Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2015, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 16 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne démontre pas qu'il existe en Arménie un traitement approprié à son état de santé ;
- il répondait aux conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant arménien né le 16 octobre 1979, déclare être entré en France le 26 décembre 2005 afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 octobre 2006, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 juin 2008 ; que, par un arrêté du 16 avril 2015, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité le 24 février 2015 en raison de son état de santé ; qu'il a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ; que M. C... relève appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, que la décision refusant un titre de séjour à M. C...mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier celles du 11° de l'article L. 313-11 ; qu'après avoir rappelé les conditions dans lesquelles le requérant est entré sur le territoire français, la décision contestée indique précisément les raisons pour lesquelles le préfet de la Moselle a estimé que l'intéressé ne pouvait être admis au séjour sur le fondement des dispositions précitées dès lors que les soins nécessités par son état de santé existent dans son pays d'origine ; que cette décision précise par ailleurs les raisons pour lesquelles l'autorité compétente a considéré qu'un refus de titre de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, la décision refusant un titre de séjour à M.C..., qui ne se borne pas à apprécier sa situation au regard de son seul état de santé, comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
4. Considérant que M.C..., qui indique souffrir de stress post-traumatique en lien avec des violences subies en Arménie, soutient que l'offre de soins existant dans ce pays ne lui permettra pas de bénéficier du suivi psychothérapique dont il a besoin ; que, dans son avis du 23 mars 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut peut entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le certificat médical produit par M.C..., qui ne se prononce sur la disponibilité des soins en Arménie, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. C...le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de ces dispositions ;
5. Considérant, en dernier lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que si les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande de carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.C..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé, aurait également fait état dans sa demande d'un motif exceptionnel ou de considérations humanitaires en vue de son admission exceptionnelle au séjour ; que le préfet, en mentionnant dans sa décision " qu'il n'a pas paru opportun de l'admettre au séjour à titre dérogatoire ou pour des motifs exceptionnels ou humanitaires ", a, en tout état de cause, uniquement indiqué à l'intéressé qu'il n'entendait pas faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, sans pour autant estimer qu'il était saisi d'une demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, M. C...ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions ;
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;
8. Considérant que la décision obligeant M. C...à quitter le territoire français mentionne les dispositions applicables de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, cette mesure d'éloignement, prise en application du 3° du I de cet article, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de séjour, laquelle, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, est suffisamment motivée en droit et en fait ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d''une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; qu'eu égard à ce qui a été dit au point 4, le préfet a pu légalement obliger M. C...à quitter le territoire français sans méconnaître ces dispositions ;
10. Considérant, enfin, que si M. C...se prévaut de son état de santé et de la présence de sa mère en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
12. Considérant que M. C...fait valoir qu'il réside en France depuis 2005 aux côtés de sa mère, qui est en situation régulière ; que, toutefois, l'intéressé, qui est majeur, est célibataire et sans enfant ; qu'il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches familiales en Arménie, où il a vécu jusqu'à l'âge au moins de 26 ans ; qu'en outre, il ne démontre pas être présent en France de façon continue depuis 2005 ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'aucun dépens n'ayant été exposé durant la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
''
''
''
''
3
N° 15NC02191