Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, Mme B...A..., représentée par Me D...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2015 du préfet d'Indre-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les produits analogues de l'insuline sont toujours indisponibles au Mali, il est difficile de s'y procurer des seringues et seulement deux médecins sont formés pour cette spécialité ; le préfet n'a pas apporté la preuve de l'existence d'un traitement approprié à son diabète insulino-dépendant au Mali alors qu'elle produit un rapport intitulé " Résultats du protocole rapide d'évaluation pour l'accès à l'insuline au Mali " qui démontre la difficulté des personnes diabétiques à accéder à un traitement approprié au Mali ; en outre le coût de l'insuline reste très élevé et le caractère ainsi inaccessible du traitement indispensable à Mme A...constitue une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle n'a plus qu'une soeur vivant au Mali, ses parents étant décédés, alors que deux de ses soeurs et ses deux frères résident en France; elle justifie avoir toujours travaillé depuis qu'elle est en France, multipliant les contrats de travail en qualité d'agent d'entretien et elle est imposable à l'impôt sur le revenu ;
en ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en cas de retour dans son pays elle risquerait d'être forcée de retourner vivre avec son ex-mari, avec lequel elle est toujours mariée selon la coutume, et d'être ainsi exposée à des traitements inhumains et dégradants ; si elle n'a pas déposé de demande d'asile, c'est qu'elle bénéficiait jusque là de titres de séjours dus à sa maladie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2016, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé, président de chambre ;
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
- les observations de MeC..., représentant MmeA....
1. Considérant que MmeA..., ressortissante malienne, est entrée sur le territoire français le 31 octobre 2007, munie d'un visa de court séjour de quinze jours ; qu'elle a obtenu le 20 novembre 2008 un titre de séjour pour raisons de santé, qui a été renouvelé jusqu'au 6 février 2011 ; que le préfet d'Indre-et-Loire a pris à son encontre un arrêté du 14 juin 2011, portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ; que l'intéressée s'est néanmoins maintenue irrégulièrement sur le territoire ; qu'elle a été admise à nouveau au séjour en raison de son état de santé du 1er janvier 2012 au 11 juin 2014 ; qu'elle a fait l'objet, le 23 juin 2014, d'un nouvel arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ; que la requérante s'est à nouveau maintenue irrégulièrement sur le territoire ; qu'elle a sollicité le 9 juillet 2015 son admission au séjour en raison de son état de santé ; que le préfet d'Indre-et-Loire, par arrêté du 4 septembre 2015, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que Mme A...relève appel du jugement du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant, que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à MmeA..., le préfet d'Indre-et-Loire s'est fondé sur l'avis du 11 août 2015 émis par le médecin de l'agence régionale de santé de la région Centre selon lequel, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le médecin a estimé en outre qu'elle pouvait voyager sans risque vers le Mali, précisant qu'elle devait se munir de son traitement et de ses ordonnances lors du voyage ; que, toutefois, Mme A...justifie que son état nécessite un traitement par quatre auto-injections quotidiennes combinant de l'insuline rapide, de type Novorapide Felxper, et de la Lantus, analogue de l'insuline permettant un effet retard propre à prévenir les hypoglycémies, et produit un certificat du médecin agréé du 20 juillet 2015 selon lequel les analogues de l'insuline ne sont pas disponibles au Mali ; que cette circonstance n'est pas contestée par le préfet d'Indre-et-Loire ; que, dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme établissant qu'une partie du traitement qui lui est indispensable n'est pas encore disponible au Mali ; qu'ainsi, Mme A...est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant que, par voie de conséquence, la décision d'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, qui procèdent du refus illégal de titre de séjour, sont entachées d'illégalité et doivent elles-mêmes être annulées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
9. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, que l'autorité administrative délivre le titre de séjour sollicité par la requérante ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; qu'en revanche, l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
11. Considérant que, d'une part, MmeA..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme A...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503248 du tribunal administratif d'Orléans du 28 janvier 2016 et l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 4 septembre 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Lenoir, président,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2016.
Le président, rapporteur,
L. LAINÉ
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
H. LENOIR Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT00700 3
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