Par une requête enregistrée le 20 novembre 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1507485/5-3 du 14 octobre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris
Il soutient que :
- les premiers juges ont à tort estimé, par le jugement attaqué, que l'ensemble de la situation de M. A...justifiait l'annulation de son arrêté pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2016, M. A...conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce qu'une somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat au bénéfice de son avocat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-1 de la loi du 19 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation du jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique :
1. Considérant que M.A..., né le 10 septembre 1984, de nationalité marocaine, est entré en France le 26 août 2011 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité, le 18 mars 2014, auprès des services de la préfecture de police de Paris, son admission au séjour en application des dispositions énoncées par les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ; que, par un arrêté du 30 octobre 2014, le préfet a opposé un refus à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que, le préfet de police relève appel du jugement n° 1507485/5-3 du 14 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que la mère de M. A...est entrée en France avec ses enfants mineurs en 2004, un an après le décès de son époux ; qu'à cette date, l'intéressé, majeur, a été contraint de rester au Maroc ; que si M. A...fait aujourd'hui valoir qu'il n'a plus aucune attache au Maroc, l'ensemble de sa fratrie, ses oncles et tantes ainsi que ses grands parents, de nationalité française ou munis d'un titre, vivant en France, il ressort néanmoins des pièces du dossier que l'intéressé a attendu sept années avant de les rejoindre, en 2011, à l'âge de 27 ans ; que durant ces sept années il reconnaît avoir poursuivi des études, travaillé et vécu auprès d'amis et de sa famille lointaine ; que s'il soutient être professionnellement intégré en France, il se borne à produire une promesse d'embauche en qualité de commis boucher, qui est postérieure à la décision contestée ; qu'enfin, s'il ajoute que sa mère souffre d'hypertension artérielle et d'un diabète non insulinodépendant, il ne démontre pas que sa présence auprès d'elle serait indispensable ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que, c'est à tort, que les premiers juges ont fait droit à la demande de l'intéressé en accueillant les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A...;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l 'autorité administrative (...) lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 31411 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui justifient résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de l'intégralité des étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été exposé aux points 3 et 4, que M. A...ne remplit ni les conditions énoncées par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni ne justifie résider de manière habituelle en France depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour litigieux ; qu'ainsi, le préfet de police n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour par le préfet de police doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M.A..., en indiquant dans son arrêté que l'intéressé n'est pas en mesure " d'attester de sa résidence habituelle en France depuis au moins 3 ans, qu'il n'a pu produire de contrats de travail et d'engagement de versement de la taxe à l'OFII dûment remplis et signés par un éventuel employeur et qu'il ne peut attester de l'ancienneté de l'exercice d'une activité salariée antérieure en France d'au moins 24 mois dont 8 sur l'année précédente ", le préfet a nécessairement examiné la demande de titre de séjour sollicitée par l'intéressé au regard de l'article L. 313-14 dans son volet " vie privée et familial " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait, omis de procéder à l'examen de la demande de M. A...au regard de cet article et par suite entaché son arrêté d'une erreur de droit doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux développés au point 3, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A...doit être écarté ;
10. Considérant, enfin, que la décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale, doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 octobre 2014 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n°157485/5-3 du 14 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller ;
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVENLe greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04189