Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 septembre 2013, 2 octobre 2015, 18 décembre 2015 et 12 février 2016 M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juillet 2013 ;
2°) d'annuler les décisions attaquées en première instance et de condamner le SIVOM du littoral des Maures à lui verser la somme de 324 489 euros ;
3°) d'enjoindre au SIVOM du littoral des Maures de le réintégrer dans les fonctions de directeur général des services et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge du SIVOM du littoral des Maures la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen selon lequel le refus de tirer les conséquences indemnitaires des annulations contentieuses prononcées est fautif ;
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le droit à indemnisation du fait de la sanction déguisée ;
- la décharge illégale de fonction à compter de septembre 2008 constitue une sanction déguisée et une rétrogradation illégale et justifie ainsi les indemnisations demandées ;
- à la faute constituée par la sanction illégale s'ajoute celle de ne pas l'avoir réintégré ;
- l'ensemble des fautes commises créent des préjudices au-delà de ceux réparés par l'allocation des traitements ;
- il y a lieu de l'indemniser des préjudices résultant de la privation d'avantages en nature, des primes non versées, de l'absence de promotion, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 mai 2014, le 23 décembre 2015 et le 10 février 2016, le SIVOM du littoral des Maures, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la manière de servir de M. A... était insuffisante et explique sa non-réintégration dans les fonctions de directeur général, l'intéressé ayant accepté ses nouvelles attributions ;
- les préjudices autres que l'indemnisation pour les traitements non perçus pendant l'exclusion temporaire des fonctions sont injustifiés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal ayant annulé à la demande de M. A... les décisions qu'il avait attaquées, les conclusions de l'intéressé tendant à l'annulation de ces décisions sont irrecevables ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renouf,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.A..., et de MeD..., représentant le SIVOM du littoral des Maures.
1. Considérant que M. A... fait appel du jugement du 11 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a, en premier lieu, annulé la décision du 29 septembre 2011 et la décision implicite de rejet de la demande formée le 18 novembre 2011 par lesquelles le président du SIVOM du littoral des Maures a rejeté les demandes de M. A... tendant à sa réintégration sur le poste de directeur général des services et à la reconstitution de sa carrière depuis son éviction, en deuxième lieu, condamné ledit SIVOM à verser au requérant une somme de 18 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011 et a, enfin, enjoint au président dudit syndicat de procéder à la réintégration juridique de M. A... sur le poste de directeur général des services à compter du 6 octobre 2008 jusqu'au 31 décembre 2012 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, et de procéder dans le même délai à la reconstitution de sa carrière, de ses droits sociaux ainsi que de ses droits à la retraite ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A... soutient que le tribunal a omis de statuer sur les moyens de sa requête tirés de la faute commise par le SIVOM du littoral des Maures en procédant à une sanction déguisée, en ne le réintégrant pas spontanément sur l'emploi de directeur général des services du syndicat après sa suspension puis son exclusion temporaire de fonctions et en ne donnant pas suite à la demande d'indemnisation ;
3. Considérant cependant qu'il s'avère que la sanction déguisée alléguée réside dans le fait de ne pas avoir réattribué à M. A... ses responsabilités initiales de directeur général des services du syndicat et qu'ainsi, les préjudices sont les mêmes que ceux résultant de l'absence de réintégration de l'intéressé dans l'emploi de directeur général des services ; que le tribunal administratif de Toulon a, dans le jugement frappé d'appel, reconnu le principe de la responsabilité du SIVOM du littoral des Maures non seulement pour les fautes commises en prenant des décisions annulées par de précédents jugements mais également pour la faute à ne pas avoir réintégré l'intéressé dans les fonctions de directeur général des services après la suspension puis après l'exclusion temporaire de fonction ; qu'il a retenu l'entière responsabilité du SIVOM du littoral des Maures pour les préjudices ayant résulté de la sanction déguisée invoquée par M. A... et a statué sur l'étendue de chacun de ces préjudices ; que, par suite, étant précisé que M. A... ne faisait état d'aucun autre préjudice ayant résulté de l'absence de suite favorable donnée par le SIVOM du littoral des Maures à ses demandes préalables d'indemnisation, les omissions à statuer alléguées manquent en fait ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :
4. Considérant, d'une part, que le tribunal administratif de Toulon a, par le jugement attaqué, annulé la décision du 29 septembre 2011 et la décision implicite de rejet de la demande formée le 18 novembre 2011 par lesquelles le président du SIVOM du littoral des Maures a rejeté les demandes de M. A... tendant à sa réintégration sur le poste de directeur général des services et à la reconstitution de sa carrière depuis son éviction ; que, par suite, les conclusions de M. A... présentées devant la Cour tendant à l'annulation de ces décisions sont, ainsi que les parties en ont été informées, irrecevables ;
5. Considérant, d'autre part, que, en enjoignant au SIVOM du littoral des Maures de procéder à la réintégration juridique de M. A... sur le poste de directeur général des services à compter du 6 octobre 2008 jusqu'au 31 décembre 2012 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, de ses droits sociaux ainsi que de ses droits à la retraite, le tribunal a, dans les circonstances de l'espèce, prescrit au SIVOM du littoral des Maures de prendre les mesures qu'impliquaient nécessairement les annulations qu'il a prononcées ; qu'ainsi, dès lors que le présent arrêt ne prononce pas de nouvelle annulation, les conclusions à fin d'injonction réitérées devant la Cour par M. A... doivent être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Considérant que M. A..., ingénieur territorial, a été nommé directeur général des services du SIVOM du littoral des Maures par voie de mutation le 5 mars 2001 ; qu'il a fait l'objet d'une mesure de suspension le 23 avril 2008 et d'une exclusion temporaire de fonctions de six mois par décision du 3 août 2009 ; que, d'une part, ces décisions ont été annulées respectivement par jugements des 21 janvier et 1er juillet 2010 respectivement confirmés par les arrêts des 12 octobre 2010 et 18 janvier 2011 de la Cour ; que, d'autre part, par l'article 1er du jugement du 11 juillet 2013, définitif sur ce point, ont été annulées la décision du 29 septembre 2011, et la décision implicite de rejet de la demande formée le 18 novembre 2011, par lesquelles le président du SIVOM du littoral des Maures a rejeté les demandes de M. A... tendant à sa réintégration sur le poste de directeur général des services et à la reconstitution de sa carrière depuis son " éviction " ; que M. A... demande à être indemnisé des préjudices ayant résulté de l'ensemble des décisions annulées ainsi que d'une sanction disciplinaire déguisée et du refus de tirer les conséquences indemnitaires de l'annulation contentieuse de la mesure de suspension puis de l'exclusion temporaire de fonction ;
En ce qui concerne les préjudices matériels :
7. Considérant, en premier lieu, s'agissant de la perte des traitements pendant la période d'exclusion temporaire de fonctions, qu'il n'est pas soutenu que les faits qui avaient été à l'origine de cette sanction ensuite annulée étaient de nature à justifier une sanction emportant une perte de rémunération ; que M. A... est ainsi fondé à demander à être intégralement indemnisé de la perte de revenu ayant résulté pour lui de l'absence de rémunération pendant sa période d'éviction ; que, cependant, si le SIVOM du littoral des Maures prend en considération les traitements bruts de l'intéressé auxquels il ajoute à bon droit l'indemnité de résidence, le préjudice indemnisable se limite, outre l'indemnité de résidence établie par les pièces du dossier, aux traitements nets que M. A... eut perçus s'il n'avait pas été exclu de ses fonctions pendant 6 mois ; qu'il résulte de l'instruction que l'indemnité due au titre de cette perte de revenus s'élève en l'espèce à la somme totale de 12 700 euros ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que si M. A... demande à être indemnisé pour les années 2008 à 2011 de la perte d'avantages en nature dont il avait auparavant bénéficié, ceux-ci sont la contrepartie de l'exercice effectif des fonctions de directeur général des services des services et ne constituent pas, par suite, quelle que soit la faute invoquée, un préjudice indemnisable ;
9. Considérant, en troisième lieu, que M. A... demande à être indemnisé de la diminution qu'il a subie de ses primes et indemnités fondées sur l'appréciation de sa manière de servir ; que, contrairement à ce que l'intéressé soutient, la seule circonstance que la mesure de suspension a été jugée injustifiée et que la sanction de l'exclusion temporaire de fonction a été annulée pour erreur manifeste d'appréciation n'implique aucunement que sa manière de servir justifierait l'octroi de primes et indemnités supérieures à celles qu'il a perçues ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que M. A... n'a apporté aucun élément de nature à déterminer le fondement juridique de la " prime annuelle " dont il demande le bénéfice et, par suite, le régime juridique applicable à cette prime ; qu'en outre, il n'établit pas que l'absence de versement de cette prime ne serait pas lié à sa manière de servir ou que celle-ci aurait été mal appréciée ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des écrits de M. A... que les
30 points de NBI dont il a un temps bénéficié ont été supprimés dès avant le prononcé de la première décision fautive du SIVOM du littoral des Maures, à savoir la mesure de suspension prise le 23 avril 2008 ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les décisions sur le fondement desquelles reposent ses conclusions indemnitaires sont à l'origine du préjudice matériel résultant pour lui du défaut de perception de la NBI ;
12. Considérant, en sixième et dernier lieu, que M. A... demande à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de " refus injustifiés de promotion au grade d'ingénieur principal " ; que si la suspension dont il a fait l'objet était injustifiée, si la sanction de l'exclusion temporaire de fonction de six mois était excessive et si c'est à tort que, ainsi que le tribunal l'a jugé par le jugement qui a sur ce point l'autorité absolue de la chose jugée, il n'a pas retrouvé ses fonctions de directeur général des services pendant la période qui s'en est suivie, il n'en résulte aucunement que, dans l'hypothèse où M. A... aurait exercé les fonctions de directeur général des services pendant tout la période considérée, il avait des chances sérieuses d'être promu au grade d'ingénieur principal ; qu'en outre, le caractère excessif de la sanction prononcée le 3 août 2009 n'induit pas que la manière de servir de M. A... avant le prononcé de la sanction était pleinement satisfaisante ni à plus forte raison qu'elle le serait devenue ou demeurée ensuite ; qu'ainsi, l'absence de promotion au grade souhaité ne peut être regardée comme résultant directement des fautes commises par le SIVOM du littoral des Maures ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de condamner ledit syndicat à indemniser M. A... de ce préjudice ;
En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :
13. Considérant en premier lieu que M. A... se prévaut, à l'appui de sa demande de condamnation du SIVOM du littoral des Maures à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence, de la modification substantielle de son niveau de vie, de celui de sa famille, et de la nécessité dans laquelle il a été placé de renégocier des emprunts bancaires contractés antérieurement ;
14. Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces produites par M. A... qu'il était, dès avant les décisions fautives du SIVOM du littoral des Maures sur lesquelles reposent sa demande d'indemnisation, lourdement endetté, qu'il procédait à des regroupements d'emprunts immobiliers et de prêts à la consommation et que des pénalités pour impayés lui avaient été infligées notamment en mai 2005 ; que si les très nombreuses pièces produites par M. A... attestent de plusieurs changements d'établissements bancaires et renégociations de prêts, elles ne permettent pas d'identifier les 9 140 euros de frais de renégociation dont l'intéressé fait état ; qu'en outre, alors que les prêts sont consentis à M. A... et son épouse, M. A... n'a apporté aucune indication sur les revenus de celle-ci et sur leur éventuelle évolution ; qu'enfin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la diminution de revenus de l'intéressé au cours de la période liée aux faits reprochés au SIVOM du littoral des Maures ne s'élève, pour l'ensemble de cette période, qu'à 12 700 euros alors que l'intéressé a, par ailleurs, été durablement en congé de maladie qui ont conduit à plusieurs périodes de demi traitement, ce dont l'administration ne peut être regardée en l'espèce comme responsable ; qu'ainsi, l'existence du préjudice financier dont M. A... fait état sous la dénomination de troubles dans les conditions d'existence, liés aux modalités de remboursement des emprunts des époux A...et résultant de manière directe et certaine des décisions fautives du SIVOM du littoral des Maures, ne peut être regardée comme établie ;
15. Considérant, d'autre part, s'agissant des troubles dans les conditions d'existence proprement dits, que la réalité d'une incidence des fautes commises par le SIVOM du littoral des Maures sur les conditions de vie de M. A... et de sa famille suffisant pour ouvrir droit à indemnisation n'est pas établie ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, dès lors que la faute commise par le SIVOM du littoral des Maures en n'accordant pas à M. A... préalablement à la procédure contentieuse l'indemnisation qu'il avait demandée n'est, en l'espèce, aucunement à l'origine d'un préjudice moral, qu'en accordant, tant au titre des premières décisions entachées d'illégalité, à savoir la mesure de suspension de 2008 et l'exclusion temporaire de fonction de 2009, qu'au titre de la faute commise en ne " réintégrant " pas M. A... dans ses fonctions de directeur général des services quand les décisions de suspension et d'exclusion temporaire des fonctions ont été annulées, M. A... exerçant alors, depuis que ces décisions provisoires avaient par elles-mêmes pris fin, d'autres fonctions au sein de SIVOM du littoral des Maures, la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral subi, le tribunal n'a pas procédé à une évaluation insuffisante de ce préjudice ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité de 18 000 euros que le tribunal administratif a condamné le SIVOM du littoral des Maures à lui verser avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011 soit portée à la somme de 18 700 euros assortie des mêmes intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le SIVOM du littoral des Maures demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du SIVOM du littoral des Maures une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 18 000 euros que le SIVOM du littoral des Maures a été condamné à verser à M. A... est portée à 18 700 euros et est assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011. Les sommes versées au titre de la provision accordée par l'ordonnance n°s 12MA00483 -12MA00488 du 18 avril 2012 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille devront être déduites de ce montant.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juillet 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le SIVOM du littoral des Maures versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du SIVOM du littoral des Maures tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du littoral des Maures.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, où siégeaient :
- M. Renouf, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de
l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Baux, premier conseiller,
- Mme Pena, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
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N° 13MA03800 7