Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2015, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 novembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 juin 2015 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour, que :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à sa régularisation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination, que :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et au rejet des conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de refus de titre de séjour.
Il soutient que :
- les conclusions de la requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont devenues sans objet dès lors que M. B... a été admis au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'intéressé ayant épousé une ressortissante française et qu'il est muni d'un récépissé de demande de carte de séjour ;
- les moyens soulevés par le requérant dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 28 avril 2016.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le pouvoir de régularisation du préfet peut servir de fondement à la décision de refus de titre de séjour en litige, en étant substitué à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la base duquel le préfet a pris la décision contestée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien né le 12 août 1984, est entré régulièrement sur le territoire français le 12 septembre 2011 ; qu'il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien, en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelé jusqu'au mois de mars 2015 ; que le 13 avril 2015, M. B... a sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel ; que par un arrêté du 9 juin 2015, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que M. B... relève appel du jugement du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'introduction de la requête, le préfet du Haut-Rhin a décidé d'admettre au séjour M. B... en qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et l'a muni d'un récépissé de demande de carte de séjour ; que le préfet du Haut-Rhin, en délivrant à M. B... un tel récépissé, a implicitement mais nécessairement abrogé ses décisions du 9 juin 2015 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; qu'en revanche, la délivrance par le préfet du Haut-Rhin d'un récépissé de demande de carte de séjour à M. B... n'a eu ni pour objet ni pour effet d'abroger sa décision du 9 juin 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, les conclusions de la requête ne sont pas dépourvues d'objet sur ce point ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 30 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du Haut-Rhin le même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation de signature à M. Marx, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, " en toutes matières se rapportant à l'action administrative et pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin " ; qu'au nombre des exclusions de la délégation ne figurent pas la décision de refus de titre de séjour en litige ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de refus de titre de séjour manque en fait et doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°) au ressortissant algérien, (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B... a résidé régulièrement en France depuis 2011 en qualité d'étudiant, ce droit au séjour ne lui donnait pas vocation à y demeurer à l'issue de ses études ; que, par ailleurs, si M. B...se prévaut en appel de son mariage le 15 novembre 2015 avec une ressortissante française, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, est sans incidence sur sa légalité ; qu'il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué une communauté de vie effective à la date de la décision en litige ; que M. B..., sans enfant à charge, n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, et quand bien même le requérant se consacrerait dorénavant à la musique et disposerait de ressources suffisantes, la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, les moyens tirés de l'inexacte application des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311 7 " ; que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 6-5 de l'accord franco-algérien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre de la vie privée et familiale, un ressortissant algérien souhaitant obtenir un tel titre de séjour ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant algérien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;
7. Considérant qu'il suit de là que le préfet ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale présentée par M. B... en faisant application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont inapplicables à un ressortissant algérien ; que, toutefois, il y a lieu de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que compte tenu des éléments de la situation personnelle de M. B... exposés au point 5 du présent arrêt, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation des décisions du 9 juin 2015 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 15NC02485