Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2015, Mme B...épouseC..., représentée par Me Lasbeur, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1503626 du 1er octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 10 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux méconnait l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de défense.
Une note en délibéré a été enregistrée, le 30 mai 2016, pour Mme B...épouseC....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les observations de Me Lasbeur, avocat de Mme B...épouseC....
1. Considérant, que Mme B...épouseC..., ressortissante algérienne, a sollicité un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par un arrêté du 10 mars 2015, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B...épouse C...fait appel du jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Melun ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en mars 2013 ; qu'elle a épousé la même année M.C..., compatriote, avec lequel elle a eu un enfant né en août 2013 ; que M. C...est titulaire d'une carte de résident de dix ans et est employé en qualité de gardien depuis le mois de mars 2011 au sein de l'école internationale algérienne à Paris, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en outre, M.C..., souffre d'un déficit immunitaire sévère, pour lequel il a été déclaré travailleur handicapé et suit des soins en France ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'époux de l'intéressée étant très intégré et ayant vocation à rester durablement en France, eu égard, notamment, à son état de santé, l'arrêté attaqué a porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les articles 8 de la déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 10 mars 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article de L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que le préfet oppose une nouvelle décision de refus à l'intéressée, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme B...un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Melun du 1er octobre 2015 et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 10 mars 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseC..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04026