Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2015, MmeA..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 30 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Berry, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi que le signataire de l'arrêté litigieux bénéficiait d'une délégation de signature régulière ;
- le préfet a fait une interprétation erronée de sa situation au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en estimant que son traitement est disponible en Algérie et qu'elle pouvait effectivement en bénéficier ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les stipulations du 5° du même article 6 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne tenant pas compte de la durée de son séjour sur le territoire et de ce qu'elle serait totalement isolée en Algérie alors qu'elle a besoin du soutien de sa famille, qui vit en France ;
- il a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- enfin, la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne née le 13 août 1962, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé ; que, par un arrêté du 30 avril 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer ce titre et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination duquel l'intéressée pourrait être éloignée à l'issue de ce délai ; que Mme A...relève appel du jugement du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 30 avril 2015 :
2. Considérant que Mme A...séjourne en France depuis 2008 aux côtés de sa mère titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et de son frère et sa soeur qui ont tous deux la nationalité française ; que, depuis le décès de son père et de sa tante qui l'hébergeait en Algérie, elle est désormais dépourvue de toute famille dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...souffre de troubles anxieux persistants et profonds pour lesquels elle fait l'objet d'un suivi ambulatoire au sein de l'Etablissement public de santé Alsace nord ; que le praticien hospitalier psychiatre qui assure ce suivi fait état de la nécessité de maintenir autour de Mme A...une présence familiale et, compte tenu de l'existence d'un risque de passage à l'acte auto agressif, du danger que présenterait son retour en Algérie où elle serait isolée ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet du Bas-Rhin, en rejetant la demande de titre de séjour de MmeA..., a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de celle-ci ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 30 avril 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à Mme A...une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit délivré à l'intéressée un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer ce titre à Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Berry, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Berry de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1503068 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 novembre 2015 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 30 avril 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme A...un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Berry, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Berry renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg.
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N° 15NC02405