Par une requête enregistrée le 14 octobre 2015, M. B...représenté par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501342 du 8 septembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 7 avril 2015 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation, d'autre part, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale au titre des dispositions de l'article L. 313-11 7° ou 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-14 du même code, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil qui renonce à percevoir l'aide juridictionnelle en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. B...soutient que :
- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels pour être admis en France au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au regard des critères de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2015, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B...une somme de deux cents euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2016.
Un moyen d'ordre public a été communiqué aux parties le 5 avril 2016, tiré de l'irrecevabilité des moyens et conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 avril 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination, dès lors que par jugement du 17 juillet 2015, devenu définitif, le tribunal administratif a rejeté lesdites conclusions.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité kosovare, né le 26 juin 1984, est entré irrégulièrement en France le 12 août 2009 afin de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté ses demandes d'asile par décisions du 30 septembre 2009, 3 octobre 2010, 20 juin 2014, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 4 août 2011 et 23 décembre 2014.
2. Par arrêté du 9 décembre 2014, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. La légalité dudit arrêté a été confirmée par jugement du 24 mai 2014 du tribunal administratif de Nancy, ainsi que par la cour administrative d'appel le 11 juin 2015.
3. M. B...a, le 20 février 2015, sollicité un titre de séjour à titre humanitaire. Par jugement devenu définitif du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2015 en tant qu'il lui refuse le séjour.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B...soutient qu'il réside en France depuis plus de six ans, a fondé une famille avec son épouse, a trois enfants nés en 2009, 2011 et 2012, tous trois scolarisés et intégrés, que l'ainé des enfants est suivi en orthophonie du fait d'un retard de parole et de langage. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B...fait elle aussi l'objet d'un refus de titre de séjour. Par ailleurs, M. B...n'allègue pas être privé de liens avec son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions et de la durée du séjour du requérant en France, et de la circonstance que la décision n'emporte pas par elle-même de conséquences sur l'unité de la cellule familiale, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue de laquelle elle a été prise. Par suite, elle n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
8. D'une part, M. B...ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, dont les orientations générales ne constituent pas des lignes directrices. (CE 4 février 2015 n° 383267).
9. D'autre part, le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis de nombreuses années, que ses enfants sont scolarisés en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B...est entré irrégulièrement en France, a déjà fait l'objet de mesures d'éloignement. Les circonstances invoquées par M. B...n'établissent pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet des Vosges aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination :
10. Le tribunal a statué, par un jugement du 17 juillet 2015, devenu définitif, sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 avril 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination. En conséquence, lesdites conclusions sont irrecevables.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par l'Etat au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant au versement de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 15NC02124