillon, où se trouvent les parcelles B 226, 235, 237, 238, 239, 613, 615,617, louées à M. H... entre 2012 et 2016, se sont particulièrement amplifiées en 2007 et 2008. Ainsi ces nuisances n'ont pas été seulement ponctuelles, comme l'oppose le syndicat mixte ORGANOM, mais se sont produites de manière régulière durant les années 2007 et 2008. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise faisant état de l'évolution des tonnages et des arrêtés préfectoraux du 16 octobre 2007 et du 1er septembre 2009 que cette augmentation de la production et de la diffusion d'hydrogène sulfuré à compter de 2005 résulte d'une hausse de la production de biogaz insuffisamment maîtrisée par le syndicat mixte ORGANOM dans le cadre d'une augmentation des tonnages accueillis sur le site de Vaux à compter de l'autorisation préfectorale délivrée en juin 2003 et de l'absence d'investissements suffisants avant 2008 pour mettre l'installation aux normes conformément aux prescriptions des arrêtés préfectoraux.
7. D'autre part, il résulte également de l'instruction et notamment du rapport de la commission d'enquête publique du 14 septembre 2007, de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2008 mettant en demeure le syndicat mixte ORGANOM de respecter les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 et en particulier de l'article 38 sur les lixiviats et de la réponse du 3 novembre 2008 du syndicat mixte ORGANOM que différentes normes règlementaires fixées par arrêtés préfectoraux n'ont pas été respectées notamment entre 2005 et 2009. Cette méconnaissance des normes a été à l'origine de l'écoulement de lixiviats lequel a provoqué des pollutions aqueuses et visuelles sur les terrains à proximité du site, qui se sont ensuite répandues sur des terrains plus éloignés. Le rapport de la commission d'enquête publique du 14 septembre 2007 fait ainsi état, sans être contredit par le syndicat mixte ORGANOM, de l'absence de conformité du site à l'arrêté préfectoral du 9 septembre 1997 dont il n'est pas contesté qu'il était au demeurant moins exigeant que l'arrêté du 21 octobre 2008 quant aux normes environnementales à respecter. L'arrêté préfectoral du 21 octobre 2008 constate quant à lui le maintien de rejets par l'exploitant du site de lixiviats traités et d'eaux de ruissellement dans le milieu naturel ainsi que le non-respect de l'article 38 de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 et met en demeure le syndicat mixte ORGANOM d'en respecter les prescriptions. Le courrier du 3 novembre 2008 du syndicat ORGANOM en réponse à cette mise en demeure admet que des analyses réalisées entre 2004 et 2006 ont montré des rejets non conformes, ce qui a entrainé à compter de 2004 des investissements afin de respecter les obligations réglementaires et prévenir les risques de pollution en matière d'hydrocarbures, de biogaz et de rejet de lixiviats.
8. Dans les conditions ainsi décrites, et l'expert faisant état d'une nette diminution à compter du second semestre 2009 des nuisances olfactives du fait de travaux réalisés sur le réseau de biogaz, les pièces du dossier établissent que les dommages subis par les requérants, riverains du site de Vaux, à savoir importantes nuisances olfactives en 2007-2008 causées par l'hydrogène sulfuré, rejets de lixiviats en 2007-2008, envol de plastiques, résultent d'une modification de la configuration de ce site et de travaux d'extension réalisés à partir de 2005 à la suite de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003. De tels dommages ne sont pas liés à l'existence même ni au fonctionnement ou à l'entretien normal des différentes entités du site de Vaux mais résultent de retards mis par le syndicat mixte ORGANOM à entretenir régulièrement ses installations et à les mettre aux normes, d'une part, par rapport à l'arrêté préfectoral du 9 septembre 1997 et, d'autre part, par rapport à l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003 autorisant une évolution de ce site et fixant les règles à respecter par les nouvelles entités. Dès lors, de tels désordres doivent être regardés comme présentant un caractère accidentel. Par suite, les requérants ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice subi durant les années 2007 et 2008. Il résulte de ce qui a été dit que de tels désordres subis par les requérants engagent la responsabilité du syndicat mixte ORGANOM au titre des dommages accidentels résultant de l'ouvrage public dont il a la garde et sans qu'il puisse se prévaloir de la cause exonératoire selon laquelle la victime qui s'est installée à proximité d'un ouvrage public préexistant ne pourrait prétendre à réparation, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, en l'espèce les dommages proviennent non de l'installation telle qu'elle fonctionnait depuis 1967 mais des modifications autorisées par l'arrêté préfectoral du 6 juin 2003.
9. En revanche, en ce qui concerne les années 2005 et 2006, ainsi que pour l'année 2009 et les années postérieures, il ne résulte pas de l'instruction qu'existe pour les requérants un dommage accidentel en lien avec le site de Vaux ou un dommage permanent lié à l'existence et au fonctionnement du site de Vaux.
Sur l'évaluation du préjudice :
10. Les requérants font valoir qu'ils ont subi d'importants troubles dans leurs conditions d'existence et un préjudice moral du fait des différentes nuisances ayant affecté les parcelles agricoles possédées dont ils demandent à être indemnisés à hauteur de 20 000 euros chacun. Ils soutiennent que l'expert judicaire a insuffisamment évalué les préjudices moraux subis en ne faisant pas de distinction entre les différentes victimes. Ils font également état d'une perte de valeur vénale de leurs parcelles agricoles à hauteur de 29 000 euros en se prévalant d'une estimation foncière du cabinet Roux réalisée en 2010 mentionnant que les terrains vaudraient " 146 000 euros sans la décharge " et sont estimés à " 117 000 euros avec la décharge ". Toutefois, comme l'oppose le syndicat mixte ORGANOM, le rapport du cabinet Roux établi en 2010 comporte un biais méthodologique car faisant une comparaison par rapport à une absence de décharge alors que lors de l'acquisition en 2002, un centre de traitement des déchets existait déjà et que cette situation aurait dû être prise en compte pour établir une éventuelle perte de valeur vénale liée à l'aggravation des préjudices notamment olfactifs en 2007 et 2008 par rapport à la situation de 2002. Suite aux mesures d'instruction menées par la cour, il ne ressort pas des actes notariés que les parcelles ayant été affectées par de telles nuisances en 2007 et en 2008 auraient subi une perte de valeur vénale. Si les consorts H... produisent, sans autre explication, un document concernant la mise à disposition gratuite de plusieurs parcelles, dont les parcelles AA7, B 375 et A 654, à compter du 10 mars 2016 au bénéfice de l'EARL du Trèfle, ce seul document ne saurait justifier de la perte de la valeur vénale des parcelles agricoles sur lesquelles ils continuent à avoir des droits à raison des préjudices subis en 2007 et 2008. Dès lors, dans les conditions décrites et compte tenu des différentes démarches menées par les consorts H... pour faire cesser les nuisances sur leurs parcelles agricoles et alerter les différentes autorités sur les dysfonctionnements relevés, dont le non-respect des normes réglementaires mentionnées dans l'arrêté préfectoral de 2003, il sera fait une juste appréciation des troubles subis dans les conditions d'existence et du préjudice moral lié aux nuisances subies en 2007 et 2008 en mettant à la charge du syndicat mixte ORGANOM une somme de 500 euros à verser à chacun des deux requérants soit une somme globale de 1 000 euros.
11. Malgré les mesures d'instruction menées par la cour, les requérants ne justifient pas de la somme demandée de 13 000 euros au titre de frais liés au suivi de l'expertise judiciaire ou au titre de l'expertise du cabinet Roux. Par suite, ce chef de préjudice doit être rejeté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... H... et M. J... H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire. Il y a lieu par suite d'annuler le jugement et de mettre à la charge du syndicat mixte ORGANOM une somme de 500 euros à verser à chacun des deux requérants euros soit une somme globale de 1 000 euros.
Sur les frais d'expertise judiciaire :
13. Le syndicat mixte ORGANOM étant la partie perdante, les frais d'expertise judiciaire, à hauteur d'un montant de 2 345 euros ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Lyon, doivent être mis à la charge définitive dudit syndicat. Par suite, le syndicat devra rembourser à M. et Mme H... la somme de 2 000 euros versée par ces derniers à titre de provision pour l'expertise judiciaire.
Sur les frais liés au litige :
14. Le syndicat mixte ORGANOM étant la partie perdante, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat mixte ORGANOM une somme globale de 1 500 euros à verser à M. et Mme H....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 avril 2017 est annulé.
Article 2 : Le syndicat mixte ORGANOM est condamné à verser la somme globale de 1 000 euros à Mme A... H... et à M. J... H... en réparation des préjudices subis.
Article 3 : Les frais de l'expertise judiciaire à hauteur de la somme de 2 345 euros sont mis à la charge définitive du syndicat mixte ORGANOM. Il appartiendra à ce dernier de rembourser à M. et Mme H... la somme de 2 000 euros qu'ils ont versée au titre de la provision pour expertise judiciaire.
Article 4 : Le syndicat mixte ORGANOM versera la somme globale de 1 500 euros à Mme A... H... et à M. J... H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du syndicat mixte ORGANOM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... H..., à M. J... H... et au syndicat mixte ORGANOM.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 août 2019.
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N° 17LY02246