Par un pourvoi, enregistré le 9 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Par une décision n° 390853 du 23 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 13NT03430 du 3 avril 2015 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes, où elle a été enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16NT01079.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 décembre 2013, 9 mars 2015 et 6 juin 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2013 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler les arrêtés des 2 février 2012 et 23 mai 2012 et la décision du 29 mai 2012 du maire de Saint-Malo.
Il soutient que :
- les arrêtés des 2 février 2012 et 23 mai 2012 sont entachés d'incompétence ; la délégation de signature accordée à Mme B...ne précise pas les limites de la délégation ;
- ces arrêtés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le projet est situé dans une zone concernée par un risque de submersion marine ;
- ils sont également entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard du principe de précaution posé par l'article 5 de la Charte de l'environnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 avril 2014, 2 mars 2015 et 17 mai 2016, la ville de Saint-Malo, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 avril 2014 et 17 mai 2016, la société Batimalo, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint Malo et la société Batimalo.
1. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 2 février et 23 mai 2012 par lesquels le maire de Saint-Malo a accordé un permis de construire et un permis de construire modificatif à la société Batimalo en vue de l'édification d'un immeuble de quatre logements collectifs sur une parcelle située 3, rue Hyppolyte de la Morvonnais à Saint-Malo, ainsi que de la décision du 29 mai 2012 du maire rejetant son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ; que, pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en la création de quatre logements ; qu'il se situe à une distance comprise entre 43 et 60 mètres de la digue de protection du Sillon, dans la zone dite de " dissipation d'énergie ", à l'arrière des systèmes de protection connus, c'est-à-dire dans une zone de risque spécifique, en cas de rupture de la digue, exposée à des phénomènes dynamiques violents, notamment à des vitesses d'écoulement et de montée des eaux très élevées, qui sont susceptibles de mettre directement en danger la vie humaine et de menacer la stabilité des constructions ; qu'il ressort, également, des pièces du dossier que cette digue installée sur le cordon dunaire a été, dans la période récente, à plusieurs reprises, submergée ou endommagée lors de tempêtes ou de grandes marées particulièrement violentes ; que, par ailleurs, le préfet fait état, dans ce secteur, au droit de la " Brasserie du Sillon ", de la fragilité particulière de la digue dont le parement s'appuie sur des structures en creux correspondant aux caves de deux immeubles ; qu'ainsi, ce projet de construction est exposé à un risque important de submersion, risque, au demeurant, mentionné dans l'arrêté du 2 février 2012 ; que, contrairement à ce que soutient la société Batimalo, ni l'étude de dangers qu'elle produit, dont la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Ille-et-Vilaine a, au demeurant, estimé qu'elle était incomplète et fondée sur des erreurs de méthode importantes, ni la mise en oeuvre de mesures correctives d'entretien, de surveillance et d'enrochement d'urgence, ne suffisent à écarter tout risque de brèche ou de rupture de la digue ; que, dès lors, et alors même que le rez-de-chaussée du bâtiment ne comprendrait que des garages, que les planchers des locaux à sommeil seraient réalisés à une hauteur minimale de 7,80 mètres cote NGF, que le nombre effectif d'occupants des logements prévus serait inférieur à une quinzaine et que la ville de Saint-Malo a présenté, au demeurant, postérieurement à la délivrance des permis de construire, une demande en vue de bénéficier d'une exception au principe d'inconstructibilité derrière les ouvrages de protection, le maire, en délivrant les permis contestés, a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
4. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation des décisions contestées ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté son déféré ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la ville de Saint-Malo et la société Batimalo demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 25 octobre 2013 du tribunal administratif de Rennes, les arrêtés des 2 février et 23 mai 2012 par lesquels le maire de Saint-Malo a accordé un permis de construire et un permis de construire modificatif à la société Batimalo pour l'édification d'un immeuble de quatre logements collectifs sur une parcelle située 3, rue Hyppolyte de la Morvonnais à Saint-Malo et la décision du 29 mai 2012 du maire rejetant son recours gracieux sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Malo et la société Batimalo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du logement et de l'habitat durable, à la ville de Saint-Malo et à la société Batimalo. Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Copie en sera adressée au procureur de la République de Saint-Malo.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01079