Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 mars 2015, le 14 mars 2016 et le 19 avril 2016, M. et Mme F...et les autres requérants, représentés par MeJ..., ont demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2012 et l'arrêté du 23 mai 2013 accordant un permis de construire modificatif à la société Groupe Launay ;
3°) de rejeter les conclusions de la société Groupe Launay tendant à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Nantes la somme de 2 000 euros au titre des frais de première instance et celle de 2 000 euros au titre des frais d'appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de la société Groupe Launay la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juin 2015, 28 juillet 2015 et 16 mars 2016, la société Groupe Launay, représentée par MeB..., a conclu au rejet de la requête, à ce que les requérants soient condamnés solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, à lui verser une somme de 1 360 692,24 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2015, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, et à ce que la somme de 4 000 euros au titre des frais de première instance et celle de 4 000 euros au titre des frais d'appel soient mises à la charge des appelants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juillet 2015 et le 1er avril 2016, la commune de Nantes, représentée par son maire en exercice, par MeA..., a conclu au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme F...et autres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire distinct, enregistré le 14 mars 2016, et un mémoire enregistré le 19 avril 2016, M. et Mme F...et les autres requérants demandent à la cour, à l'appui de leur requête enregistrée le 17 mars 2015 sous le numéro 15NT00962, de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, méconnaissent les articles 34 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, les articles 1er, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et les préambules des constitutions de 1946 et 1958 reprenant la loi des 16 et 24 août 1790 relative à la séparation des pouvoirs.
Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2016, la société Groupe Launay conclut à ce que la question prioritaire de constitutionnalité ne soit pas transmise au Conseil d'Etat, les dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ne portant pas atteinte à un droit ou une liberté que garantit la Constitution.
Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2016, le ministre du logement et de l'habitat durable soutient que la condition posée par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, qui subordonne la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à son caractère sérieux, n'est pas remplie.
Par un mémoire, enregistré le 1er avril 2016, la commune de Nantes soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme, notamment son article L. 600-7 ;
- la loi des 16-24 août 1790 ;
- la loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2013-368 du 18 juillet 2013 ;
- le code de justice administrative.
1. Considérant que le maire de la commune de Nantes a, par arrêtés du 7 novembre 2012 et du 23 mai 2013, accordé à la société Groupe Launay un permis de construire ainsi qu'un permis de construire modificatif en vue d'édifier un immeuble collectif de dix-huit logements et un commerce sur une parcelle située 11 boulevard des Anglais à Nantes ; que, par un jugement du 13 janvier 2015, dont il a été relevé appel le 17 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme F...et des autres requérants tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ; que la société Groupe Launay a demandé la condamnation des appelants à lui verser des dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ; que, par un mémoire distinct, ceux-ci demandent à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ; qu'aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité " ; qu'aux termes de l'article R. 771-11 du même code : " La question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour la première fois devant les cours administratives d'appel est soumise aux mêmes règles qu'en première instance " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 1er juillet 2013 : " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnances toute mesure de nature législative propre à : (...) 4° Accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l'urbanisme et prévenir les contestations dilatoires ou abusives, notamment en encadrant les conditions dans lesquelles le juge peut être saisi d'un recours en annulation ou d'une demande de suspension en particulier en exigeant des requérants un intérêt suffisamment direct à agir, en aménageant les compétences et les pouvoirs des juridictions, en vue notamment de leur permettre de condamner à dommages et intérêts l'auteur d'un recours abusif, et en réduisant les délais de traitement des procédures juridictionnelles " ; qu'en application de ce texte, l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme a été créé par l'ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, qui a été ratifiée par l'article 172 IV de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; qu'une fois ratifiées par le législateur, les dispositions qui trouvent leur origine dans cette ordonnance, ont acquis valeur législative et que, par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'ordonnance ratifiée aurait outrepassé les limites de l'habilitation, ni que ces dispositions empièteraient sur le domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution, dont la méconnaissance ne peut, en tout état de cause, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, lequel ne vise que le cas où il est soutenu qu'une disposition législative porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (...) " ;
5. Considérant, d'une part, que les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme portent atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs posé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par les préambules des constitutions de 1946 et 1958, par la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et par l'article 66 de la Constitution ; que toutefois, ainsi que l'a précisé le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qui ont posé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que les dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif dans le cadre de ses compétences en matière de contentieux de l'urbanisme ; que, par ailleurs, la possibilité de présenter devant le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, des conclusions reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive ne remet en cause, ni la compétence du juge judiciaire en matière de liberté individuelle ni le rôle de ce même juge en matière de protection du droit de propriété ;
6. Considérant, d'autre part, que les requérants soutiennent que l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme est contraire au principe d'égalité consacré par l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Constitution de 1958 dès lors qu'ils ne disposent pas de la même possibilité de mettre en jeu la responsabilité de la partie adverse ; que, cependant, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur traite de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il y déroge pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que, par la loi du 1er juillet 2013, le législateur a entendu favoriser la production de logements, accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l'urbanisme et prévenir les contestations dilatoires ou abusives ; que ces objectifs répondent à des considérations d'intérêt général et ne sont donc pas de nature à faire estimer que l'article L. 600-7 en cause serait contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi ;
7. Considérant, enfin, que si les requérants soutiennent que l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme porterait atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la violation ainsi alléguée, très sommairement évoquée, n'est pas assortie des précisions suffisantes pour permettre d'apprécier son caractère effectif ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de transmettre cette question au Conseil d'État ;
ORDONNE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme F... et autres.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme F..., à M. E...et MmeC..., à M. et MmeG..., à Mme I..., à M. et MmeD..., à Mme H..., à l'association des résidents de la rue de la Mélinière et des voies adjacentes, à la société Groupe Launay, à la commune de Nantes et au ministre du logement et de l'habitat durable.
Fait à Nantes, le 25 mai 2016.
H. LENOIR
''
''
''
''
N° 15NT009623
1