Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2015, M. et MmeD..., représentés par la SCP Levi-Cyferman, doivent être regardés comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403294, 1403295 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 3 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer une carte de séjour temporaire les autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative et de leur délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur avocat, la SCP Levi-Cyferman, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés sont insuffisamment motivés ;
- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur accorder un délai de départ volontaire ;
- ils ont été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention précitée et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D...ne sont pas fondés.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy du 25 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et Mme D..., nés respectivement le 25 mars 1975 et le 12 avril 1977, de nationalité bosnienne, ont sollicité la qualité de réfugié ; que par des décisions en date du 14 janvier 2013, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides saisi selon la procédure prioritaire a rejeté leurs demandes ; que ces décisions ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mai 2014 ; que les intéressés ont présenté des demandes de réexamen de leurs demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2014 ; que par deux arrêtés non contestés en date du 25 janvier 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. et Mme D...s'étant néanmoins maintenus en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés par deux nouveaux arrêtés en date du 3 novembre 2014 ; que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces derniers arrêtés ;
2. Considérant, en premier lieu, que pour les obliger à quitter le territoire français sans délai et fixer le pays à destination duquel ils seront renvoyés, le préfet a, après avoir rappelé la situation personnelle et familiale des intéressés, les conditions de leur entrée en France et la circonstance qu'ils avaient fait l'objet d'une première mesure non contestée de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, indiqué les raisons selon lesquelles M. et Mme D... qui ne justifiaient pas d'une vie privée et familiale stable et ancienne en France qui leur permettrait de se prévaloir d'un titre de séjour de plein droit, se trouvaient dans la situation visée à l'alinéa 3 de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvaient faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il a également mentionné les raisons pour lesquelles il ne leur a pas accordé de délai de départ volontaire en précisant que les requérants s'étaient volontairement soustraits à une mesure d'éloignement précédente et qu'ils ne justifiaient pas d'un document de voyage en cours de validité ; qu'enfin, il a indiqué que M. et Mme D...n'établissaient pas encourir de risques contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Bosnie ; que les arrêtés contestés comportent ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et celles fixant le pays de destination ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D...sont entrés en France le 18 septembre 2012, selon leurs déclarations ; qu'ils ont fait chacun l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dès le 25 janvier 2013 et se sont maintenus en France au bénéfice de leurs demandes successives de séjour tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que l'aîné de leur fils a également fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que s'ils font valoir que leur fils cadet né en 1998 est scolarisé en France, rien ne fait obstacle à ce qu'il retourne en Bosnie avec ses parents et y poursuive sa scolarité ; que les requérants ne justifient pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 37 et 35 ans ; que, dans ces conditions, et eu égard à la brièveté de leur séjour en France, les arrêtés litigieux n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au but en vue desquels ils ont été pris et n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ; que pour les mêmes raisons et nonobstant les attestations produites faisant état de leur volonté de s'insérer dans la société française, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leur situation personnelle ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...) Toutefois , l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2... " ;
6. Considérant que M. et Mme D...qui se sont soustraits à une première obligation de quitter le territoire français, n'établissent pas davantage qu'en première instance que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur accorder un délai de départ volontaire ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ( ...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
8. Considérant que si M. et Mme D...soutiennent qu'un retour dans leur pays d'origine risquerait de les exposer à des traitements inhumains et dégradants, ils n'apportent aucun élément de nature à établir qu'ils se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour en Bosnie, alors au demeurant que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC01739