Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 décembre 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 1 200 euros TTC à son conseil, lequel renonce à percevoir la part de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;
- elle a été privée du droit être entendu avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne et de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le préfet ne pouvait statuer sur le refus de séjour au titre de l'asile et lui opposer une obligation de quitter le territoire français alors que son mari venait de déposer une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé ;
- elle peut se prévaloir des dispositions combinées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'état de santé de son époux et dès lors qu'il réside habituellement en France depuis près de deux ans ;
- le préfet s'est placé à tort en situation de compétence liée au regard de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile pour fixer le pays de renvoi ;
- la décision de renvoi en Géorgie méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me B..., SCP B...Pech de Laclause Escale Knoepffler, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C..., de nationalité géorgienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays d'éloignement ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Considérant, d'une part, que le refus de séjour comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur ;
3. Considérant, d'autre part, que, si l'arrêté préfectoral contesté, pris en réponse à une demande d'admission au séjour au titre de l'asile déposée en même temps que celle de M. C..., a été notifié à Mme C... par voie administrative le 1er août 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'époux de l'intéressée, laquelle s'est au demeurant seulement déclarée en situation de concubinage lors de la procédure d'instruction de son dossier, aurait antérieurement à la date de l'arrêté en litige déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé ; que, par suite et en tout état de cause, le préfet n'était pas tenu d'examiner ce fondement avant de statuer sur la demande présentée au titre de l'asile par Mme C... ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français, qui assortit un refus de délivrance d'un titre de séjour, n'avait pas en l'espèce à faire l'objet d'une motivation distincte de ce refus, lequel est suffisamment motivé comme il a été dit au point 2 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé à la date de la décision en litige ; que Mme C... ne peut donc soutenir qu'elle n'a pas été entendue sur cette nouvelle demande de son mari avant l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu, énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que le certificat médical établi par un psychiatre le 4 juillet 2014 mentionne que M. C... est suivi pour un " syndrome dépressif évoluant dans un cadre de stress post-traumatique " et que son état nécessite la poursuite d'une prise en charge spécialisée pour une durée indéterminée ; que ce seul document, qui ne précise pas si le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne comporte aucun élément sur la possibilité de recevoir les soins appropriés en Géorgie, ne permet pas d'établir que M. C... ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, Mme C... ne peut se prévaloir de ce que l'état de santé de son conjoint faisait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement lui soit opposée sans méconnaître l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que la décision portant fixation du pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français en cas d'exécution d'office est suffisamment motivée en droit, par le visa de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, en fait, par l'indication que les stipulations de cet article ne sont pas méconnues, que l'intéressé est de nationalité géorgienne et que, à défaut d'exécution volontaire, l'obligation de quitter le territoire français sera exécutée d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établira être légalement admissible ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en examinant la situation de Mme C... au regard du pays de renvoi, le préfet des Pyrénées-Orientales se serait à tort estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 21 novembre 2013 rejetant la demande d'asile de l'intéressée et celle de la Cour nationale du droit d'asile en date du 17 avril 2014 rejetant le recours contentieux formé contre cette décision; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de conduire un entretien individuel ou une enquête avant de se prononcer et pas davantage de faire état dans sa décision de la situation générale du pays de renvoi ;
11. Considérant que Mme C... ne démontre pas, par les seuls éléments produits, que son mari aurait été victime dans son pays d'origine de brutalités policières lors d'une réunion électorale du 28 juin 2012 en faveur du parti politique " Le Rêve géorgien " qu'il avait rejoint, parti au demeurant désormais au pouvoir, et qu'il serait depuis cette date recherché par les services de police ; que les représailles qu'elle allègue craindre de la part de son ex-mari ne sont en tout état de cause pas étayées ; que, dès lors, elle n'établit pas la réalité des risques encourus en cas de retour en Géorgie ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme que le préfet des Pyrénées-Orientales demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...épouseC..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 15MA00032
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