Par une requête enregistrée le 18 avril 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1518982/3-2 du 16 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que les premiers juges ont à tort estimé que l'arrêté du 20 octobre 2015 avait été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2016, Mme A...de la Fe, représentée par Me Pinto, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation du jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les observations de Me Pinto, avocat de Mme A...de la Fe.
1. Considérant que Mme A...de la Fe, ressortissante cubaine, née le 9 janvier 1986, soutient être entrée en France en avril 2011 ; qu'elle a sollicité le 27 novembre 2014 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 20 octobre 2015, le préfet a opposé un refus à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1518982/3-2 du 16 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
3. Considérant que si Mme A...de la Fe soutient avoir fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, à son arrivée, en avril 2011, à l'âge de 25 ans, auprès de sa mère, titulaire d'une carte de résident en qualité d'épouse d'un ressortissant français, de son demi-frère de nationalité française, de son beau-père et enfin de ses trois soeurs, également titulaires d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que la mère de l'intéressée est arrivée en France en 1998, et que ses soeurs ne sont entrées successivement en France qu'en 2003 et 2009, de sorte que l'intéressée, qui a par ailleurs séjourné en Italie où elle s'est mariée en 2004 avant de divorcer en 2011, a vécu éloigné de sa famille pendant plusieurs années ; que si Mme A...de la Fe fait également valoir qu'elle vit en concubinage avec un ressortissant français avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité, il ressort des pièces du dossier que ce pacte a été conclu le 5 juin 2015, soit à peine cinq mois avant la date de la décision attaquée ; que Mme A...de la Fe est par ailleurs sans charge de famille en France et n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où vit encore son père ; qu'enfin, si elle fait valoir qu'elle est bien insérée socio-professionnellement dès lors qu'elle occupe une activité salariée depuis le mois de mai 2011, dans le domaine de la restauration en qualité de préparateur pour le compte de la Société Elior, il ressort de l'examen du dossier que celle-ci a occupé successivement différents emplois dépourvus de toute spécificité particulière ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...de la Fe une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que, c'est à tort, que les premiers juges ont retenu le motif tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler ledit arrêté ;
4. Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés en première instance par Mme A...de la Fe ;
5. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour déposée par Mme A...de la Fe et en l'assortissant d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces articles doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution de la décision par laquelle l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peut être utilement invoqué par Mme A...de la Fe à l'encontre de la décision du préfet portant obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant, enfin, que l'intéressée, qui n'a pas présenté de demande d'asile, n'établit pas la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour à Cuba en se bornant à faire valoir que l'éloignement qui lui est imposé est constitutif, en lui-même, d'un traitement inhumain et dégradant, en particulier au regard de l'ancienneté de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans et de son état de santé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 octobre 2015;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n°1518982/3-2 du 16 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...de la Fe devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...de la Fe et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01309