Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1515129/5-3 du
21 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- il rapporte la preuve du caractère frauduleux de la demande de délivrance du certificat de résidence, dès lors que l'enquête diligentée par les services de la direction du renseignement de la préfecture de police détermine la fin de la communauté de vie entre l'intéressé et son ancienne épouse au mois de décembre 2014, période pendant laquelle M. F...résidait alors chez sa nouvelle concubine, avec laquelle ils ont acquis un bien immobilier le 23 juillet 2015 ;
- l'intéressé n'établit pas la réalité de la communauté de vie à la date de délivrance de son certificat de résidence et a sciemment dissimulé la rupture de sa vie commune lors de sa demande et de la délivrance du certificat de résidence litigieux ;
- en tout état de cause, il sollicite une substitution de motif tiré de l'absence de communauté de vie des époux lors de la délivrance du certificat de résidence litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2016, M. F..., représenté par
MeD..., conclut au rejet de la requête du préfet de police, qu'il soit enjoint au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.F..., ressortissant algérien, né le 21 juin 1973, a déclaré être entré en France le 3 février 2010 ; qu'à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 22 juin 2013, il s'est vu délivrer un certificat de résidence d'un an ; que, le 2 février 2015, le préfet de police lui a délivré un certificat de résidence valable du 15 novembre 2014 au 14 novembre 2024 sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par l'arrêté contesté du 4 août 2015, le préfet de police lui a retiré ce certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 21 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 du même accord : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. " ; qu'en l'absence de stipulations expresses sur ce point prévues par l'accord franco-algérien précité, le préfet de police peut légalement faire usage du pouvoir général qu'il détient, même en l'absence de texte, pour retirer une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude ; que l'administration doit cependant rapporter la preuve de la fraude, et non le requérant dont la bonne foi se présume, tant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte, que de l'intention du demandeur de la tromper ;
3. Considérant que si le rapport d'enquête de la direction du renseignement de la préfecture de police ne suffit pas, à lui seul, à établir que, à la date de la demande de renouvellement du certificat de résidence le 2 décembre 2014, la communauté de vie entre M. F...et Mme B...avait cessé, il ressort, toutefois, des pièces du dossier, d'une part, que ceux-ci ont déposé une requête en divorce par consentement mutuel le 16 février 2015, soit deux semaines après la réception par M. F... de son certificat de résidence, et, d'autre part, qu'à la suite d'une promesse de vente effectuée le 16 avril 2015, l'intéressé a acquis, le 23 juillet 2015, un bien immobilier avec
MmeE..., qui est sa nouvelle concubine, avec laquelle il réside depuis au moins le 13 mars 2015 ; que, dans ces conditions, et eu égard notamment au comportement de M. F...postérieurement au renouvellement de son certificat de résidence, le préfet de police apporte la preuve que ce renouvellement a été obtenu à la suite de manoeuvres frauduleuses ; que, dès lors, c'est à bon droit que le préfet de police a décidé de retirer à M. F... le certificat de résidence qui lui avait été délivré le 2 février 2015 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté contesté au motif qu'il n'apportait pas la preuve du caractère frauduleux de la demande de renouvellement du certificat de résidence ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.F... ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé pour le préfet de police par Mme G...A..., attaché d'administration de l'État, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature donnée par un arrêté du 20 juillet 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 24 juillet 2015 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que le préfet aurait du faire précéder sa décision de la saisine de la commission du titre de séjour, laquelle doit en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se prononcer sur le cas des étrangers qui sollicitent un tel titre, est inopérant à l'égard d'une décision emportant retrait d'un titre de séjour ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M.F..., avant d'assortir sa décision de retrait du certificat de résidence d'une obligation de quitter le territoire français ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...vit en concubinage avec Mme E...depuis au moins le 13 mars 2015, soit cinq mois avant la date de l'arrêté contesté, qu'il est sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses deux enfants et ses huit frères et soeurs et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-six ans ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté ne porte pas au droit de M. F...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M.F... ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 août 2015 et lui a enjoint de restituer à M. F...son certificat de résidence ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M.F..., ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1515129/5-3 du 21 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... F....
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- Mme Lorraine d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDR La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00389