Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2018, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 22 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la mesure d'éloignement est privée de base légale dès lors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprenait, en méconnaissance des articles R. 733-32, R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation de manière complète au regard de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce faisant il a entaché sa décision d'erreur de droit ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale à défaut d'examen particulier suffisant des faits de l'espèce ;
- elle méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de l'Hérault a produit un mémoire le 19 décembre 2018 qui n'a pas été communiqué, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 21 décembre 2017 le préfet de l'Hérault a enjoint à M. B..., ressortissant albanais, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... interjette appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision contestée: " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Et selon l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. ". Il résulte du premier alinéa de l'article R. 213-6 du même code, anciennement codifié à l'article R. 213-3 que : " l'étranger est informé, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise ... ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée par le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification régulière et notamment de ce que le caractère positif ou négatif de la décision lui a été indiqué dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire.
4. M. B... soutient qu'il n'aurait pas été informé du sens de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 27 octobre 2017 dans une langue qu'il comprend. Faute pour l'administration d'établir que la décision de la CNDA du 27 octobre 2017 aurait été notifiée dans une langue comprise par l'intéressé, le préfet ne pouvait donc pas prendre, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision d'éloignement à son encontre.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'ensemble des moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Et selon l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Enfin l'article L. 911-3 du même code précise que: " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
7. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement le réexamen de la situation de l'intéressé, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 février 2018 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 21 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel une somme de 1 500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2019 où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.
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N° 18MA03186
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