Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2017 et le 1er juin 2018, l'Association syndicale libre du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic, représentée par la SCP Marlange de la Burgade, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 mars 2014 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de Brest Métropole une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de viser la note en délibéré déposée le 21 septembre 2017, en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; le jugement est donc irrégulier ;
- elle a mis ses statuts en conformité avec les dispositions de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 après le 5 mai 2008 ; elle a ainsi recouvré ses droits à ester en justice dès la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 et disposait donc de la capacité à agir lorsqu'elle a saisi le tribunal administratif ;
- en rejetant sa demande pour défaut de capacité à agir, le tribunal a méconnu le droit à un recours effectif et le droit à un procès équitable garantis par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- elle renvoie, s'agissant de ses moyens, à ses écritures de première instance.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 février 2018 et le 27 septembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par l'ASL de Sainte Anne du Portzic ne sont pas fondés,
- il renvoie, sur le fond, à ses écritures produites en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2018, Brest Métropole, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'ASL du hameau de Sainte Anne du Portzic une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par l'ASL du hameau de Sainte Anne du Portzic ne sont pas fondés ;
- l'ASL du hameau de Sainte Anne du Portzic ne justifie pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté déclaratif d'utilité publique ;
- elle renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me de la Burgade, représentant l'ASL du hameau de Sainte Anne du Portzic, et de MeB..., représentant Brest métropole.
Considérant ce qui suit :
1. L'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic interjette appel du jugement du 29 septembre 2017 du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2014 par lequel le préfet du Finistère a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de Kerlinou, ainsi que la décision du 3 juillet 2014 portant rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article R. 731-3 du code de justice administrative, toute partie à l'instance peut, à l'issue de l'audience, adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. L'article R. 741-2 du même code prévoit que cette production est mentionnée dans la décision. Eu égard à l'objet de l'obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'une note en délibéré n'a pas été mentionnée dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester cette décision que par la partie qui a produit cette note.
3. Il ressort des pièces de la procédure que l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic a produit, après l'audience publique, une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2017. Les visas du jugement attaqué ne font toutefois pas mention de cette note. Dès lors, l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et, pour ce motif, à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la recevabilité de la demande de l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic :
En ce qui concerne la capacité à agir de l'association :
5. Aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée : " Les associations syndicales de propriétaires peuvent agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer sous réserve de l'accomplissement des formalités de publicité prévues selon le cas aux articles 8, 15 ou 43. ". Aux termes de l'article 8 de cette ordonnance : " La déclaration de l'association syndicale libre est faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association a prévu d'avoir son siège. Deux exemplaires des statuts sont joints à la déclaration. Il est donné récépissé de celle-ci dans un délai de cinq jours./Un extrait des statuts doit, dans un délai d'un mois à compter de la date de délivrance du récépissé, être publié au Journal officiel./ Dans les mêmes conditions, l'association fait connaître dans les trois mois et publie toute modification apportée à ses statuts./L'omission des présentes formalités ne peut être opposée aux tiers par les membres de l'association. ". Aux termes de l'article 60 de cette ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 susvisée : " I. - Les associations syndicales de propriétaires constituées en vertu des lois des 12 et 20 août 1790, 14 floréal an XI, 16 septembre 1807, 21 juin 1865 et 8 avril 1898 sont régies par les dispositions de la présente ordonnance. Toutefois, leurs statuts en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance demeurent.applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci Cette mise en conformité doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62. /A l'exception de celle des associations syndicales libres, la mise en conformité est approuvée par un acte de l'autorité administrative ou, à défaut d'approbation, et après mise en demeure adressée au président de l'association et restée sans effet à l'expiration d'un délai de trois mois, l'autorité administrative procède d'office aux modifications statutaires nécessaires. / Par dérogation au deuxième alinéa, les associations syndicales libres régies par le titre II de la présente ordonnance, qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l'article 5 de la présente ordonnance dès la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sans toutefois que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée. ".
6. Il résulte de ces dispositions que les associations syndicales libres disposaient d'un délai de deux ans à compter du 5 mai 2006 pour mettre leurs statuts en conformité avec les dispositions de la loi. A défaut, elles ont perdu, après le 5 mai 2008, leur capacité d'agir en justice. Ces associations ont, toutefois, la possibilité de recouvrer ultérieurement cette capacité en mettant leurs statuts en conformité et en accomplissant les mesures de publicité prévues par l'article 8 précité avant l'introduction d'un recours.
7. D'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci) ". Et aux termes de l'article 13 de ladite convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
8. Les dispositions précitées de l'article 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, qui prévoient un délai de mise en conformité dont l'inobservation entraîne la perte du droit d'agir en justice des associations syndicales libres constituées antérieurement à l'ordonnance du 1er juillet 2004, ne portent pas une atteinte substantielle au droit de ces associations syndicales libres à un recours juridictionnel effectif, dès lors qu'elles ont la possibilité de recouvrer leur droit d'ester en justice en accomplissant, même après l'expiration du délai prévu par l'article 60, les mesures de publicité prévues par l'article 8 de ladite ordonnance. L'existence d'une telle obligation de mise en conformité ne peut être regardée comme faisant obstacle à l'application du principe du droit au recours effectif, rappelé par les articles 6 paragraphe 1 et 13 précités de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté qu'à la date d'introduction de sa demande, soit le 8 septembre 2014, l'ASL du Hameau de Saint-Anne-du-Portzic n'avait pas mis ses statuts en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er
juillet 2004. Il suit de là qu'à la date d'introduction de sa demande, l'association requérante ne disposait pas d'une capacité à agir l'autorisant à former un recours contentieux. Si l'ASL du Hameau de Saint-Anne-du-Portzic a mis ses statuts en conformité et en a fait la déclaration au sous-préfet de Brest qui en a délivré récépissé le 16 décembre 2015, l'accomplissement postérieur de ces formalités, qui n'a pas d'effet rétroactif à la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, contrairement à ce qui est soutenu, est sans incidence sur l'absence de capacité à agir de l'association à la date d'introduction de sa demande.
En ce qui concerne l'intérêt à agir de l'association :
10. Aux termes de ses statuts déposés en préfecture le 16 décembre 2015, l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic s'est donnée pour buts l'entretien des biens communs appartenant à tous les propriétaires du lotissement, l'appropriation desdits biens, la création de tous éléments d'équipements nouveaux, le contrôle de l'application du règlement et du cahier des charges du lotissement, l'exercice de toutes actions afférentes au contrôle des ouvrages et équipements, la gestion et la police des biens communs, la répartition des dépenses de gestion et d'entretien entre les membres. L'association syndicale libre du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic n'a pas qualité, aux termes de ces stipulations, pour contester la légalité d'une déclaration d'utilité publique concernant un projet de zone d'aménagement concerté portant sur des terrains qui ne dépendent pas de ce lotissement. Si l'ASL s'est donnée également pour buts la représentation sans exclusivité des intérêts collectifs des propriétaires, elle ne donne aucune précision utile permettant d'établir que le projet de zone d'aménagement concerté est de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs des propriétaires du lotissement, dont le périmètre est différent de celui de la ZAC. Elle se borne à affirmer, sans apporter de justification concrète, que leur rue est " directement affectée " par la ZAC qui est mitoyenne. Elle ne justifie dès lors d'aucun intérêt lui donnant qualité pour contester cette déclaration d'utilité publique.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande présentée par l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic devant le tribunal administratif de Rennes, tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2014 du préfet du Finistère, est irrecevable et ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de Brest métropole, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic, qui doit être regardée comme la partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Brest métropole et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2017 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : L'ASL du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic versera à Brest métropole une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association syndicale libre du hameau de Sainte-Anne-du-Portzic, au ministre de l'intérieur, à Brest Métropole et à la société d'économie mixte Brest métropole aménagement.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 janvier 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT3526