Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2015, M. A... représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 juillet 2015 pris à son encontre par le préfet de l'Aube ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination, que :
- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2016, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B... A..., ressortissant kosovar né le 29 avril 1984, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 30 décembre 2013, selon ses déclarations ; que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par une décision du 10 avril 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 novembre 2014 ; que M. A... a sollicité le 10 décembre 2014 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que par un arrêté du 3 juillet 2015, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que M. A...relève appel du jugement du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne de manière précise et circonstanciée le parcours de M. A... ainsi que les motifs pour lesquels le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que la décision contestée comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays " ;
5. Considérant que M. A..., qui souffre d'un diabète de type 2, soutient qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé au Kosovo ; qu'il ressort des pièces du dossier que par un avis du 18 juin 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Champagne-Ardenne a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale qui présente un caractère de longue durée dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existe dans son pays d'origine ; que les certificats médicaux produits par M. A..., et notamment ceux des 16 novembre 2015 et 4 mars 2016 de son médecin généraliste, selon lesquels certains des médicaments prescrits à l'intéressé ne seraient pas disponibles au Kosovo et que son nouveau traitement justifie qu'il se poursuive en France, ne comportent pas de précision suffisante quant à l'impossibilité pour le requérant de suivre un traitement approprié à son état de santé au Kosovo et à l'absence de médicaments de même classe que ceux prescrits en France ; qu'en outre, le préfet de l'Aube produit plusieurs courriers et rapports établis par les services de l'ambassade au Kosovo aux termes desquels le Kosovo dispose de structures sanitaires aptes à prendre en charge l'affection dont souffre M. A... et que l'ensemble des médicaments nécessaires à son traitement y sont disponibles ; que, par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. A... soutient qu'il réside en France depuis le mois de décembre 2013, que son traitement médical doit être poursuivi en France, qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine où il n'a plus d'attache dès lors que son épouse et son fils sont arrivés en France en juin 2015 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré récemment sur le territoire français, ainsi que son épouse et son fils ; que, par ailleurs, et alors au demeurant qu'une décision de refus de titre de séjour n'emporte pas nécessairement l'éloignement d'un étranger vers son pays d'origine, M. A... n'établit pas, par des pièces suffisamment probantes, le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine qui feraient obstacle à la poursuite d'une vie privée et familiale normale dans ce pays, alors d'ailleurs que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 14 novembre 2014 ; qu'en outre, ainsi qu'il a été précédemment dit, M. A...ne justifie pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ; qu'enfin, à la date de la décision en litige, M. A...ne justifiait pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Kosovo où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour de M. A... en France, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré ce que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, que dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; que la décision en litige mentionne le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation manque en fait et doit être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté ;
10. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que si M. A...soutient qu'un retour dans son pays d'origine risquerait de l'exposer à des traitements inhumains et dégradants à la suite des menaces et des violences dont il a fait l'objet, il ne justifie pas par son seul récit devant l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, et alors au demeurant que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 15NC02302