Par une requête enregistrée le 24 juillet 2015, M. C... D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 16 juin 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 juin 2015 et la décision du 12 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un récépissé de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a omis de réserver les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant son admission au séjour au titre de l'asile, alors que de telles conclusions relèvent de la formation collégiale du tribunal administratif ;
- l'arrêté du 3 juin 2015 est entaché d'incompétence ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été informé de l'identité du responsable du traitement des données recueillies par Eurodac, en méconnaissance des dispositions de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;
- l'arrêté du 3 juin 2015 ne mentionne pas les délais de procédure prévus par l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il n'a pas bénéficié des mesures d'information prévues par l'article 4 de ce règlement ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel, en méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- la décision de remise aux autorités polonaises est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a jamais présenté de demande d'asile en Pologne ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant de faire application de la clause de souveraineté prévue par l'article 17 du règlement précité dès lors que son droit à l'asile n'est pas respecté en Pologne et que l'ensemble de ses attaches familiales se trouve à Strasbourg ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 3, 22 et 37 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision du 12 juin 2015 est entachée d'incompétence ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de remise aux autorités polonaises ;
- les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les articles 8-4 et 15-1 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le préfet ne pouvait le placer en rétention dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite au sens de l'article 28 du règlement du 26 juin 2013 ;
- la décision le plaçant en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des garanties de représentation.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Le préfet du Bas-Rhin fait valoir que :
- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés ;
- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la mesure de rétention ;
- ces conclusions sont irrecevables dès lors que le requérant produit une version incomplète de la décision contestée.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.D..., ressortissant russe né le 19 novembre 1985, déclare être entré irrégulièrement en France le 4 mars 2015, accompagné de son épouse et de leurs trois enfants mineurs ; que, le 5 mars 2015, il a sollicité son admission provisoire au séjour auprès du préfet du Bas-Rhin en vue de déposer une demande d'asile ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées le 8 décembre 2008 et le 23 février 2015 par les autorités polonaises, lesquelles ont, par un courrier du 7 mars 2015, reconnu la Pologne comme l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé et accepté sa reprise en charge ; qu'en conséquence, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 3 juin 2015, refusé d'admettre M. D... au séjour et ordonné sa remise aux autorités polonaises ; que le requérant a été interpellé, le 12 juin 2015, par les services de police lors d'un contrôle d'identité et, par une décision du même jour, placé en rétention dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que M. D...relève appel du jugement du 16 juin 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort de la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg par M. D...que ce dernier a sollicité, outre l'annulation de la décision du 12 juin 2015, l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2015 en tant seulement qu'il ordonnait sa remise aux autorités polonaises ; que si l'intéressé a également contesté, dans sa demande, la légalité de cet arrêté en tant qu'il lui refusait l'admission provisoire au séjour, il s'est borné à exciper de la légalité de cette décision de refus au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de remise ; qu'ainsi, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, qui n'avait pas à réserver de prétendues conclusions formées contre la décision de refus d'admission provisoire au séjour, ne s'est pas mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi en se prononçant sur la légalité des seules décisions de remise aux autorités polonaises et de placement en rétention et, après avoir écarté les moyens soulevés par le requérant, dont l'exception d'illégalité précitée, en rejetant la requête dans son ensemble ; que par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité ;
Sur la légalité de la décision portant remise aux autorités polonaises :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant, en premier lieu, que M. D...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de ce que la décision portant remise aux autorités polonaises serait entachée d'incompétence et d'une insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...s'est vu remettre le 5 mars 2015 deux brochures comportant les informations prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, ainsi qu'un document complémentaire précisant les délais applicables dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable d'une demande d'asile ; que ces documents ont été remis à M. D...dans une traduction en langue russe ; que le requérant se borne à alléguer une méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 sans préciser en quoi ces dispositions auraient été méconnues ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu l'ensemble des informations qu'elles prévoient ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, alors applicable : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine : a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même règlement : " Définitions (...) 2. Les termes définis à l'article 2 de la directive 95/46/CE ont la même signification dans le présent règlement (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données : " Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) d) " responsable du traitement " : la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d'autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ; lorsque les finalités et les moyens du traitement sont déterminés par des dispositions législatives ou réglementaires nationales ou communautaires, le responsable du traitement ou les critères spécifiques pour le désigner peuvent être fixés par le droit national ou communautaire " ;
7. Considérant, d'une part, que le responsable du traitement des données mentionnées dans le fichier Eurodac est, en application des dispositions combinées des articles 2 et 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 et de l'article 2 de la directive 95/46/CE précités auquel renvoie l'article 2 du règlement n° 2725/2000, la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d'autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ; qu'en France, le responsable du traitement Eurodac est le ministère de l'intérieur ainsi que l'indique la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " qui est remise aux demandeurs d'asile et dont un exemplaire, traduit en russe, a été remis à M.D... ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 que les informations relatives au relevé des empreintes digitales prévues par ces dispositions doivent être fournies lors du relevé de ces empreintes ou, en tout cas, avant que ne soit adoptée la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a reçu le 5 mars 2015, date de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, un exemplaire en russe du document d'information relatif à la mise en oeuvre du règlement Eurodac, mentionnant en son point 3 " Droits des demandeurs d'asile ", que l'intéressé avait un droit d'accès et de rectification des données auprès du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - secrétariat général à l'immigration et à l'intégration ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, M. D... a été informé de l'identité du responsable du traitement ou de celle de son représentant dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable (...) / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend " ;
11. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée du 3 juin 2015 a été notifiée à M.D..., accompagnée d'un courrier daté du même jour mentionnant, en français et en russe, que le transfert de l'intéressé vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile devait avoir lieu dans un délai de six mois suivant l'accord des autorités polonaises, de douze mois en cas d'emprisonnement et de dix-huit mois en cas de fuite ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que M. D...n'aurait pas été informé des délais applicables à la mise en oeuvre de son transfert vers la Pologne en méconnaissance de l'article 26 précité du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté ;
12. Considérant, d'autre part, que la décision attaquée indique les délais de recours et précise qu'un recours contentieux a pour effet d'en suspendre l'exécution ; qu'ainsi et en tout état de cause, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été informé de ces délais manque en fait ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) " ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a bénéficié d'un entretien individuel le 2 avril 2015 avec le concours d'un interprète ; que si le requérant fait valoir que cet entretien s'est déroulé en présence de son épouse et de ses enfants, il n'est pas établi que cette circonstance aurait eu pour effet de le priver de son caractère confidentiel ; qu'il n'est pas établi non plus que l'intéressé se serait trouvé dans l'impossibilité de faire état, au cours de cet entretien, d'éléments propres à faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ; que par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) / 3. Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE " ; que le paragraphe 2 de l'article 7 de ce règlement prévoit que " la détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre " ;
16. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités polonaises ont, par un courrier du 7 mars 2015, reconnu la Pologne comme l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D...et accepté sa reprise en charge ; que l'intéressé a reconnu avoir déposé une demande d'asile auprès des autorités polonaises au cours de l'année 2008, ainsi qu'il ressort du compte rendu d'entretien établi le 15 avril 2015 ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté ;
17. Considérant, d'autre part, que si la Pologne est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que le document d'ordre général produit en appel, qui se rapporte aux conditions de traitement des demandes d'asile en Pologne en 2008 ne suffit pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Pologne est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile ; que le requérant ne saurait se prévaloir du recours formé contre la Pologne devant la cour européenne des droits de l'homme par l'une de ses compatriotes qui ne présente aucun lien avec lui ; qu'en outre, les allégations de M. D...relatives aux conditions de son séjour en Pologne au cours de l'année 2015 ne suffisent pas à établir qu'il existerait un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités polonaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse ferait obstacle à ce que sa demande d'asile soit traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'il s'en suit que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté ;
18. Considérant, en deuxième lieu, que si M. D...soutient avoir ses attaches familiales en France où résident son beau-frère, de nationalité française, et sa belle-mère, titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré sur le territoire français le 4 mars 2015 seulement, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 29 ans dans son pays d'origine ; que son épouse est en situation irrégulière et fait également l'objet d'une décision de remise aux autorités polonaises ; que la circonstance que le plus jeune enfant du couple soit né en France le 17 juin 2015 ou qu'un autre y soit scolarisé ne fait pas obstacle au départ de l'ensemble de la famille à destination de la Pologne ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
19. Considérant, en troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, que M. D... ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que ses enfants l'accompagnent, ainsi que sa conjointe, en cas de départ vers la Pologne ; que par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;
20. Considérant, en dernier lieu qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 22 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Les Etats parties prennent les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié (...) bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits Etats sont parties " ; qu'aux termes du c de l'article 37 de cette même convention, les Etats parties veillent à ce que : " Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles " ;
21. Considérant, compte tenu de ce qui a été dit aux points 17, 18 et 19, que le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance des stipulations précitées de l'article 22 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ; que la décision contestée n'ayant ni pour objet, ni pour effet de priver de liberté l'un des enfants du requérant, celui-ci ne saurait utilement se prévaloir d'une violation de l'article 37 de la même convention ;
Sur la légalité de la décision plaçant le requérant en rétention :
22. Considérant qu'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure de placement en rétention conserve un objet alors même que la rétention a pris fin ; qu'ainsi, les conclusions du préfet du Bas-Rhin tendant à ce que la cour prononce un non-lieu sur le recours formé par M. D...à l'encontre de la décision le plaçant en rétention ne peuvent qu'être écartées ;
23. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités polonaises serait entachée d'illégalité ; que, par suite, son moyen invoqué à l'encontre de la décision le plaçant en rétention et tiré, par voie d'exception, d'une prétendue illégalité de la décision de remise ne peut qu'être écarté ;
24. Considérant, en deuxième lieu, que, par un arrêté du 16 décembre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 18 décembre suivant, le préfet du Bas-Rhin a donné à M. E...A..., directeur de cabinet, délégation pour signer, en cas d'absence du secrétaire général de la préfecture et de son adjoint, tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des mesures concernant la défense nationale, des ordres de réquisition du comptable public et des arrêtés de conflit ; que la décision attaquée, qui n'entre dans aucune de ces exceptions, est au nombre de celles que M. A...pouvait, en application de l'arrêté du 16 décembre 2014, signer au nom du préfet du Bas-Rhin ; qu'ainsi, en l'absence de toute contestation portant sur l'absence du secrétaire général de la préfecture et de son adjoint, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'incompétence manque en fait et doit être écarté ;
25. Considérant, en troisième lieu, que M. D...invoque les articles 8 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui prévoient, notamment, que les mesures coercitives nécessaires à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable ; que, toutefois, les dispositions de cette directive ne s'appliquent, en vertu de son article premier, qu'au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que l'article 3 de cette même directive définit le retour comme le fait pour un ressortissant d'un pays tiers de rentrer, volontairement ou en y étant forcé, " dans son pays d'origine ou un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux ou un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d'un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis " ; que la décision par laquelle le préfet de la Moselle a décidé de remettre M. D...aux autorités polonaises en vue de sa reprise en charge en application du règlement (CE) n° 604/2013, ne peut être regardée ni comme concernant le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ou un pays tiers, ni comme emportant son départ vers un pays de transit, la Pologne étant responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, la décision de remettre le requérant aux autorités polonaises ne peut être regardée comme une décision de retour au sens de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'il s'ensuit que le moyen invoqué à l'encontre de la mesure de rétention prise aux fins d'exécuter la décision de remise, et tiré de la méconnaissance des articles 8 et 15 de cette directive, est en tout état de cause inopérant ;
26. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'aux termes de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. 2. Les Etats membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. " ;
27. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 3 juin 2015 ordonnant la remise de M. D...aux autorités polonaises lui a été notifiée, en mains propres, le 12 juin suivant au plus tard, en même temps que la décision le plaçant en rétention administrative ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette dernière décision serait dépourvue de base légale au motif qu'elle lui aurait été notifiée avant la décision de remise aux autorités polonaises ;
28. Considérant, d'autre part, que M.D..., qui bénéfice d'un hébergement d'urgence avec sa famille, ne justifie ni d'un document de voyage en cours de validité, ni d'une adresse stable ; que, dans ces conditions, si le requérant fait valoir qu'il s'est toujours rendu aux entretiens fixés par les services de la préfecture et que son épouse était enceinte à la date de la décision attaquée, il ne présentait pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure décidant sa remise aux autorités polonaises ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce risque doit être regardé comme non négligeable, alors que l'intéressé a déclaré lors de son audition par les services de police le 12 juin 2015 qu'il ne voulait pas retourner en Pologne ; que, dès lors, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision de placement en rétention méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 28 du règlement du 26 juin 2013 ou serait entachée d'une erreur d'appréciation ;
29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet du Bas-Rhin, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et les conclusions du préfet du Bas-Rhin tendant à ce que la cour prononce un non-lieu sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 15NC01645