Par un recours enregistré le 12 juin 2015, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé l'arrêté du 30 mars 2015 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'Etat n'avait pas pris en charge l'intégralité du transfert de M. A...vers la Hongrie dès lors que l'intéressé a été informé le 11 mars 2015 de son départ le 18 mars 2015 et qu'un pré-acheminement par voie routière était prévu ;
- M. A...ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2015, M.A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
A titre principal, il soutient que les conclusions du préfet du Bas-Rhin sont devenues sans objet suite à la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.
Subsidiairement, il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé la décision de placement en rétention administrative, le pré-acheminement à l'aéroport n'ayant pas été organisé par l'Etat ;
- il a respecté les conditions de son assignation à résidence ;
- il justifie de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
Par une décision du 26 novembre 2015, M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant kosovar, est entré en France accompagné de sa conjointe et de leurs enfants le 6 novembre 2014 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé que celles-ci avaient été relevées en Hongrie le 4 novembre 2014 dans le cadre d'une demande d'asile. A la suite de l'acceptation de la demande de reprise en charge de M. A...par les autorités hongroises, le préfet du Bas-Rhin lui a, par arrêtés du 29 décembre 2014, refusé l'admission au séjour, décidé sa remise aux autorités hongroises et l'a assigné à résidence ainsi que sa famille.
2. A la suite à une interpellation postérieure à la fin de son assignation à résidence, le préfet du Bas-Rhin a décidé, par arrêté du 30 mars 2015, de placer M. A...en rétention administrative pour une durée de 5 jours. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de placement en rétention administrative.
Sur les conclusions à fin de non lieu :
3. M. A...soutient qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision du 30 mars 2015 dès lors que par une décision du 15 juillet 2015, il a été admis au séjour en tant que demandeur d'asile, et que le préfet a abrogé sa décision ordonnant sa remise aux autorités hongroises.
4. L'intervention de la décision d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile ne prive pas d'objet les conclusions d'appel formé par le préfet du Bas-Rhin.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
5. Aux termes de l'article 30 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les coûts nécessaires au transfert d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), vers l'État membre responsable sont à la charge de l'État membre procédant au transfert. (...) / 3. Les coûts de ces transferts ne peuvent être mis à la charge des personnes à transférer en vertu du présent règlement ".
6. Par une décision du 29 janvier 2015 M. A...a été assigné à résidence avec son épouse et ses deux enfants. Un départ vers la Hongrie a été organisé à la date du 18 mars 2015. Toutefois, l'intéressé ne s'est pas présenté à l'embarquement. Le 30 mars 2015, le préfet du Bas-Rhin estimant que M. A...n'avait pas justifié des conditions de son assignation à résidence, l'a placé en rétention administrative pour une durée de cinq jours.
7. Il résulte toutefois des dispositions précitées qu'il incombe aux services de l'Etat, et non à l'étranger, de prendre à sa charge l'organisation matérielle et financière de la mesure d'éloignement envisagée et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'au lieu d'embarquement. Or en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'embarquement était prévu à l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle alors que M. A...réside en Alsace.
8. Si le préfet du Bas-Rhin soutient qu'un pré-acheminement était prévu, il ressort des pièces du dossier que M. A...et sa famille ont été convoqués le 18 mars 2015 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle avec mention sur les documents de voyage d'un pré-acheminement, sans que celui-ci ne soit formellement organisé. Par suite, le préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas pris toutes mesures utiles, ne pouvait fonder la décision contestée du 30 mars 2015 sur le défaut de justification des conditions de l'assignation à résidence.
9. En conséquence, le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 30 mars 2015.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du préfet du Bas-Rhin est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 15NC01302