Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2017, MmeA..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601580 du 10 novembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 22 octobre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa demande dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la motivation de cette décision est insuffisante et stéréotypée ;
- le préfet n'a pas examiné la demande qu'elle a présentée en qualité d'étranger malade ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine du médecin de l'agence régionale de santé ; le préfet du Val-de-Marne ne pouvait se fonder sur l'avis défavorable du médecin de l'agence régionale de santé du 18 février 2013, rendu à l'occasion d'une précédente demande de titre de séjour ;
- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; elle souffre d'un syndrome coronarien aigu, d'un diabète de type 2, et d'un syndrome d'apnées du sommeil pour lequel elle est traitée depuis le 3 août 2011, par ventilation nocturne grâce à une machine mécanique par pression continue, traitement qui n'est pas disponible en Algérie ;
- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, compte tenu de la présence régulière de ses enfants en France, indispensable eu égard à sa santé extrêmement fragile ; elle est en mesure de justifier de l'établissement de sa vie privée et familiale sur le territoire français ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est prise en application d'une décision elle-même illégale de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est prise en application d'une décision elle-même illégale de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poupineau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 9 janvier 2010 sous couvert d'un visa de type C délivré par le Consulat général de France à Alger ; que, par un courrier du 12 décembre 2014, complété le 28 avril 2015, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5° et du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ; que, par un arrêté du 22 octobre 2015, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que Mme A...relève appel du jugement en date du 10 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que, dans sa décision de refus de titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne a visé les stipulations du 5° et du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 sur le fondement desquelles Mme A...a présenté sa demande ; qu'il a également mentionné les circonstances de fait lui ayant permis de considérer que Mme A...ne remplissait pas les conditions prévues par ces stipulations pour obtenir le titre de séjour qu'elle sollicitait ; qu'ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet du Val-de-Marne, qui a mentionné que Mme A...ne remplissait pas les conditions du titre de séjour prévu au 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, a examiné la demande que l'intéressée a présentée sur le fondement de ces stipulations en qualité d'étranger malade ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (....) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
5. Considérant, d'une part, que la requérante soutient que le préfet du Val-de-Marne, pour prendre la décision en litige, ne pouvait se fonder sur un avis du médecin de l'agence régionale de santé rendu le 18 février 2013, dans le cadre de l'instruction d'une précédente demande de titre de séjour ; que, toutefois, les certificats médicaux dont se prévaut la requérante, établis les 27 janvier 2014 et 26 janvier 2015 par le docteur Covali-Noroc postérieurement à l'avis en litige, se bornent à énoncer qu'elle est atteinte d'un syndrome d'apnées du sommeil sévère, qui nécessite un traitement par ventilation nocturne en pression positive continue, et ne comportent aucune précision sur le degré de gravité de l'affection dont souffre l'intéressée ; que le certificat rédigé par le docteur Dechir, qui n'est pas signé, n'apporte aucune précision sur l'état de santé de Mme A...; qu'ainsi, en l'absence de justification d'éléments nouveaux relatifs à une éventuelle dégradation de son état de santé susceptibles de remettre en cause le sens de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet a pu régulièrement rejeter la nouvelle demande de titre de séjour de Mme A...sans procéder à une nouvelle consultation de ce médecin ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...souffre d'un syndrome coronarien aigu, d'un diabète de type 2 et d'un syndrome d'apnées du sommeil sévère, qui nécessite un traitement par ventilation nocturne en pression positive continue ; que, pour prendre l'arrêté contesté, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 février 2013 qui précise que, si l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la requérante n'a produit aucun document permettant de déterminer la nature et la durée des traitements qui lui auraient été prescrits en France pour soigner le syndrome coronarien et le diabète de type 2, dont elle est atteinte ; que le certificat non signé du docteur Dechir pas plus que les certificats médicaux établis par le docteur Covali-Novoc, qui, dans leur rédaction antérieure à l'avis précité du 18 février 2013, se bornent à affirmer, dans des termes généraux, que le traitement par ventilation nocturne en pression positive continue n'est pas disponible en Algérie, et dans leur version plus récente, ne se prononcent ni sur l'état de santé de la requérante, ni sur la disponibilité des soins dans son pays d'origine, ne sont susceptibles de contredire l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'il s'ensuit qu'en refusant de délivrer à Mme A...le titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que la requérante fait valoir qu'elle vit sur le territoire français de manière continue avec son mari depuis 2010, qu'ils sont pris en charge par leurs deux fils, dont ils perçoivent une aide financière et résident chez l'un d'entre eux, et que leurs filles restées en Algérie ne peuvent les accueillir et subvenir à leurs besoins ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui est entrée en France à l'âge de cinquante-six ans, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, outre ses deux filles, sa mère et ses six frères et soeurs, avec lesquels elle ne justifie pas ne plus entretenir de liens ; que son époux, dont la demande d'admission au séjour a été rejetée par un arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 10 février 2014, est également en situation irrégulière sur le territoire français, et qu'il n'existe pas d'obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Algérie ; que dans ces circonstances et compte tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressée en France, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel cette décision a été prise ; que, par suite, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant que Mme A...n'établissant pas que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée ;
10. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprend les mêmes éléments que ceux développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 du présent arrêt ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant que Mme A...n'établissant pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination doit être écartée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., épouseA..., et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00878