Procédure devant la cour :
Par la présente requête enregistrée le 30 juillet 2015, le ministre de l'intérieur, demande à la cour d'annuler ce jugement, ou, à tout le moins son article 2 ;
Le ministre soutient que :
- les premiers juges se sont livrés à une appréciation inexacte des pièces du dossier s'agissant de l'insuffisance des éléments de preuve apportés par l'administration, voire ont dénaturé celles-ci ;
- les premiers juges auraient du se limiter à relever un défaut d'examen des pièces du dossier ;
- les pièces produites par Mme A...à l'occasion d'une deuxième demande confirme l'absence de ressources suffisantes de cette dernière pour subvenir aux besoins de l'enfant Nadila ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2015, Mme C...A..., représentée par Me Sabatier, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2400 euros en application des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991;
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lenoir a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., ressortissante française, a été désignée tutrice de la jeune B...E..., née le 17 mars 2008 à Sig (Algérie) par jugement de " kafala " du 23 août 2008 du tribunal de cette même ville ; que, par une ordonnance du 22 novembre 2008 du président du même tribunal, il a été procédé à la modification du nom patronymique de la jeune B...afin que cette dernière porte le nom deA... ; que Mme A...a sollicité, le 21 août 2011, la délivrance d'un visa long séjour pour raison familiale en faveur de la jeune B...; que cette demande a été rejetée par les autorités consulaires d'Oran par décision du 6 septembre 2011, décision qui a été implicitement confirmée par la commission de recours contre les refus de visas le 13 août 2012 ; que, saisi par Mme A...d'une demande d'annulation de cette dernière décision, le tribunal administratif de Nantes y a fait droit par le jugement susvisé du 10 juillet 2015 et a assorti l'annulation qu'il a prononcée d'une injonction faite au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement ; que le ministre demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de Mme A...ou, à défaut, que soit prononcée l'annulation de l'article 2 du même jugement lui enjoignant de délivrer à cette dernière le visa sollicité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, ainsi que sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par le ministre, que la mère biologique de la jeune B...E..., née de père inconnu le 17 mars 2008, a refusé d'exercer l'autorité parentale et de subvenir aux besoins de sa fille pour la confier à Mme A...et que cette dernière s'est vu attribuer, par le jugement de " kafala " du 23 août 2008 mentionné au point 1, l'autorité parentale sur cette enfant ;
4. Considérant, d'autre part, que l'intérêt supérieur d'un enfant dépourvu de parents est de vivre avec son tuteur légal ; que le ministre ne démontre pas, par les documents qu'il invoque, que Mme A...ne disposerait pas de moyens suffisants pour assurer des conditions de vie qui ne soient pas contraires à l'intérêt de cette enfant ; qu'ainsi, les premiers juges ont pu justement estimer, sans commettre ni erreur de droit ni erreur de fait, que la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visas a rejeté la demande de Mme A...méconnaissait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de refus par laquelle la commission de recours contre les refus de visas a rejeté la demande de Mme A...tendant à la délivrance d'un visa de long séjour en faveur de l'enfant B...;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que l'exécution du jugement attaqué, qui reconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant B...à vivre auprès de sa tutrice, implique nécessairement que soit délivré à cette enfant un visa long séjour ; que le ministre n'est, par suite, pas fondé à soutenir que ce serait à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal lui a enjoint de délivrer à cette enfant un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sabatier de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A...de la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au ministre de l'intérieur et à Mme C... A...veuveD....
Délibéré après l'audience du 10 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre, rapporteur
- M. Francfort , président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juillet 2016.
Le président-assesseur
J. FRANCFORT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02350