Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 20 janvier et 1er juin 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 novembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- si Mme A...s'est engagée à financer le séjour de MmeB..., elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour supporter les frais de séjour et les frais médicaux de sa fille liés à l'intervention chirurgicale prévue, à l'hospitalisation et aux soins ambulatoires ;
- il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril 2016, MmeA..., représentée par Me C..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour Mme A...a été enregistré le 6 juin 2016.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les observations de Mes Arnal et Guilbaud substituant MeC..., représentant MmeA....
Une note en délibéré présentée pour Mme D...A...a été enregistrée le 22 juin 2016.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 17 novembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de MmeA..., annulé la décision du 9 janvier 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision des autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d'Ivoire) du 15 octobre 2012 refusant de délivrer un visa de court séjour pour raisons médicales à la fille de MmeA..., Mme E...B... ;
Sur la légalité de la décision du 9 janvier 2013 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, l'étranger qui souhaite séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois doit : " 1. (...) c) (...) disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine (...) ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour ; qu'il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire ; que cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit ;
3. Considérant, d'une part, que si Mme A...soutient qu'elle s'est engagée en produisant une attestation d'accueil validée par le maire de Saint-Nazaire à prendre en charge les frais de séjour de sa fille, MmeB..., il ne ressort pas des pièces du dossier que les ressources de son foyer, dont les revenus se sont élevés à 13 362 euros au titre de l'année 2010 et dont le relevé de compte bancaire faisait apparaître un solde négatif de 0,07 euros au 31 juillet 2012, soient suffisantes pour faire face aux frais de l'opération chirurgicale que doit subir Mme B...et à la période de rééducation de trois mois devant faire suite à cette intervention, qui ont été évalués pour la seule hospitalisation entre 4 526 et 6 780 euros selon un devis de facturation établi le 8 octobre 2012 par le centre hospitalier de Saint-Nazaire à l'attention de MmeB... ; qu'enfin le contrat d'assurance dont la requérante s'est prévalu, en tout état de cause déjà résilié à la date du refus opposé par le consulat, ne couvrait pas les cas d'hospitalisations programmées ; qu'ainsi, et alors même que Mme A...produit un certificat médical en date du 27 janvier 2016 minorant les frais d'hospitalisation et que les soeurs de l'intéressée, dont il n'est pas davantage établi qu'elles disposent des moyens suffisants, se sont engagées à participer aux frais médicaux, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en se fondant sur l'insuffisance des ressources de Mme A...pour subvenir aux besoins médicaux de sa fille pendant son séjour en France ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme B...a fait l'objet d'une adoption simple par sa grand-mère, MmeA..., par un jugement du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau du 10 février 2012 et que deux demandes de visa de long séjour pour établissement familial, en cours d'instruction à la date de la décision ici en litige, ont été déposées pour l'enfant auprès du consulat général de France à Abidjan les 13 mars et le 12 octobre 2012 ; que MmeB..., qui est célibataire, sans ressources personnelles, aurait disposé avec la venue de son fils de ses principales attaches familiales en France, dès lors que sa mère et ses soeurs, de nationalité française, résident en France ; que dans ces conditions, et en dépit d'un avis médical de l'assistant-chef de clinique du CHU de Cocody préconisant que Mme B...subisse une intervention chirurgicale de la hanche en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, au vu des éléments d'informations dont elle disposait, estimer sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa sollicité ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 9 janvier 2013, le tribunal administratif de Nantes a estimé que son auteur a commis une erreur dans l'appréciation des ressources de Mme A...et une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur le motif tiré d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes ;
7. Considérant, en premier lieu, que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 9 janvier 2013 énonce, en tout état de cause, les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 211-27 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En fonction de ses déclarations sur les motifs de son voyage, l'étranger dont le séjour ne présente pas un caractère familial ou privé présente selon les cas : (...) 3° Pour un séjour motivé par une hospitalisation, tout document justifiant qu'il satisfait aux conditions requises par l'article R. 6145-4 du code de la santé publique pour l'admission dans les établissements publics de santé, sauf dans le cas de malades ou blessés graves venant recevoir des soins en urgence dans un établissement français (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6145-4 du code de la santé publique : " Dans le cas où les frais de séjour, de consultations ou d'actes des patients ne sont pas susceptibles d'être pris en charge, soit par un organisme d'assurance maladie, soit par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou par tout autre organisme public, les intéressés ou, à défaut, leurs débiteurs ou les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil souscrivent un engagement d'acquitter les frais de toute nature afférents au régime choisi. Ils sont tenus, sauf dans les cas d'urgence, de verser au moment de l'entrée du patient dans l'établissement une provision renouvelable calculée sur la base de la durée estimée du séjour, des frais de consultations, d'actes, ou d'un tarif moyen prévisionnel du séjour arrêté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Sous réserve des dispositions de l'article L. 253-2 du code de l'action sociale et des familles, lorsque la provision versée est supérieure aux montants dus, la différence est restituée à la personne qui l'a versée " ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...puisse bénéficier d'une prise en charge par un organisme de santé ou d'assurance du coût des soins médicaux qu'elle dit devoir lui être dispensés ; que l'attestation d'accueil évoquée aux points 2 et 3 ci-dessus n'a ni pour objet ni pour effet de justifier de la prise en charge financière des frais d'hospitalisation de l'intéressée ; que, dès lors, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la commission de recours aurait méconnu les dispositions de l'article R. 211-27 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 6145-4 du code de la santé publique ;
10. Considérant, enfin, qu'eu égard au motif médical invoqué à l'appui de la demande de visa de court séjour de MmeB..., Mme A...ne peut utilement soutenir que la décision de refus de visa qui a été opposée à sa fille porte atteinte à son droit de mener une vie familiale normale ; qu'en outre, en estimant qu'il n'était pas établi que l'intéressée ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la décision contestée n'a pas porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée de l'intéressée qu'elle tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 9 janvier 2013 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 janvier 2013, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B...le visa de court séjour sollicité ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes, et les conclusions qu'elle présente devant la cour, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D...A....
Délibéré après l'audience du 10 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juillet 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00167