Procédure devant la Cour :
I- Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2015, sous le n° 15NC01625, M. F..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500710, 1500711 du 23 juin 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Aube du 12 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me E..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;
- la décision contrevient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet l'a empêché de se présenter devant la Cour nationale du droit d'asile pour exposer sa situation et a ainsi méconnu son droit à un recours effectif tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention précitée ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la même convention ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le droit à un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination contrevient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
II- Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2015, sous le n° 15NC01626, Mme D...épouse F..., représentée par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500710, 1500711 du 23 juin 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Aube du 12 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me E..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme D...fait valoir les mêmes moyens que ceux soulevés par son époux à l'appui de la requête n° 15NC01625.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2015, le préfet de l'Aube conclut au rejet des requêtes.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2016.
M. et Mme F...on été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy du 7 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que les requêtes n° 15NC01625 et n° 15NC01626 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que M. F... et son épouse, MmeD..., nés respectivement le 29 juin 1976 et le 19 juillet 1980, de nationalité arménienne, ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié ; que leurs demandes ont été examinées selon la procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui les a rejetées par des décisions du 19 février 2015 ; que, par deux arrêtés du 12 mars 2015, le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement ; que M. et Mme F...relèvent appel du jugement du 23 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation appelant une réponse commune :
3. Considérant que les arrêtés litigieux visent notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ils précisent la situation personnelle et les conditions d'entrée en France de M. et Mme F...et les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de leur délivrer un titre de séjour après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de leur reconnaître la qualité de réfugié ; que les arrêtés contestés comportent ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent les décisions portant refus de titre de séjour, ainsi que celles portant obligation de quitter le territoire français qui n'ont pas à faire l'objet d'une motivation distincte, et doivent être regardés comme suffisamment motivés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait ;
Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni des termes des arrêtés contestés ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. et Mme F...avant de rejeter leurs demandes de titre de séjour ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que ces stipulations garantissent à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés, le droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ;
6. Considérant que les décisions de refus de titre de séjour en litige, qui n'impliquent d'ailleurs pas l'éloignement des intéressés du territoire français, n'ont ni pour objet ni pour effet d'empêcher M. et Mme F...de présenter utilement leurs moyens et conclusions à l'appui d'un appel formé devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il peuvent utilement faire valoir l'ensemble de leurs arguments dans le cadre d'une procédure écrite et se faire représenter à l'audience ; que par ailleurs, la circonstance que M. et Mme F... ont demandé à bénéficier de l'aide juridictionnelle pour se défendre devant cette cour qui impose seulement à cette dernière de ne pas statuer sur leurs requêtes avant qu'il ne soit statué sur leurs demandes d'aide juridictionnelle en application de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 est sans influence sur le respect du droit à un recours effectif dont bénéficient M. et MmeF... ; qu'ainsi, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas bénéficié d'un recours effectif en méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F...sont entrés en France récemment le 23 octobre 2014, selon leurs déclarations ; qu'ils ne justifient pas d'une insertion particulière et ne peuvent pas se prévaloir, pour contester les décisions de refus de séjour, des risques qu'ils encourraient en cas de retour en Arménie ; que les intéressés ne justifient pas avoir de la famille en France et ne démontrent pas qu'il ne pourraient pas poursuivre une vie privée et familiale normale dans leur pays d'origine où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 38 et 34 ans ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, les décisions de refus de titre de séjour contestées n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme F... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube aurait entaché les décisions attaquées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants ;
10. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme F...ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'égard de décisions qui se bornent à leur refuser le séjour ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant que l'étranger qui fait l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose du droit de se maintenir sur le territoire uniquement jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que s'il dispose de la possibilité de contester cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, comme l'ont fait en l'espèce les requérants, les stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impliquent pas qu'il puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction ; qu'ainsi, M. et MmeF..., dont les demandes d'asile ont été examinées dans le cadre de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont pas fondés à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qui leur a été opposée le 12 mars 2015 a méconnu les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les décisions fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ( ...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
13. Considérant que si M. et Mme F...soutiennent qu'un retour dans leur pays d'origine risquerait de les exposer à des traitements inhumains et dégradants, ils n'apportent aucun élément de nature à établir qu'ils se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour en Arménie ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités doivent être écartés ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme F...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F..., à Mme B...D...épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube
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N° 15NC01625-15NC01626