Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2015, M. F...C...et Mme E...B..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 juillet 2015 ;
2°) d'annuler les deux arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 10 mars 2015 ;
3°) de leur accorder l'aide juridictionnelle provisoire ou qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
- M. Raffy, secrétaire général de la préfecture, était incompétent pour signer l'arrêté en litige ;
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'absence de caractère suffisamment précis de la délégation de signature ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de leur situation personnelle ;
- ils n'ont pas été entendus préalablement à l'édiction des décisions en litige, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'absence de prise en compte de leur situation personnelle au regard de leur droit au respect de la vie privée et familiale ;
En ce qui concerne les décisions de refus de séjour :
- ces décisions sont entachées d'un défaut de motivation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a estimé de manière erronée qu'ils n'avaient pas produit d'éléments nouveaux relatifs à leurs demandes d'asile ;
- ils font état de motifs humanitaires et exceptionnels ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- ces décisions ne sont pas suffisamment motivées ;
- le droit français méconnaît les dispositions de l'article 12 de la directive n° 2008/105/CE ;
En ce qui concerne les décisions fixant un délai de départ volontaire :
- l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît les articles 5 et 7 de la directive n° 2008/105/CE ;
- le préfet n'a pas justifié des raisons pour lesquels il ne leur a pas octroyé un délai de départ supérieur à 30 jours ;
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
- le préfet s'est à tort estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par deux décisions du 25 février 2016, M. C...et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne n° C-383/113 du 10 septembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., né le 4 septembre 1976, et sa compagne Mme B..., née le 17 décembre 1977, qui ont déclaré être de nationalité azerbaïdjanaise, sont entrés irrégulièrement en France le 20 décembre 2011 afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que leurs demandes ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 22 mai 2014, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 1er décembre 2014 ; que les intéressés ont alors formulé, par courrier en date du 29 décembre 2014, une nouvelle demande de titre de séjour ; que, par les arrêtés contestés du 10 mars 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire et au sursis à statuer :
2. Considérant que, par deux décisions du 25 février 2016, M. C...et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à ce que l'aide juridictionnelle provisoire leur soit octroyée ou qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif de Nancy a omis de répondre à la branche du moyen relatif à l'incompétence du signataire des décisions contestées, qui n'était pas inopérante, tirée de l'absence de caractère suffisamment précis de la délégation de signature dont bénéficiait le secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle ; que le jugement est donc irrégulier et doit être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité soulevé par les requérants ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. C...et Mme B...devant le tribunal administratif de Nancy ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés du 10 mars 2015 :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :
5. Considérant, en premier lieu, que M. D...Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, disposait d'une délégation de signature pour signer les décisions contestées, en vertu d'un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 20 août 2013 régulièrement publié le 23 août 2013 au recueil des actes administratifs ; que cette délégation était suffisamment précise puisqu'elle visait " tous les arrêtés (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté en toutes ses branches ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle des requérants ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive n° 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
9. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive n° 2008/105/CE du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des États tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des États membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des États tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;
10. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur celle fixant le délai de départ volontaire, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
11. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas expressément invité M. C...et Mme B... à formuler des observations sur l'éventualité d'un refus de titre de séjour, alors que ceux-ci avaient pu faire valoir tous les éléments utiles lors de leur demande de titre, de l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français ou de la fixation d'un délai de départ volontaire n'est pas de nature à permettre de regarder les intéressés comme ayant été privés de leur droit à être entendus, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
En ce qui concerne les décisions de refus de séjour :
13. Considérant, en premier lieu, que les décisions en litige mentionnent, avec une précision suffisante et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'en particulier, la décision refusant à M. C...un titre de séjour vise l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que le métier pour lequel celui-ci a présenté une promesse d'embauche n'est pas soumis à des difficultés de recrutement et que, compte tenu de l'ensemble des éléments fournis, le préfet n'entend pas faire usage du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour régulariser sa situation ; que le moyen tiré du défaut de motivation des arrêtés contestés doit donc être écarté ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;
15. Considérant que les requérants, qui sont entrés sur le territoire français le 20 décembre 2011, font valoir qu'ils sont bien intégrés, que leurs trois enfants sont scolarisés et que M. C...dispose d'une promesse d'embauche ; que, toutefois, les intéressés ne résidaient que depuis trois ans et trois mois en France à la date de la décision attaquée et n'établissent pas, ni même n'allèguent, être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine ; qu'ils ne font état d'aucun élément qui s'opposerait à ce qu'ils reconstituent leur cellule familiale hors de France ; que, par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France des intéressés, les décisions par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour n'ont pas porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu des buts en vue desquels elles ont été prises ;
16. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que si les requérants soutiennent que leurs trois enfants ont développé sur le territoire français d'importantes attaches et y ont des repères personnels et éducatifs cruciaux pour leur développement, les décisions en litige, qui n'ont pas vocation à séparer les enfants de leurs parents, ne méconnaissent toutefois pas les stipulations précitées ;
17. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu des éléments mentionnés ci-dessus, c'est à bon droit que le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé que M. C...et Mme B... ne faisaient pas état de motifs humanitaires ou exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
18. Considérant, en dernier lieu, que si les requérants soutiennent que le préfet a considéré à tort qu'ils n'ont pas présenté d'éléments nouveaux à soumettre à l'OFPRA et à la CNDA, ils n'établissent pas l'existence de tels éléments, qui ne peuvent résulter de la seule circonstance qu'ils ont demandé à obtenir un titre d'identité russe ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
19. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) " ; qu'aux termes du I de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;
20. Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre le champ d'application de l'obligation de motivation des décisions de retour ; qu'elles se bornent à prévoir les cas où la motivation de l'obligation de quitter le territoire français étant identique à celle de la décision de refus de séjour dont elle procède, elle n'a pas à faire l'objet d'une énonciation distincte ; qu'ainsi, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, n'est pas incompatible avec les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ;
21. Considérant, d'autre part, que dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas, ainsi qu'il vient d'être dit, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation découlant de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; que les arrêtés contestés visent l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ainsi qu'il a été dit au point 13, les décisions portant refus de titre de séjour sont suffisamment motivées ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'un défaut de motivation doit être écarté ;
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire :
22. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte : a) de l'intérêt supérieur de l'enfant ; b) de la vie familiale ; c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette directive : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes du II de cet article : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;
23. Considérant, d'une part, qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est égal à la limite supérieure prévue à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, en particulier au regard des éléments mentionnés à l'article 5 de la directive du 16 décembre 2008, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient privées de base légale en raison de l'incompatibilité des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les articles 5 et 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;
24. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a, par suite, pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'ainsi, et en l'absence de demande ou d'éléments présentés par les requérants relatifs à la prolongation du délai de trente jours, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient insuffisamment motivées doit être écarté ;
25. Considérant, enfin, que le préfet a estimé qu'il n'y avait pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de trente jours imparti aux intéressés ; que si M. C...et Mme B... font état de leur situation familiale et personnelle, celle-ci n'est pas, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui a été dit, en particulier, aux points 15 et 16, de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
26. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
27. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a examiné la situation des requérants au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se serait estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
28. Considérant, en second lieu, que les intéressés, qui ont tous les deux déclaré être ressortissants azerbaïdjanais dans leur demande d'asile, se bornent à soutenir qu'ils sont un couple mixte qui a fui l'Azerbaïdjan pendant la guerre et que la vie de M. C...serait menacée en cas de retour dans ce pays ; que, toutefois, ils n'apportent aucun élément au soutien de ces allégations, qui sont au demeurant succinctes et imprécises ; qu'en outre, les décisions fixant le même pays de destination, leur mise en oeuvre ne conduirait pas à ce qu'ils soient séparés ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précité doit être écarté ;
29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés du 10 mars 2015 sont entachés d'illégalité ; qu'il s'ensuit que leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent également qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire ou à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 juillet 2015 est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par M. C...et Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C..., à Mme E... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC02557