Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2015, Mme B..., représentée par la SCP MCM et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 septembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er juillet 2015 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 1er juillet 2015 en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2016, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...est entrée en France le 4 septembre 2012, selon ses déclarations ; que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 25 septembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 mars 2015 ; que l'intéressée a également sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que par un arrêté du 1er juillet 2015, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée ; que Mme B...relève appel du jugement du 25 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays " ; qu'aux termes de l'article R. 313-1 du code précité : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants à charge " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Marne, saisi par Mme B... d'une demande de délivrance de titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'a pas transmis cette demande pour avis au médecin de l'agence régionale de santé au motif que la nationalité de l'intéressée n'était pas certaine dès lors qu'elle a produit " un passeport dont la page d'identité s'est avérée contrefaite " ;
4. Considérant que Mme B...fait valoir que le préfet de la Marne ne justifie pas de cette allégation et qu'elle n'est ainsi pas en mesure de connaître les raisons pour lesquelles le préfet a considéré que l'identité de son passeport avait été falsifiée ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...s'est toujours prévalue de sa nationalité congolaise, laquelle n'a d'ailleurs pas été remise en cause par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile lors de l'examen de sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que le préfet de la Marne ne produit d'ailleurs aucun élément pour justifier des motifs pour lesquels il a estimé que la page d'identité du passeport de Mme B...est contrefaite ; que, par suite, le préfet de la Marne, en se fondant sur la circonstance que l'état civil de Mme B...n'était pas " certain " pour refuser de transmettre pour avis au médecin de l'agence régionale de santé sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code civil ; que les décisions obligeant Mme B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Miravete de la somme de 1 500 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1501530 du 25 septembre 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 1er juillet 2015 par lequel le préfet de la Marne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Miravete, avocat de Mme B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Miravete renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 15NC02205