Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 avril et 8 décembre 2014, M. G..., représenté par MeF..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2014 ;
2°) de rétablir la taxation des frais et honoraires d'expertise à la somme de 44 837,10 euros fixée par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 14 janvier 2013 ;
3°) de rejeter les conclusions d'appel incident de la commune de Rennes ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Rennes le versement d'une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les frais kilométriques, les frais d'hébergement et de transport ainsi que les frais de timbre, de téléphone et de secrétariat ne devaient pas donner lieu à l'ajout de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6% alors que l'ensemble des revenus tirés de ses activités d'expertise sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée sur les encaissements ;
- c'est également à tort que le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit aux conclusions tendant à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge des entreprises parties au marché de rénovation du théâtre national de Bretagne ; aucune circonstance ne faisait obstacle à ce que ces frais restent à la charge de la ville de Rennes qui a sollicité l'expertise ; en procédant à une répartition fondée sur l'utilité pour les entreprises en cause, les premiers juges ont porté une appréciation qui ne pouvait relever que du juge du fond ; la répartition opérée est inéquitable dès lors que deux des entreprises supportant la charge partielle des frais d'expertise font l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et qu'il est dès lors très peu probable que l'intégralité des frais seront remboursés à l'expert ;
- sur les conclusions d'appel incident de la ville de Rennes :
- le taux de vacation de l'expert correspond à ce qui est pratiqué en région parisienne depuis plusieurs années, et il est corrélé au salaire annuel moyen d'un directeur de bureau d'études ;
- il justifie du coût horaire de 35 euros HT de sa secrétaire ;
- il justifie également du taux kilométrique de 0,70 euros ;
- les frais de téléphones facturés correspondent à 35% des frais postaux justifiés ;
- il justifie encore du prix de revient de 0,20 euros par photocopie et de 18,195 euros pour le brochage de chaque exemplaire de pré-rapport ou rapport ;
- il s'en rapporte pour le surplus aux observations et justifications produites en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2014, la commune de Rennes conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de ramener les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. G... à de plus justes proportions que la somme de 35 646,40 euros arrêtée par les premiers juges ; elle demande, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'appelant le versement d'une somme de 5 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en défense à la requête d'appel :
- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée : pour qu'une somme puisse être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sa base d'imposition doit être hors taxes ; tel n'est pas le cas des frais d'hébergement, restauration, péage, transport en avion et en train, taxi, parking et location de salles, facturés TTC ; compte tenu de sa décomposition, le barème fiscal des indemnités kilométriques prend en compte des données TTC, les trajets parcourus en voiture ne peuvent dès lors donner lieu à une taxe sur la valeur ajoutée de 19,6% ;
- s'agissant de l'indemnité octroyée au titre des frais de secrétariat, s'analysant en un remboursement partiel du salaire de la secrétaire de M. G..., aucune justification ne permet d'y adjoindre de la taxe sur la valeur ajoutée à 19,6% ;
- l'indemnisation des frais de photocopies et de brochage, arrêtée par les premiers juges à la somme de 5 000 euros, doit s'entendre comme d'un montant TTC ;
- au regard des dispositions de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, les frais et débours ne peuvent être remboursés que sur justificatifs ; le taux horaire d'un expert est défini en ajoutant aux frais fixes de son cabinet, le montant de la rémunération qu'il souhaite se verser annuellement, rapporté au nombre d'heures travaillées dans une année civile, et inclut les frais de reprographie et brochage ; dès lors qu'ils sont sollicités en propre par M. G..., celui-ci doit en justifier par des factures ;
en ce qui concerne la charge des frais d'expertise :
- au regard de l'article R. 621-13 du code de justice administrative la charge des frais et honoraires de l'expert doit tenir compte de son utilité pour les parties, les premiers juges n'ont pas outrepassé leur office ;
- en cas d'insolvabilité d'une partie tenue aux frais de l'expertise, l'Etat supplée et prend en charge ces frais ;
à l'appui de ses conclusions d'appel incident,
en ce qui concerne le montant des frais et honoraires d'expertise :
- les dispositions de l'article R. 621-11 du code de justice administrative selon lesquelles le montant des frais et débours est arrêté sur justificatif est d'interprétation stricte ;
- s'agissant de l'indemnité de 0,70 euros/Km, l'appelant ne communique pas la puissance fiscale de son véhicule et la somme dépasse très largement le barème fiscal des indemnités kilométriques ; le nombre de kilomètres parcourus n'est pas justifié avec précision, l'expert indique au contraire avoir parcouru respectivement 510, 850 et 690 Km pour chacune des trois réunions des 18 juin 2008, 12 décembre 2008 et 24 septembre 2010, pour un trajet normalement identique ; la demande de remboursement des frais de déplacement justifiés dans ces conditions ne peut qu'être rejetée ;
- les frais de téléphone et de timbres correspondent à des coûts fixes incorporés dans le tarif horaire de l'expert ; la feuille comptable présentée et les allégations du demandeur à l'appui de sa demande de remboursement ne tiennent pas lieu de justification ; cette demande de remboursement devra être rejetée ;
- la détermination forfaitaire des frais de photocopies et de brochage est entachée d'erreur de droit compte tenu des termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative ; de tels frais sont réputés inclus dans le taux horaire de l'expert ; subsidiairement une simple feuille comptable n'en tient pas lieu de justification sérieuse car, alors qu'on comptait 17 parties à l'expertise, il est mentionné des envois à une quarantaine de destinataires et la diffusion du pré-rapport à 68 parties et la diffusion du rapport à 40 parties ; en outre le nombre des photocopies réalisées n'est pas justifié par le nombre de parties à l'expertise ;
- à supposer que M. G...soit fondé à solliciter le remboursement de frais de secrétariat non externalisés, tant le taux horaire de 35 euros que le nombre d'heures de 56 heures 30, sont critiquables ; outre que l'expert a déclaré avoir consacré ce même nombre d'heures pour la rédaction de son pré-rapport et de son rapport, la dactylographie d'une trentaine de page ne saurait nécessiter 10 heures, et compte tenu de la grande similitude entre le pré-rapport d'expertise et le rapport final, les heures déclarées sont excessives ; le taux horaire de la secrétaire ne saurait excéder 29,30 euros ;
- en ce qui concerne les honoraires, le tribunal administratif a admis les 136,25 vacations au taux horaire de 150 euros ; un tel taux horaire est excessif au regard de la jurisprudence en vigueur et n'est pas justifié en l'espèce par la complexité de l'expertise et, outre les 56 heures 30 déclarées consacrées à la rédaction des rapports et les 35 heures dédiées à l'étude du dossier, 44,75 heures déclarées correspondent à du temps passé en déplacements ; la circonstance tirée de la pratique habituelle de M. G...ne saurait tenir lieu de justification ; le temps consacré à la rédaction des rapports ne peut excéder 35 heures 30 et devrait même, compte tenu de la grande similitude entre le pré-rapport d'expertise et le rapport final, être ramené à 15 heures 30 ; les heures consacrées aux visites des lieux, à l'exception de celle du 24 septembre 2010, ne sont pas justifiées ;
- alors que la ville de Rennes attendait de l'expertise qu'elle a sollicitée des éléments lui permettant de réagir rapidement en cas de nouveaux désordres, d'être à même de se prononcer sur les contestations indemnitaires des entreprises concernant le solde de leur marché et de pouvoir faire supporter les conséquences financières des désordres aux entreprises responsables, l'importance du travail de l'expert et l'utilité de ses réponses sont à relativiser ; en outre, son retard à conclure est critiquable et dommageable ; le nombre des vacations réclamées devrait de ce fait être réduit de moitié.
Par ordonnance du 4 novembre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M.G....
1. Considérant que la commune de Rennes a engagé, au cours de l'année 2005, une opération de réhabilitation du bâtiment abritant le théâtre national de Bretagne ; qu'elle a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à un groupement solidaire dont le mandataire était la société Stinco, et le lot n° 15 " Peinture " à la société Debuschère, qui a sous-traité à la société Maes une partie de ses missions ; qu'au cours du chantier, la présence de minium de plomb a été constatée sur les poteaux métalliques de la façade principale ; qu'il a alors été procédé à un décapage chimique de ces poteaux ; que, suite à la découverte d'un taux de plombémie élevé chez un ouvrier, lié à la présence de poussières contenant du plomb dans le bâtiment, la commune de Rennes a décidé d'interrompre le chantier afin qu'il soit procédé au nettoyage du site ; que, saisi par la commune dans le cadre d'un référé constat, le président du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance du 7 décembre 2006, désigné M. G...en qualité d'expert, et l'a chargé de déterminer la concentration en plomb à l'intérieur de l'ouvrage et l'état des poteaux de façade ; que l'expert a déposé son rapport au greffe du Tribunal le 19 janvier 2007 ; que la commune de Rennes a saisi le tribunal administratif de Rennes le 9 mai 2007 d'une requête en référé expertise, afin notamment que soient déterminées l'évolution des désordres, ainsi que leurs causes et leurs conséquences sur l'économie générale de l'opération ; que le président du tribunal a confié une mission d'expertise à M. G...par une ordonnance du 12 juin 2007, et a étendu les opérations d'expertise par deux ordonnances des 18 janvier 2008, sur la demande de la commune de Rennes, et 3 juin 2010, sur la demande de l'expert ; que M. G...a déposé son rapport le 13 octobre 2012 ; que, par une ordonnance du 14 janvier 2013, le président du tribunal administratif de Rennes a liquidé et taxé les frais et honoraires d'expertise à la somme de 44 937,10 euros et les a mis à la charge de la commune ; que sur la demande de la commune de Rennes, le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement n° 1301554 du 5 février 2014, d'une part, réformé l'ordonnance attaquée et arrêté les frais et honoraires d'expertise de M. G...à la somme de 35 646,40 euros, et d'autre part, mis ces frais et honoraires d'expertise à la charge à hauteur de 40 % de la commune de Rennes, à hauteur de 30 % de MeE..., liquidateur judiciaire de la société Stinco, de la société Scene, de la société cabinet Pierre Gousset et de la société Even structures, et à hauteur de 30 % de MeA..., liquidateur judiciaire de la société Debuschère ; que par la présente requête, M. G...relève appel de ce jugement et demande à la cour d'arrêter les frais et honoraires d'expertise à la somme de 44 837,10 euros ; que par voie d'appel incident, la commune de Rennes demande à la cour de ramener les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. G... " à de plus justes proportions " que la somme précitée arrêtée par les premiers juges ;
Sur les conclusions d'appel principal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. / Chacun d'eux joint au rapport un état de ses vacations, frais et débours. / Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. / Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. / (...)/ Lorsque le président de la juridiction envisage de fixer la rémunération de l'expert à un montant inférieur au montant demandé, il doit au préalable l'aviser des éléments qu'il se propose de réduire, et des motifs qu'il retient à cet effet, et l'inviter à formuler ses observations " ; qu'aux termes de l'article R. 761-5 du même code : " Les parties, (...) ainsi que, le cas échéant, l'expert, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 devant la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance. / (...) la requête est transmise sans délai par le président de la juridiction à un tribunal administratif conformément à un tableau d'attribution arrêté par le président de la section du contentieux. / Le président de la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance (...) est appelé à présenter des observations écrites sur les mérites du recours. / Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée " ;
En ce qui concerne le montant arrêté des frais et débours :
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 621-11 du code de justice administrative que les experts ont droit, d'une part, à des honoraires et, d'autre part, au remboursement de leurs frais et débours ; que l'expert est en droit d'ajouter au montant de ses frais et honoraires le montant de la taxe à la valeur ajoutée si les sommes en cause n'ont pas déjà incorporé cette taxe ; qu'il n'y a pas lieu d'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée des sommes perçues à titre de remboursement de frais et débours lorsque ces frais ont déjà été facturés à l'expert toute taxes comprises ou lorsqu'aucun justificatif ne permet de s'assurer que ces sommes correspondraient à des montants hors taxes ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les frais de déplacement, arrêtés à la somme de 1 074,50 euros, correspondant à 1 535 Km parcourus multipliés par une indemnité kilométrique de 0,70 euro, n'avaient pas, compte tenu du mode de calcul de cette indemnité kilométrique, qui tient compte de l'ensemble des coûts afférents à l'utilisation du véhicule, à être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il en va de même s'agissant des frais d'hébergement, restauration, péages et transport en avion et en train, d'un montant de 1 471,38 euros, qui n'avaient dès lors pas à être augmentés de la taxe sur la valeur ajoutée réclamée de 19,6% ; qu'en outre, faute pour M. G... d'avoir justifié que les frais de timbre et téléphone dont il demandait l'indemnisation, à hauteur du montant de 1 679,77 euros, correspondaient à un montant hors taxes, cette somme ne pouvait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que de même, les frais de photocopie et de brochage, ramenés par les premiers juges de 9 562 euros à 5 000 euros, faute de justification par l'expert du tarif unitaire de 0,20 euro, doivent s'entendre d'un montant toutes taxes comprises ; qu'enfin, les frais de secrétariat, estimés à la somme de 1 977,50 euros et correspondant au remboursement d'une part du salaire de la secrétaire, n'avaient pas à être augmentés de la taxe sur la valeur ajoutée ;
5. Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 621-11 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'expert puisse inclure dans le montant des frais et débours susceptibles de lui être remboursés un montant forfaitaire de frais généraux correspondant à l'imputation d'une partie de ses coûts fixes de fonctionnement ; qu'il ressort en l'espèce des précisions fournies dans son mémoire en réplique du 8 décembre 2014 que l'expert justifie le " tarif " de 0,20 euro la photocopie et de 18,195 euros la reliure brochée uniquement par un calcul global prenant en compte le montant total des frais de photocopies ou de reliure exposés par son cabinet en le divisant par le nombre de photocopies ou reliures réalisées dans l'année ; qu'il y inclut ainsi une quote-part des frais d'amortissement du matériel ou de frais de secrétariat qui constituent des frais généraux du cabinet d'expertise, lesquels frais généraux entrent également dans la détermination du montant de la vacation servant de base au calcul des honoraires ; que, dans ces conditions, le montant forfaitaire de 5 000 euros retenu par le tribunal pour ce poste de frais n'est pas sérieusement contesté ;
En ce qui concerne la charge des frais et honoraires d'expertise :
6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, dérogeant sur ce point à l'article R. 761-1 du même code, que la répartition des frais et honoraires de l'expert entre les parties intervient, compte tenu notamment de l'utilité de l'expertise pour ces parties, sans que cette répartition soit déterminée par la seule circonstance qu'une de ces parties l'a demandée ou, à l'inverse, en a contesté le bien fondé ; qu'ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, l'expertise confiée à M. G...avait pour objet d'examiner les origines et causes des désordres liés à la concentration en plomb sur les poteaux de façade et à l'intérieur du bâtiment du théâtre national de Bretagne, et les prétentions indemnitaires en lien avec ces désordres émanant tant de la commune de Rennes que des sociétés Stinco, Aria, Debuschère, Scene, cabinet Pierre Gousset, Even structures, Eiffage construction, Vulcain, SPIE, GTIE et Tech audio ; qu'ainsi, en procédant à l'appréciation de l'utilité de l'expertise pour chacune des parties intéressées, et en répartissant la charge des frais et honoraires d'expertise entre la commune de Rennes, à hauteur de 40 %, de MeE..., liquidateur judiciaire de la société Stinco, de la société Scene, de la société cabinet Pierre Gousset et de la société Even structures, membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, à hauteur de 30 %, et de MeA..., liquidateur judiciaire de la société Debuschère, à hauteur de 30%, les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce que soutient M.G..., excédé leur office ;
7. Considérant, en outre, que dans le cas où la partie qui supporte la charge totale ou partielle des frais et honoraires d'expertise est insolvable, l'expert subit, pour avoir participé au fonctionnement du service public de la justice administrative, un préjudice qui résulte de l'impossibilité où il se trouve d'obtenir le paiement de ses honoraires ; que, lorsque l'expert, malgré ses diligences, n'a pu obtenir ce paiement de la partie redevable, l'Etat, responsable du fonctionnement du service public de la justice administrative, doit se substituer au débiteur principal des dépens et supporter à titre subsidiaire la charge de l'insolvabilité de ce débiteur ; qu'il suit de là que les circonstances invoquées par M.G..., tirées de ce que la liquidation judiciaire de la société Stinco a été clôturée par un jugement du 10 janvier 2013 pour insuffisance d'actif et de ce que la société Debuschère ne sera vraisemblablement pas en mesure de payer la part des frais et honoraires d'expertise mis à sa charge, ne peuvent en tout état de cause que rester sans incidence sur le bien-fondé de la répartition susmentionnée de la charge des frais d'expertise par le jugement attaqué ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions susvisées de la requête de M. G...tendant à l'annulation du jugement attaqué doivent être rejetées ;
Sur les conclusions d'appel incident :
En ce qui concerne les frais d'expertise :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le détail des 1 535 kilomètres parcourus pour l'accomplissement de sa mission, produit par l'expert est suffisamment justifié et cohérent avec les modes de déplacement utilisés et les factures et justificatifs produits, l'intéressé ayant notamment divisé par deux les kilomètres afférents à un même déplacement pour deux missions distinctes ; que M. G...précise par ailleurs les modalités de calcul de l'indemnité kilométrique de 0,70 euro par kilomètre parcouru, qui prennent en compte notamment le coût des carburants, le coût d'assurance du véhicule, les coûts relatifs au crédit contracté pour l'achat d'un véhicule et le coût de remplacement d'un " train de pneus tous les 60 000 Km " ; qu'en l'absence de contestation sérieuse du bien-fondé de cette méthode, qui peut être regardée comme représentative des coûts réels exposés en lien avec la mission d'expertise, le montant des frais de déplacement de 1 074,50 euros retenu par l'ordonnance contestée et par le tribunal doit être effectivement pris en compte ;
10. Considérant que M. G...a produit, à l'appui de sa demande de frais de timbres et de téléphones, des états récapitulatifs tenus par son secrétariat, mettant en regard notamment le nombre de photocopies exécutées et les achats de timbres, et s'est prévalu de ce que les frais de téléphone représentaient habituellement 35% des frais d'achat de timbres ; que l'intéressé produit en appel les factures adressées par la Poste au cabinet AGCG Consultants au titre de l'année 2012 ainsi que les factures de prestations téléphoniques, démontrant que ces dernières avaient en réalité représenté plus de 42% des frais postaux exposés au cours de l'année en cause ; que dans ces conditions, les frais réclamés à ce titre n'apparaissent pas excessifs, au regard notamment de la durée de l'expertise et du nombre important de parties à la cause, et ont été arrêtés à bon droit à la somme de 1 679,77 euros ;
11. Considérant que le nombre de photocopies a été justifié par la production des états récapitulatifs mentionnés au point 10 et ne semble pas excessif au regard du nombre des parties à l'expertise et du volume des rapports à reproduire ; que si M. G...justifie en appel le coût unitaire de 0,20 euro par des modalités de calcul tenant compte d'une part, de la location et du coût de matériel de reprographie pour une année et d'autre part, du salaire annuel de l'employée en charge de la reprographie, il est constant que ces coût font ainsi au moins pour partie double emploi avec les frais de secrétariat réclamés par ailleurs ; qu'il y a lieu pour ce motif de maintenir le remboursement de ces frais de photocopies et de brochage des rapports d'expertise, qui doivent être distingués des " frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport " qui sont compris dans les honoraires en vertu du 2ème alinéa de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, à la somme de 5 000 euros arrêtée par les premiers juges ;
12. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que M. G...a évalué les frais de secrétariat relatifs à la frappe et à la mise en forme matérielle du pré-rapport et du rapport d'expertise à la somme de 1 977,50 euros correspondant à 56,50 heures de travail au tarif de 35 euros par heure ; qu'il a d'une part estimé que sa secrétaire avait travaillé 20 minutes par page dactylographiée pour la frappe et l'envoi du courrier, pour les 121 pages dactylographiées, qu'elle avait consacré 1 heure et 30 minutes pour l'organisation des cinq réunions puis 9 heures pour le déplacement et la prise de notes à la réunion de synthèse du 24 septembre 2010 ; qu'il a d'autre part évalué le coût horaire de travail de sa secrétaire à 35 euros, en tenant compte de son salaire brut annuel de 35 000 euros pour 1 650 heures de travail et des différents frais afférents à son emploi, ; qu'ainsi, et alors que l'expert a précisé dans ses éléments de réponse du 7 décembre 2012 que les heures de travail à indemniser incluaient les tâches de courrier et de gestion administrative des réunions, les frais réclamés à ce titre ne sont pas excessifs au regard de la nature des prestations effectuées et des conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations d'expertise ; qu'ainsi, M. G...était fondé à demander le remboursement de ces frais de secrétariat à hauteur de la somme de 1 977,50 euros ;
En ce qui concerne les honoraires :
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. G...a réclamé une somme de 20 437,50 euros hors taxes, correspondant à 136,25 heures de vacations au tarif horaire de 150 euros, comportant 56 heures et 30 minutes affectées à la rédaction des notes aux parties, des comptes-rendus de réunions, du pré-rapport et du rapport, 35 heures affectées à l'étude des dossiers, et 44 heures et 45 minutes pour les déplacements, la visite des lieux et les réunions de bureau ; que dans son mémoire du 7 décembre 2012, l'expert a précisé avoir consacré 13 heures à la rédaction des notes et compte-rendu de réunions, 23 heures et demie à la rédaction du pré-rapport et 20 heures à la rédaction du rapport d'expertise ;
14. Considérant, en premier lieu, que si M. G...soutient que le taux horaire de 150 euros correspond aux tarifs pratiqués dans la région parisienne et est corrélé au salaire des ingénieurs travaillant dans un bureau d'études, le juge administratif, à qui il revient, en application des dispositions précitées de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, de fixer ces honoraires au regard des caractéristiques propres du travail fourni par l'expert, en prenant en compte l'importance, la complexité et l'utilité de celui-ci, n'est pas lié par les tarifs de rémunération horaire résultant des évaluations pratiquées par d'autres juridictions ou organismes ; qu'en l'espèce, l'expert a reçu pour mission d'examiner si le bâtiment abritant le théâtre national de Bretagne était affecté, depuis le dépôt de son précédent rapport le 19 janvier 2007, de nouveaux désordres liés à la présence et concentration en plomb, de procéder, le cas échéant, à leur constat détaillé et précis, d'en rechercher les origines, causes, et imputabilité, d'indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour y remédier, de préciser les conséquences des désordres sur l'économie générale de l'opération initiale en cours de chantier et de fournir au Tribunal tous les éléments de nature à lui permettre de se prononcer, le cas échéant, sur les responsabilités encourues et sur les préjudices subis ; que la complexité indéniable de la mission ainsi confiée à l'expert ne justifie toutefois pas à elle seule la durée de cinq années des opérations d'expertise ; qu'en outre, s'il est également constant que l'expert a répondu aux questions précitées qui lui étaient posées, ses réponses, émaillées de nombreux renvois aux annexes techniques au rapport, sont par elles-mêmes peu motivées et difficilement lisibles ; que dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en ramenant le taux horaire des vacations de 150 à 130 euros ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative les honoraires de l'expert rémunèrent notamment " ... toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission " ; que les déplacements, visites et réunions accomplis par l'expert constituent des démarches en vue de l'accomplissement de sa mission ; que M. G...peut ainsi prétendre à une rémunération horaire correspondant, en particulier, à la durée de ses déplacements, distincte des frais de transport qui sont par ailleurs alloués ; que toutefois, au regard de la difficulté à prendre en compte, cette rémunération horaire ne saurait être évaluée au-delà de la moitié du taux des autres vacations ; qu'il y a lieu, ainsi, d'évaluer à 65 euros le taux des vacations correspondant aux 44 heures et 45 minutes facturées par l'expert pour la durée des déplacements, la visite des lieux et la tenue de réunions de bureau, soit une somme globale à ce titre de 2 908,75 euros ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que les frais et débours de l'expert doivent être évalués à 1 074,50 euros au titre des frais de déplacements en voiture, 1 471,38 euros pour les frais d'hébergement, restauration, péages et autres transports, 1 679,77 euros au titre des frais de téléphone et de timbres, 5 000 euros pour les frais de photocopies et de brochages et 1 977,50 euros pour les frais de secrétariat, soit au total une somme de 11 203,15 euros ; que, d'autre part, ses honoraires comprennent 91,5 vacations horaires au taux de 130 euros et 44,75 vacations au taux de 65 euros, auxquelles doit être ajoutée la TVA au taux de 19,6 %, soit une somme globale de 17 705,28 euros ; que le montant total des frais et honoraires de l'expert, évalué à 35 646,50 euros par le tribunal administratif de Nantes, doit ainsi être ramené à la somme de 28 908,43 euros et l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 14 janvier 2013 réformée en ce sens ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et que la commune de Rennes est seulement fondée à demander que les frais et honoraires alloués à M.G... soient ramenés à la somme totale de 28 908,43 euros toutes taxes comprises ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais exposés et non compris dans les dépens à la charge des parties
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise sont ramenés à la somme de 28 908,43 euros toutes taxes comprises.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel incident de la ville de Rennes et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...et à la commune de Rennes.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00847