Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2014, la commune de Roqueredonde et la commune de Romiguières, représentées par le cabinet Maillot et associés, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juin 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2012 par lequel le préfet de la région Languedoc-Roussillon a délivré à la SAS La Compagnie du Vent un permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS La Compagnie du Vent une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la minute du jugement n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- l'étude d'impact jointe au dossier de demande est insuffisante en ce qui concerne l'avifaune ;
- le permis de construire, qui aurait dû faire l'objet de prescriptions spéciales sur le fondement de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, en a manifestement méconnu les dispositions ;
- le projet aurait dû faire l'objet d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, sur le fondement de l'article L. 411-1 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2014, la SAS la Compagnie du Vent, représentée par la SCP Coulombie-Gras-Cretin-Becquevort-Rosier-Soland, avocats et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des communes requérantes du versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les communes ne justifient pas de leur intérêt pour agir contre le permis de construire attaqué ;
- la requête d'appel, n'ayant pas respecté les formalités de notification au préfet prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, est irrecevable ;
- les moyens de la requête sont infondés.
Par un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés le 27 août 2015, le 5 janvier 2016 et le 26 février 2016, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Des pièces complémentaires présentées pour la commune de Roqueredonde et la commune de Romiguières, enregistrées le 14 mars 2016, n'ont pas été communiquées en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Argoud,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Roqueredonde et la commune de Romiguières, et de Me F..., représentant la société Compagnie du Vent.
Une note en délibéré, présentée pour la SAS La Compagnie du Vent, a été enregistrée le 26 mai 2016.
Un note en délibéré, présentée pour la commune de Roqueredonde et la commune de Romiguières, a été enregistrée le 27 mai 2016.
1. Considérant que, par un arrêt du 14 avril 2011, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 19 mars 2009 par lequel le tribunal de Montpellier a rejeté la demande de la SAS La Compagnie du Vent dirigée contre l'arrêté du 7 juillet 2006 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de permis de construire un parc éolien de 12 aérogénérateurs, au lieu-dit plateau-du-Grès sur la commune de Roqueredonde, et ce refus de permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et a enjoint au préfet de l'Hérault, de procéder au réexamen de sa demande de permis de construire dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt ; que, par une lettre du 20 avril 2011, la société pétitionnaire a, en application des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, confirmé sa demande de permis de construire ; que, par un arrêté du 2 juillet 2012, le préfet de l'Hérault a accordé à la SAS La Compagnie du Vent le permis de construire sollicité ; que la commune de Roqueredonde et la commune de Romiguières relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis de construire ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel par la société La Compagnie du Vent :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la SAS la Compagnie du Vent, que les communes appelantes ont justifié de l'accomplissement des notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des formalités imposées par ces prescriptions doit, par suite, être écartée ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance par la société La Compagnie du Vent :
4. Considérant que, d'une part, la commune de Roqueredonde a intérêt pour agir contre un permis de construire concernant un projet situé sur son territoire ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision attaquée, le terrain d'assiette du projet se situe dans le parc naturel régional du Haut-Languedoc, dans lequel la commune de Romiguières est en cours d'intégration ; que cette commune, en faisant valoir que l'environnement de ce parc est susceptible d'être directement affecté par le projet éolien, justifie donc également d'un intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté l'autorisant ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier et tendant à l'annulation du permis de construire contesté a été présentée conjointement, notamment par la commune de Roqueredonde et la commune de Romiguières ; que la commune de Roqueredonde justifiant d'un intérêt à contester ce permis de construire, la demande présentée devant le tribunal administratif était, de ce seul fait, recevable ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à ce titre par la société bénéficiaire ne peut qu'être écartée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune (...); 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; (...) " ;
6. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen notamment de deux études réalisées postérieurement à la délivrance du permis attaqué, s'appuyant notamment sur des observations de nombreuses trajectoires effectuées en 2013 par le bureau Exen et sur les relevés par l'association Becot des trajectoires de l'aigle mâle équipé, en 2014, d'une balise GPS, qu'un couple d'aigle royal est implanté dans le massif de l'Escandorgue, dans lequel se trouve le terrain d'assiette des projets d'éoliennes en litige et que les zones dans lesquelles doivent être implantées les éoliennes, sur le plateau de Grès et sur le plateau de Caballas, constituent des zones de chasse privilégiées de ce couple et montrent que l'implantation prévue aura un impact sur ces territoires de chasse et sans doute également sur la nidification, qui est éloignée de moins de 2 kilomètres du plateau de Caballas ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier et notamment des mentions de l'étude d'impact selon lesquelles l'espèce de l'aigle royal " n'a pas été contactée au cours des relevés 2003, mais [que] la pression d'observation n'a pas été suffisante pour conclure à son absence. En effet, même s'il est difficile d'en évaluer l'importance, l'aire d'étude est très probablement survolée par l'espèce nicheuse qui se reproduit à environ sept kilomètres de la zone d'étude. " que le couple d'aigle royal, dont le comportement a été observé en 2013 et en 2014 par les études susmentionnées, était déjà présent à la date de réalisation de l'étude d'impact et à la date de la décision attaquée ;
9. Considérant, enfin, qu'il résulte également de l'examen des pièces du dossier et notamment des éléments de l'étude d'impact et de celles réalisées par le bureau Exen et l'association Becot relatifs aux conditions susceptibles de faire évoluer le territoire d'implantation et le domaine de chasse de l'aigle royal, que les constations effectuées en 2013 et 2014 par les études du bureau Exen et de l'association Becot, révèlent une situation qui existait déjà à la date de réalisation de l'étude d'impact, ainsi qu'à la date de la décision attaquée ; que, par suite, l'impact démontré par les études décrites au point 7 aurait dû être présenté par l'étude d'impact réalisée pour le projet ;
10. Considérant que, dans ces conditions, l'étude d'impact s'étant bornée à conclure à l'absence d'impact sur cette espèce ne peut pas être regardée comme ayant apprécié l'impact du projet sur cette espèce, et a donc méconnu les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ; qu'eu égard à la protection attachée à cette espèce, l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et à exercer une influence sur la décision du préfet ; qu'elle entache donc d'illégalité la procédure au terme de laquelle le permis a été délivré ;
11. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué ;
12. Considérant, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que les communes requérantes sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté de permis de construire du 2 juillet 2012 ; que, dès lors, elles sont fondées à demander tant l'annulation de ce jugement et que de l'arrêté en litige ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise sur leur fondement une quelconque somme à la charge des requérantes, qui n'ont ni la qualité de partie perdante ni celle de partie tenue aux dépens, au titre des frais exposés par la SAS La Compagnie du Vent et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la charge de la SAS La Compagnie du Vent une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les communes requérantes et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juin 2014 et l'arrêté du 2 juillet 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a délivré un permis de construire à la SAS La Compagnie du Vent sont annulés.
Article 2 : La SAS La Compagnie du Vent versera à la commune de Roquedonde et à la commune de Romiguières une somme globale de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS La Compagnie du Vent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roqueredonde, à la commune de Romiguières, à la ministre du logement et de l'habitat durable et à la SAS La Compagnie du Vent.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2016.
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N° 14MA03766