Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 octobre 2014, le 29 avril 2015 et le 26 mai 2016, Mme F... -M'B..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 février 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son avocat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché le jugement attaqué d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les documents produits établissent son lien de filiation ;
- la possession d'état à l'égard de Bénédicte est établie ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme F... -M'B... ne sont pas fondés.
Mme F... -M'B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller,
- et les observations de Me C...substituant MeE..., représentant Mme F... -M'B....
1. Considérant que Mme F... -M'B..., ressortissante congolaise née le 2 novembre 1962, est entrée en France le 8 août 2003 et s'est vue reconnaître le statut de réfugié le 30 mars 2005 ; qu'après avoir mentionné lors du dépôt de sa demande d'asile, être mère de quatre enfants, elle a déclaré, en 2009, être également la mère de BénédicteA..., née le 12 décembre 1996 à Brazzaville ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 19 octobre 2010 par laquelle les autorités consulaires françaises à Brazzaville (République démocratique du Congo) ont refusé de délivrer un visa de long séjour à Mlle G...A...en qualité de membre de famille d'un réfugié statutaire ; que Mme F... -M'B... relève appel du jugement du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 16-11 du code civil : " L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que : / 1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ; / (...) / En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation. (...) " ;
3. Considérant que, par une ordonnance du 7 janvier 2016, la présidente du tribunal de grande instance d'Angers a ordonné la réalisation de tests génétiques en vue de dire si les résultats obtenus permettaient ou non d'exclure la maternité de Mme F... -M'B... et de conclure à une probabilité de maternité en précisant le degré de celle-ci ; que le rapport d'expertise du 25 avril 2016 du DrH..., expert près les tribunaux, conclut que l'analyse en biologie moléculaire de l'ADN autosomal extrait des prélèvements biologiques effectués sur Mme F... -M'B... et Bénédicte A...permet de retrouver une filiation entre les intéressées avec une probabilité de maternité de 99,999 pour cent ; que, le lien de filiation entre Mme F... -M'B... et Bénédicte A...devant dès lors être regardé comme établi, Mme F... -M'B... est fondée à demander l'annulation de la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F... -M'B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que l'administration n'arguant d'aucune circonstance particulière qui rendrait nécessaire le retour temporaire de Bénédicte A...en République démocratique du Congo afin d'y retirer le visa dont l'exécution de la présente décision implique nécessairement la délivrance, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour qu'un visa de long séjour soit délivré à Bénédicte A...sur le territoire national, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sollicitée par Mme F... -M'B..., sous réserve que son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 février 2014 et la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Bénédicte A...le visa de long séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à l'avocat de Mme F... -M'B... la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F...-M'B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juillet 2016.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02707