Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2015, présentée pour MmeB..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet du Rhône du 26 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 200 euros TTC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure : l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé Rhône-Alpes date du 5 mars 2014 soit un an avant la décision du préfet et dans de telles circonstances, le préfet ne peut pas être regardé comme ayant consulté ledit médecin ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien : elle établit la gravité de son état de santé et l'absence d'accès à un traitement dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour implique l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- par voie d'exception, l'illégalité des précédentes décisions implique l'illégalité de la décision fixant le pays de destination.
Par mémoire enregistré le 12 mai 2016 pour le préfet du Rhône, il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B...à verser à l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le médecin de l'agence régionale de santé a été consulté et a mentionné dans son avis que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ;
- aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ne peut être retenue car elle est entrée en France sous couvert d'un visa court séjour " ascendant non à charge ", elle n'a pas de vie privée ancienne et stable en France, elle a toujours vécu en Algérie et y conserve des attaches familiales et sociales ;
- les conclusions tendant au versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables ;
- le traitement de cette requête a entrainé des coûts spécifiques pour la préfecture ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2016 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme B..., née le 11 janvier 1945, de nationalité algérienne, est entrée en France le 17 août 2013 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle a sollicité, le 18 novembre 2013, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé et de sa vie privée et familiale ; que par décisions du 26 mars 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que par jugement du 7 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation desdites décisions ; que Mme B...interjette appel de ce jugement ;
Sur la légalité du refus de certificat de résidence :
2. Considérant, en premier lieu, que comme indiqué par les premiers juges, le préfet du Rhône a produit l'avis du 5 mars 2014 du médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes relatif à l'état de santé de la requérante ; que ledit médecin a indiqué que si l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; que MmeB..., qui se borne à alléguer que son état de santé a évolué entre cet avis du 5 mars 2014 et la décision du préfet du Rhône du 26 mars 2015, n'établit pas avoir transmis au préfet avant la décision du 26 mars 2015 de document concernant une dégradation de son état de santé depuis mars 2014 ; que dès lors, et contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet n'avait pas à solliciter le médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes aux fins d'un nouvel avis ; que par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté ;
3. Considérant en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas de la décision que le préfet se soit estimé en situation de compétence liée par rapport à l'avis du 5 mars 2014 du médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes ; que par suite le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". ;
5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
7. Considérant que MmeB..., qui reprend son argumentation de première instance, fait état, à la date des décisions en litige, de pathologies multiples, dont une maladie urinaire, une polyarthrose, une ostéoporose, des troubles thyroïdiens et une décalcification et indique que la toxine de traitement qui lui est prescrite est indisponible en Algérie ; qu'elle produit en appel des certificats médicaux des 13 et 27 novembre 2015 établis postérieurement auxdites décisions se bornant à indiquer que son nouveau traitement par injections détrusoriennes, s'il devait ne pas être réalisé tous les six mois, serait susceptible d'entrainer une insuffisance rénale et, à terme une dialyse, et que le traitement contre les risques de reflux vésiculo urétéral et d'insuffisance rénales ne sont pas disponibles en Algérie ; que tels que rédigés, ces certificats médicaux des 13 et 27 novembre 2015, fondés sur des appréciations générales et sur des hypothèses de risques, et non sur l'état de santé précis de la requérante, et qui ne démontrent aucune aggravation brusque de sa pathologie, ne remettent en cause ni l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes mentionnant que le défaut de prise en charge des différentes pathologies de la requérante ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque, ni celle du préfet du Rhône ; que par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, en estimant que l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que Mme B...fait valoir que cette décision de refus de certificat de résidence méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que quatre de ses sept enfants, dont trois sont de nationalité française, vivent en France, que ses enfants en Algérie n'ont pas les capacités de la prendre en charge, qu'elle vit chez une de ses filles de nationalité française laquelle la prend en charge et qu'elle s'occupe de sa petite-fille née le 19 juin 2014, compte tenu des horaires de travail de sa fille ; que toutefois, comme mentionné par les premiers juges, Mme B..., qui n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge, n'est entrée en France que le 17 août 2013 à l'âge de 68 ans sous couvert d'un visa court séjour valable du 4 juin 2013 au 30 novembre 2013 ; qu'elle ne résidait en France que depuis moins de deux ans avant ce refus de certificat de résidence alors qu'elle a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie, pays dans lequel elle conserve des attaches personnelles et familiales, dont trois enfants et de nombreux petits-enfants ; qu'ainsi, et compte tenu notamment des conditions de son séjour en France et de la circonstance que Mme B...peut comme il a été indiqué précédemment, bénéficier effectivement d'un traitement adapté à sa pathologie en Algérie, la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans les circonstances de l'espèce, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ;
11. Considérant que, Mme B...s'étant vu refuser, le 26 mars 2015, la délivrance d'un certificat de résidence, elle se trouvait à cette date dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l' article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un certificat de résidence à Mme B...n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre, doit être écarté ;
13. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu des éléments précédemment exposés et notamment sur la possibilité pour la requérante de bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de MmeB... ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit que Mme B...ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme B...à verser à l'Etat la somme que le préfet du Rhône demande au titre des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 15LY03533