Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 28 avril 2015 et le 8 février 2016, Mme A...B..., représentée par la SARL Publi Juris avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1424083/2-1 du 24 mars 2015 ;
2°) d'annuler la décision du jury du CESI du 25 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au CESI d'attribuer à Mme A...B...le diplôme d'ingénieur d'Etat, sous astreinte de 100 euros par mois de retard, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner le CESI à lui verser une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de son ajournement irrégulier ;
5°) de condamner le CESI à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier puisqu'il n'a pas été procédé à la réouverture de l'instruction après la réception d'une note en délibéré soulevant un moyen d'ordre public, ce moyen étant tiré de l'erreur de droit commise par l'administration du fait d'une " reformatio in pejus " au détriment de la requérante ;
- le jury a méconnu le principe général du droit de l'interdiction d'une " reformatio in pejus " en aggravant sa première décision d'ajournement ;
- le jury l'a notée en se fondant sur des éléments qui ne reposaient pas sur la seule valeur des travaux fournis et notamment sur l'état de santé de l'intéressée et sur le fait qu'elle aurait menacé l'école de porter plainte contre elle pour harcèlement moral ;
- le jury a méconnu le principe d'égalité entre candidats ;
- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir et méconnaît également les articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le principe général du droit au recours.
Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2015, le CESI représenté par Me Barbaud, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'éducation ;
- l'arrêté du 13 janvier 2014 fixant la liste des écoles habilitées à délivrer un titre d'ingénieur diplômé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,
- et les observations de Me Barbaud, avocat du Centre d'études supérieurs industrielles.
1. Considérant que Mme B..., inscrite à l'école d'ingénieurs du Centre d'études supérieures industrielles (CESI), dans le cadre d'un contrat de formation continue, en vue de l'obtention du diplôme d'ingénieur délivré par cet établissement, a été ajournée par le jury national d'attribution de ce diplôme aux termes d'une décision du 30 septembre 2013, qui précise que ce diplôme lui sera attribué ultérieurement à condition de représenter, avant le 15 septembre 2014, un projet de fin d'études " PFE " à l'écrit et à l'oral correspondant à l'UE 24, un projet de développement durable " PDD " relatif à l'UE 23 et d'obtenir pour ces projets la note " B " ; que par un jugement du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision en raison d'une composition irrégulière du jury, et a enjoint au jury national du CESI de réexaminer la candidature de Mme B... ; que, par une nouvelle décision du 25 septembre 2014, ce jury a décidé, à nouveau, d'ajourner Mme B... et de subordonner la délivrance du diplôme d'ingénieur à une nouvelle présentation, avant le 10 septembre 2015, d'un projet scientifique pour valider les objectifs scientifiques de l'UE 22, projet scientifique collectif, " PSC ", de l'UE 24 projet de fin d'études " PFE " à l'écrit et à l'oral en incluant un chapitre sur le développement durable pour permettre la validation de l'UE 23 et d'obtenir la note " B " ; que par un jugement du 24 mars 2015, dont Mme B...relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la nouvelle décision du 25 septembre 2014, à ce qu'il soit enjoint au CESI de lui attribuer son diplôme et à ce qu'il soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son ajournement illégal par le jury depuis septembre 2013 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré " ; lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une note en délibéré, il lui appartient de faire application dans ce cas particulier des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction ; qu'à ce titre, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette note avant de rendre sa décision, ainsi, au demeurant, que de la viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visée et, cette fois, analysée - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de cette note, il doit la soumettre au débat contradictoire en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;
3. Considérant que par une note en délibéré enregistrée le 11 mars 2015, Mme B...a soulevé le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance du principe général du droit, d'ordre public, issu du droit pénal, aux termes duquel il est interdit au juge d'appel d'aggraver la peine de l'appelant ; que, toutefois, un tel principe n'est appliqué par le juge administratif qu'en matière disciplinaire ; qu'au surplus, l'aggravation de la situation de
MmeB..., à la supposer établie, ne proviendrait en tout état de cause pas du " recours en appel " de l'intéressée mais d'une nouvelle décision souveraine du jury du CESI du 24 septembre 2014 agissant sur l'injonction prononcée par le Tribunal administratif de Paris dans son jugement du
20 mai 2014 par lequel il a annulé la précédente délibération prise par le même jury le 30 septembre 2013 sur les travaux de MmeB... ; que, par suite, ce principe n'est pas applicable au présent litige ; qu'ainsi, le moyen tiré de sa méconnaissance, soulevé postérieurement à la clôture de l'instruction, n'avait pas à être pris en compte par les premiers juges, ni, a fortiori, à être soumis au débat contradictoire ; que Mme B...n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement dont elle relève appel aurait été rendu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 731-3 du code de justice administrative ;
Sur le fond :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 25 septembre 2014 :
4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le principe général du droit aux termes duquel il est interdit au juge d'appel d'aggraver la peine de l'appelant n'est pas applicable au présent litige ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de ce principe, est inopérant et doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury sur les épreuves des candidats à un examen, son contrôle ne pouvant s'exercer que sur des considérations, autres que la valeur des épreuves, qui ont pu fonder les notes qu'il a attribuées ;
6. Considérant, en l'espèce, que Mme B...soutient qu'elle a été sanctionnée par le jury du CESI non pas en raison de la valeur de ses prestations, mais du fait, d'une part, qu'elle aurait menacé l'école de porter plainte contre elle pour harcèlement moral et, d'autre part, qu'elle aurait rencontré des problèmes de santé durant sa scolarité ; que, toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le jury aurait ainsi entendu réagir aux menaces proférées à l'égard de l'école par l'intéressée ; qu'en outre, si le jury a pu faire apparaître dans la feuille d'évaluation du projet de fin d'études (PFE), notamment, que " la démarche et la méthodologie n'ont pas été démontrées en raison de l'allègement du périmètre de stage (problème de santé) ", cette mention relève du simple constat et non d'une appréciation déterminante alors, par ailleurs, que le jury a pris soin de noter dans cette même évaluation que " le travail présenté est de niveau technicien " ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas que, pour noter le travail de MmeB..., le jury aurait fondé son appréciation sur des motifs autres que ceux tirés de la qualité des épreuves subies ; que, dès lors, cette appréciation n'est pas en l'espèce susceptible d'être discutée ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que sur les quinze candidats de la session 2013/2014, trois d'entre eux, en plus de MmeB..., ont obtenu la note C à leur projet de fin d'études ; que, par ailleurs, le binôme de l'intéressée s'est également vu attribuer la note C au travail collectif qu'ils ont fourni sur le projet de développement durable et a été contraint d'en refaire l'étude d'impact ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le jury du CESI par sa décision du 25 septembre 2014 aurait porté atteinte au principe d'égalité entre les candidats n'est pas fondé ;
8. Considérant, en dernier lieu, que le jury du CESI pouvait souverainement, après l'annulation de la décision du 31 septembre 2013 par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 mai 2014, prendre à l'égard de Mme B...une nouvelle décision d'ajournement, le cas échéant, en l'aggravant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse du
25 septembre 2014 aurait été prise en réaction à cette annulation juridictionnelle, et serait ainsi entachée de détournement de pouvoir, ni qu'elle porterait atteinte aux articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au recours effectif ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'indemnisation :
10. Considérant que Mme B...n'établit pas la réalité du préjudice moral dont elle dit avoir souffert du fait de l'illégalité dont était entachée la décision du 30 septembre 2013 et de la multiplicité des procédures qu'elle a du en conséquence engager ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'indemnisation doivent être rejetées ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à ce que le CESI soit condamné à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle dit avoir subi du fait de son ajournement irrégulier prononcé le 30 septembre 2013 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CESI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme B...et au Centre d'études supérieures industrielles.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Even, président,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVEN
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01720