Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 septembre et 20 novembre 2015, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 octobre 2014 du préfet du Loiret ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit ; le préfet du Loiret a méconnu l'étendue de sa compétence en se bornant à s'en remettre à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; le préfet doit indiquer les éléments de droit et de fait qui justifient le refus de séjour ;
- elle souffre d'un stress post traumatique lié aux décès de plusieurs membres de sa famille, dont sa mère, lors d'un accident de voiture en 2008 ; le préfet du Loiret ne démontre pas que les soins et traitements psychiatriques dont elle a besoin sont disponibles en Guinée ; il convient de se référer à l'instruction DGS/MC1/RI2/2011/417 du 10 novembre 2011 qui définit la notion de traitement approprié ; la liste nationale des médicaments essentiels produite par le préfet date de 2012 et est obsolète ; ainsi qu'elle en justifie, il n'existe pas de structures médicales adaptées dans son pays d'origine ; son pays est touché depuis mars 2014 par l'épidémie du virus Ebola ;
- elle justifie de l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation et méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en cas de retour dans son pays elle sera soumise à un traitement humain et dégradant ; la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2015, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête. Il soutient que Mme C...ne sollicite pas l'annulation du jugement du 30 avril 2015 de sorte que sa requête d'appel n'est pas recevable, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet.
1. Considérant que Mme C... relève appel du jugement du 30 avril 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2014 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant la Guinée ou tout autre pays où elle est légalement admissible comme pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision du 24 octobre 2014, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative.(... ) " ; qu'aux termes de l'article R.313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L.313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) " ; qu'aux termes de l' article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. (...). Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. (...). Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui vient au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par un avis rendu le 7 octobre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) du Centre a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existait un traitement approprié en Guinée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret se serait cru à tort lié par l'avis émis par le médecin de l'ARS et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ; que l'article de presse, très peu étayé, les rapports datés de 2008 et 2010, fondés sur des données de 2005, les certificats médicaux produits par la requérante, qui ne prennent pas partie sur l'existence d'un traitement approprié en Guinée, ou encore les considérations relatives à l'épidémie liée au virus Ebola ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du médecin de l'ARS, ni les éléments produits par le préfet selon lesquels figurent sur la liste nationale des médicaments essentiels 2012 des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits en France ; que si la requérante soutient qu'elle a été victime en 2008 d'un accident de la circulation au cours duquel une partie de sa famille a perdu la vie, cet évènement, pour dramatique qu'il soit, ne peut, toutefois, être regardé comme constitutif de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions précitées ; que Mme C..., qui était âgée de 23 ans à la date de la décision contestée, n'établit pas qu'elle risque d'être mariée de force et d'être excisée dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
7. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, les moyen tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'appui desquels Mme C... reprend les mêmes éléments de fait que précédemment, ne peuvent qu'être écartés ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
9. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juin 2016.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02903 2
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