Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le vérificateur a procédé à un contrôle " sui generis " de la société civile immobilière (SCI) Guihot et Cie sous couvert de demandes de renseignement et s'est livré à une analyse de sa comptabilité ; la procédure est irrégulière dès lors qu'elle a été engagée sans que les garanties afférentes à la vérification de comptabilité soient respectées ; il se prévaut du paragraphe 110 du BOI-CF-COM-10-10-10 ainsi que d'une réponse ministérielle publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 25 mai 1997 p. 2969 ;
- la société C...Immobilier Agences connaissait d'importantes difficultés de trésorerie au cours des exercices clos de 2006 à 2011 et il était dans l'intérêt de la SCI Guihot et Cie de renoncer temporairement à la perception des loyers dûs pour le bien situé 25 b rue de la Monnaie à Rennes, afin d'éviter à son locataire d'être en situation de cessation de paiement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...relève appel du jugement du 7 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. / Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ".
3. Lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité. En revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié au nombre desquelles figure, notamment, l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.
4. L'administration fiscale a, par courriers du 31 mai 2013 et du 18 juillet 2013 adressés à la société civile immobilière (SCI) Guihot et Cie, indiqué souhaiter que lui soient transmises, pour les années 2010 et 2011, l'état détaillé immeuble par immeuble, et non sommaire se contentant des lignes générales de l'imprimé 2072 SCA 2, de quote-part des revenus bruts et des frais et charges déductibles du résultat fiscal pour l'ensemble des biens de la SCI Guihot et Cie, l'ensemble des factures justificatives de charges déduites en 2010 et 2011 ainsi que diverses explications, notamment des explications sur l'absence totale de revenus sur plusieurs années consécutives en ce qui concerne le bien situé 25 rue de la Monnaie à Rennes, puis une copie du bail en cours de la société à responsabilité limitée (SARL) C...Immobilier Agences, les dates de prise d'effet de modification éventuelle du montant du loyer ainsi que la copie des facturations de l'ensemble des loyers de 2010 et 2011, en outre, ainsi que le relève le requérant, pour le centre commercial les Contamines à Cavaillon la justification de la diminution substantielle de revenus en 2010. Les redressements des bénéfices fonciers de la SCI Guihot et Cie, que l'administration lui a notifiés le 7 octobre 2013 à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, étaient fondés sur l'analyse de ces pièces et leur rapprochement avec les déclarations de revenus qu'elle avait souscrites. Par une proposition de rectification du 13 décembre 2013, l'administration a fait connaître à M. C...les conséquences, sur ses revenus fonciers au titre des années 2010 et 2011, de ces redressements, à concurrence de ses parts dans la SCI. Il suit de là que les opérations conduites par l'administration à l'égard de la société se rattachent aux pouvoirs de contrôle qu'elle tient des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration a procédé à un examen critique de la comptabilité de la SCI et a ainsi effectué un contrôle " sui generis " de cette société, sans que les garanties attachées à cette procédure soient respectées, doit être écarté.
5. Si le requérant se prévaut du paragraphe 110 du BOI-CF-COM-10-10-10 qui définit ce qu'est une vérification de comptabilité ainsi que d'une réponse ministérielle publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 25 mai 1997 p. 2969 qui énonce que " il advient parfois que des vérificateurs procèdent, au mépris des garanties des contribuables vérifiés, à des vérifications " à distance ", consistant à recueillir des renseignements comptables auprès d'un contribuable sous le couvert du droit de communication ou par le moyen de demandes de renseignements et de justifications et à examiner les informations ainsi recueillies en les discutant avec les contribuables, mais dans les locaux administratifs. Une récente réponse ministérielle vient de préciser qu'une telle méthode est contraire aux directives permanentes adressées aux services fiscaux. Il est évident qu'un tel détournement de procédure ne peut qu'entraîner l'irrégularité des redressements, le cas échéant, opérés ", ces commentaires qui sont relatifs à la procédure d'imposition, ne sauraient être utilement invoqués sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article 29 du code général des impôts : " (...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. (...) ".
7. La SCI Guihot et Cie, dont M. C...possédait 99,55% du capital, était propriétaire de locaux situé 25 bis rue de la Monnaie à Rennes. Ces locaux étaient loués par la SARL C...Immobilier dont M. C...détenait 99,90 %. Le reste des parts de la SCI et de la SARL était détenu par la société en nom collectif (SNC) C...Immobilier détenue à 99,96 % par M.C.... La SARL C...Immobilier n'a pas versé les loyers dont elle était redevable au titre des années 2006 à 2010 mais les a inscrits dans ses écritures sur un compte de " charges à payer " et n'a versé en 2011 que les loyers de l'année 2006 et du premier trimestre 2007. L'administration a estimé que les loyers ainsi inscrits devaient être réputés avoir été mis à la disposition du bailleur, la SCI Guihot et Cie, et les a intégrés dans les revenus imposables de M. C... au titre de l'année 2011 à proportion de ses droits dans la SCI. L'administration se prévaut, d'une part, de ce que M.C..., en sa qualité de gérant et associé de la SCI Guihot et Cie, de la SARL C...Immobilier et de la SNC C...Immobilier, a un rôle déterminant dans la prise de décision de l'inscription des loyers en compte de charges à payer. Elle fait valoir, d'autre part, qu'il est constant que la SCI Guihot et Cie n'a effectué aucune démarche pour encaisser les loyers en cause alors que le montant des seules créances inscrites au poste du bilan " clients et comptes rattachés " de la SARL, dont le recouvrement n'est pas douteux, n'a jamais été inférieur à 700 000 euros depuis le 31 mars 2007 jusqu'au 31 mars 2011 et que le montant du loyer annuel, soit 11 891 euros, était peu significatif au regard des disponibilités bancaires et créances clients de la société.
8. M. C...soutient que la SARL C...Immobilier Agences avait d'importantes difficultés financières qui ont conduit la SCI Guihot et Cie à renoncer temporairement à la perception des loyers dus. Il précise que les disponibilités bancaires de la SARL résultaient de l'ouverture de crédits par les établissements bancaires pour des durées courtes et pour des montants limités ainsi que d'avances en compte-courant consenties par les associés de la SARL, que le montant des dettes et emprunts à court terme était supérieur au montant des créances à percevoir et que la SARL n'était ainsi pas en mesure de payer son loyer sans se placer en état de cessation de paiement. Il ajoute que la SARL a régulièrement dépassé son autorisation de découvert et qu'une partie de ses créances étaient dues par des sociétés civiles de construction-vente qui connaissaient des difficultés du fait de la conjoncture économique de leur secteur. Toutefois, ces circonstance ne suffisent à établir ni les difficultés alléguées de trésorerie de la SARL ni le fait que la perception de loyers aurait mis la SARL en situation de cessation de paiement. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que les loyers abandonnés constituaient des libéralités et devaient, par suite, être réintégrés aux recettes brutes perçues par la SCI Guihot et Cie.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT02471