Par un arrêt n° 12MA02646 du 27 mars 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Equal Immobilier contre ce jugement du tribunal administratif de Bastia.
Par une décision n° 380639 du 23 novembre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la société Equal Immobilier, annulé l'arrêt susmentionné et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, initialement enregistrée au greffe de la Cour le sous le n° 12MA02646 et, après renvoi par le Conseil d'Etat, sous le n° 15MA04258, la société Equal Immobilier, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé n° 1100302 du tribunal administratif de Bastia du 24 mai 2012 ;
2°) d'annuler la décision de refus implicite du maire de Porto-Vecchio de lui délivrer une attestation de permis de construire tacite ou de non retrait de permis de construire tacite ;
3°) d'enjoindre au maire de Porto-Vecchio de communiquer l'une de ces attestations dans le mois de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai d'instruction initial de sa demande de permis de construire n'a pas été modifié par une demande de pièces complémentaires tardive et injustifiée ;
- le courrier du 26 mai 2010 ne constitue pas un refus de permis de construire mais une demande de pièces complémentaires ;
- à supposer que ce courrier soit regardé comme un refus de permis de construire, elle se trouverait, à défaut de la justification de sa notification, titulaire d'un permis de construire tacite à l'expiration du délai d'instruction, devenu définitif trois mois plus tard ;
- si ce courrier est considéré comme un refus de permis, rien n'établit qu'il ait été signé par une personne ayant reçu délégation à cet effet, et le nom et la qualité du signataire n'y sont pas mentionnés ;
- elle devait obtenir une attestation du permis de construire tacite dont elle était titulaire depuis le 8 août 2010 au vu du délai d'instruction fixé à trois mois qui lui a été notifié lors du dépôt de sa demande le 7 mai 2010.
Par un mémoire enregistré après renvoi le 15 décembre 2015, la société Equal Immobilier conclut aux mêmes fins que précédemment, et demande en outre à la Cour d'annuler le refus d'attestation de permis tacite ainsi que " le refus de permis matérialisé par le courrier du 26 mai 2010 valant retrait de permis tacite ".
Elle soutient en outre que :
- le juge de cassation a considéré qu'elle contestait devant la Cour la décision de retrait du permis tacite et qu'il appartenait à la Cour de vider le litige sur ce point ;
- il n'est pas justifié de la date à laquelle cette décision a été notifiée, celle-ci a été adressée en dehors du délai de retrait, et n'a pas été précédée de la procédure contradictoire requise ;
- l'annulation du retrait doit faire constater l'existence d'un permis tacite en sa faveur ;
- subsidiairement, la demande de pièces du 26 mai 2010 portant sur des documents non prévus par les articles R. 431-1 et R. 431-27 du code de l'urbanisme, à supposer même qu'elle n'emporte pas refus de permis, n'a pas eu d'effets juridiques sur le délai d'instruction et la naissance d'un permis tacite.
Les parties ont été informées par lettre du 2 mai 2016, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de fonder sa décision à intervenir sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de ce que le tribunal administratif de Bastia a méconnu son office en ne regardant pas la demande de la société Equal Immobilier comme dirigée contre la décision de refus de permis de construire datée du 26 mai 2010 et, d'autre part, de l'illégalité des motifs de refus de permis tenant à la méconnaissance de dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Porto-Vecchio annulées par une décision juridictionnelle devenue définitive.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2016, la commune de Porto-Vecchio conclut au rejet de la requête de la société Equal immobilier et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de permis de construire du 26 mai 2010 a été notifié à la société pétitionnaire le 31 mai 2010 et mentionnait les voies et délais de recours, ce qui rend tardives les conclusions formées contre cette décision le 11 avril 2011 ;
- en réponse au moyen relevé d'office tiré de l'illégalité des motifs de refus fondés sur le plan local d'urbanisme annulé, elle demande une substitution de motifs tirés de la méconnaissance par le projet des articles R. 111-21, R. 111-5, L. 146-4 II, L. 146-4 III et L. 130-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 26 mai 2016, la société Equal Immobilier conclut aux mêmes fins que précédemment, et soutient en outre que :
- le document produit ne démontre pas la notification de la lettre du 26 mai 2010 ;
- la commune n'établit pas que le terrain est inclus dans la bande des 100 mètres du rivage de la mer, alors qu'en tout état de cause il est situé dans un espace fortement urbanisé ;
- le projet n'apporte pas de modification notable à ce secteur urbanisé et ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 146-4 III ;
- l'argumentation fondée sur les articles R. 111-21 et R. 111-5 du code de l'urbanisme n'est étayée par aucun élément susceptible de démontrer une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- les conclusions de M. Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me C... A...représentant la commune de Porto-Vecchio.
1. Considérant que, le 7 mai 2010, la société par actions simplifiée (SAS) Equal Immobilier a déposé une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble de 53 logements pour une surface totale de 4 637 mètres carrés au lieu-dit La Marine sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio ; que, par un courrier daté du 26 mai 2010 présenté sous forme d'une demande de pièces manquantes, le maire de Porto-Vecchio a indiqué à la société que son projet contrevenait à plusieurs dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ; que la société Equal Immobilier a demandé le 31 janvier 2011 au maire de Porto-Vecchio de lui délivrer une attestation de permis de construire tacite en application de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme ; que cette demande a été implicitement rejetée par le maire à l'expiration d'un délai de deux mois ; que la société a formé devant le tribunal administratif de Bastia une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet, laquelle a été rejetée par jugement en date du 24 mai 2012 ; que la société Equal Immobilier a interjeté appel de ce jugement du tribunal administratif de Bastia par une requête n° 12MA02646 que la Cour administrative d'appel de Marseille a rejetée par arrêt du 27 mars 2014 ; que, toutefois, le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation par la société Equal Immobilier a, par décision du 23 novembre 2015, annulé l'arrêt du 27 mars 2014 et renvoyé l'affaire à la Cour pour qu'il y soit statué ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté du tribunal administratif de Bastia :
En ce qui concerne la qualification de la décision du maire de Porto-Vecchio du 26 mai 2010 :
2. Considérant que, si le courrier daté du 26 mai 2010, adressé par la commune de Porto-Vecchio à la société Equal Immobilier à la suite de la réception de sa demande de permis de construire, était intitulé " Demande de pièces manquantes dans le dossier de demande de permis " et comportait des mentions relatives à l'envoi de pièces pour compléter le dossier en application des articles L. 423-38 et suivants du code de l'urbanisme, il précisait toutefois que le projet de construction tel qu'il ressortait de la demande contrevenait aux dispositions des articles 3.2.1, 10.2.1, 11, 11.2 et 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, et qu'en conséquence, la société pétitionnaire devait y apporter des modifications ; que ce courrier ne réclamait au demeurant aucune pièce manquante précisément identifiée mais invitait la société pétitionnaire à adresser au service instructeur un nouveau projet de construction ; que, dès lors, et en dépit de l'intitulé de ce courrier, celui-ci ne constituait pas une demande de pièces complémentaires mais se prononçait sur la demande de permis ;
3. Considérant qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumises au juge d'appel, et en particulier de l'accusé de réception du courrier du 26 mai 2010 portant une signature et une date de distribution du 31 mai 2010, que la décision de refus a été notifiée à la société Equal Immobilier durant le cours du délai d'instruction de trois mois expirant le 7 août 2010 ; que cette décision constitue dès lors un refus de permis de construire et non, ainsi qu'il est soutenu par la société requérante, le retrait par la commune d'une décision tacite de permis de construire qui serait précédemment intervenue à l'expiration du délai d'instruction ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de permis de construire du 26 mai 2010 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de permis du 26 mai 2010, notifiée le 31 mai 2010 à la société Equal immobilier, se terminait par la mention : " Délais et voies de recours contre la présente lettre ; le (ou les) demandeur (s) peut contester la légalité de la présente lettre dans les deux mois qui suivent la date de sa notification. A cet effet, il peut saisir le tribunal administratif territorialement compétent d'un recours contentieux " ; que, dès lors, ainsi que le fait valoir la commune de Porto-Vecchio devant la Cour, le délai de recours contentieux de deux mois a couru à l'égard du destinataire de la décision à compter du 31 mai 2010, sans que la société pétitionnaire n'interrompe ce délai par la formation d'un recours gracieux ou d'un recours contentieux ;
6. Considérant qu'il suit de là qu'à supposer même que les conclusions de la société Equal Immobilier devant les premiers juges aient été également dirigées contre la décision de refus de permis de construire du 26 mai 2010, elles ont, en toute hypothèse, été formées après l'expiration du délai de recours contentieux ouvert contre cette décision qui expirait le 1er août 2010, et sont dès lors tardives ; qu'elles ne peuvent, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens invoqués à leur soutien, qu'être rejetées comme irrecevables ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 mars 2011 portant refus de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction " ; qu'aux termes de l'article R. 423-23 : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager " ; qu'aux termes de l'article R. 424-13 du même code : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants-droit. " ;
8. Considérant que la demande de permis de construire déposée le 7 mai 2010 par la société Equal Immobilier a fait l'objet d'une décision de refus notifiée au demandeur le 31 mai 2010 soit avant l'expiration du délai d'instruction de trois mois déclenché par le dépôt de sa demande le 7 mai 2010, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus ; que la société pétitionnaire n'a donc pu devenir titulaire d'un permis de construire tacite à compter du 7 août 2010 en application de l'article L. 424-2 précité du code de l'urbanisme ; que, par suite, elle ne disposait d'aucun permis de construire tacitement accordé à la date du 31 mars 2011 à laquelle le maire de Porto-Vecchio a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite ; que, par suite, le maire était tenu de lui refuser la délivrance d'un tel certificat ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS Equal Immobilier n'est pas fondée à se plaindre que, par jugement du 24 mai 2012, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par la SAS Equal Immobilier, n'implique pas que la commune de Porto-Vecchio lui délivre un certificat de permis de construire tacite ; que les conclusions présentées à cette fin par la société sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, assorties d'une demande d'astreinte, ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Porto-Vecchio qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la société Equal Immobilier une quelconque somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Equal Immobilier la somme demandée par la commune de Porto-Vecchio sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Equal Immobilier est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Porto-Vecchio sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Equal Immobilier et à la commune de Porto-Vecchio.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2016.
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