Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2015, M. G...et MmeH..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1500445 et 1500446 du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 29 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer, à titre principal, un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me D...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués sont entachés d'incompétence et les premiers juges ont omis de se prononcer sur la nécessité d'une délégation spéciale ;
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
- les décisions sont insuffisamment motivées et stéréotypées ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;
- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée ;
- le préfet a commis une erreur dans son appréciation des conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle.
Sur les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions sont insuffisamment motivées en fait et en droit ;
- la loi française est contraire à l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008.
Sur les décisions fixant à trente jours leur délai de départ volontaire :
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme aux dispositions des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;
- ils n'ont pas été mis à même de présenter leurs observations en méconnaissance des articles 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 24 de la loi du 12 avril 2000.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales en ce qu'elles peuvent permettre aux époux d'être reconduits dans deux pays distincts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par deux décisions du 24 septembre 2015, M. G...et Mme H...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.G..., de nationalité azerbaïdjanaise et MmeH..., de nationalité arménienne, sont entrés en France le 1er décembre 2013 selon leurs déclarations accompagnés de leurs enfants afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 mai 2014, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 1er décembre 2014. Par arrêtés du 29 janvier 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé les pays à destination desquels ils pourraient être éloignés. Ils relèvent appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :
2. M. G...et Mme H...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle en date du 24 septembre 2015. Dès lors, les demandes susvisées sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. En précisant, dans le jugement attaqué, que " l'arrêté attaqué a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, à qui M. E... C..., préfet de Meurthe-et-Moselle, a donné délégation, par arrêté du 19 août 2013, publié au recueil des actes administratifs des services de l'Etat du 23 août suivant, à l'effet de signer tous les arrêtés (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit ", les premiers juges ont répondu au moyen dont ils étaient saisis, tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées.
4. Eu égard à l'argumentation générale exposée en première instance par M. G... et MmeH..., selon laquelle " une délégation est légale si elle réunit plusieurs conditions " et, notamment, " doit être partielle, précise et non rétroactive ", et alors que les intéressés ne soutenaient pas que la délégation bénéficiant à M. A...était dépourvue du degré de précision requis, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les requérants, n'ont entaché leur jugement ni d'une insuffisance de motivation, ni d'une omission de répondre à un moyen. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doit être écarté.
En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :
S'agissant du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués :
5. M. G...et Mme H...reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance et tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
S'agissant du moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de refus de séjour :
6. Les décisions attaquées, prises au visa de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention de Schengen et des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exposent la situation des intéressés au regard des procédures qu'ils ont initié en matière d'asile et envisagent leur situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, les arrêtés qu'ils contestent ne sont pas revêtus d'une motivation stéréotypée et comportent toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent et permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de leur situation personnelle au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions et du défaut d'examen de la situation des intéressés doivent être écartés.
S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre des décisions de refus de séjour :
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes des décisions litigieuses que le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour aux requérants après avoir procédé à un examen de leur situation individuelle et sans se considérer en situation de compétence liée à l'égard des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour refuser de leur délivrer un titre de séjour doit être écarté.
8. Si les requérants soutiennent qu'ils vivent en France depuis 2013, ils n'établissent ni même n'allèguent y posséder des attaches familiales. La cellule familiale, composée du couple et de leurs enfants, pourra se reconstituer dans le pays où ils sont tous deux légalement admissibles. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) " et aux termes du I de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".
10. D'une part, les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre le champ d'application de l'obligation de motivation des décisions de retour. Elles se bornent à prévoir les cas où la motivation de l'obligation de quitter le territoire français étant identique à celle de la décision de refus de séjour dont elle procède, elle n'a pas à faire l'objet d'une énonciation distincte. Ainsi, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, n'est pas incompatible avec les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008. Le moyen est par suite inopérant.
11. D'autre part, dès lors que, comme en l'espèce, les refus de titre de séjour sont eux-mêmes motivés et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas, ainsi qu'il vient d'être dit, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation découlant de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008. Les arrêtés attaqués visent l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, les décisions portant refus de titre de séjour sont suffisamment motivées. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation doit être écarté.
S'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire :
12. En premier lieu et aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée: " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 prise afin d'assurer la transposition de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée: " (...) II Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
13. Il résulte de ces dispositions législatives, qui ne sont pas en contradiction avec celles de la directive, qu'en dehors de l'hypothèse d'absence de délai de départ volontaire prévue au II de l'article L. 511-1 précité ou de rejet d'une demande expresse d'un délai supérieur à trente jours, la décision fixant le délai de départ volontaire n'a pas le caractère d'une décision devant être motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979. Dès lors, M. G... et Mme H...ne sauraient utilement soutenir que les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées.
14. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, M. G... et Mme H... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire dont les obligations de quitter le territoire français sont assorties.
15. En troisième lieu, M. G...et Mme H... qui ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne pouvaient ignorer qu'en cas de rejet de leur demande, une mesure d'éloignement serait en principe prise à leur encontre et qu'un délai de trente jours leur serait laissé pour quitter le territoire. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés auraient sollicité en vain un entretien, ni qu'ils aient été privés de la possibilité de faire valoir auprès de l'administration des informations pertinentes susceptibles de conduire à l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient eu des éléments pertinents à faire valoir afin de justifier qu'il leur fût accordé un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, M. G... et Mme H...ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés du droit d'être entendu qu'ils tiennent du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 §2 a) de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
S'agissant de l'autre moyen soulevé à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi :
16. Les requérants reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance et tiré de ce que le préfet a commis une erreur en prévoyant qu'ils puissent être reconduits dans deux pays distincts. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. G...et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 29 janvier 2015 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés. Leurs conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. G...et Mme H...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...G..., à Mme F...H...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC01272