Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702388 du 21 mars 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2017 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de première instance n'était pas tardive, dès lors que le nom et la fonction de l'agent ayant notifié l'arrêté contesté n'étaient pas précisés, les délais de recours n'ont pas commencé à courir ;
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire et de refus d'un délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il remplit les critères de la circulaire INTK1229185C du 28 novembre 2012 ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des quatre critères énoncés qui n'ont pas été examinés de manière exhaustive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2017, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- et les observations de Me Rapoport, avocat de M.B....
1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien né le 1er avril 1987, entré irrégulièrement en France le 3 mars 2011, a déclaré s'y être maintenu sans titre de séjour ; que, par un arrêté du 6 janvier 2017, le préfet des Hauts-de-Seine a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois ; que M. B... fait appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant que M. B...fait valoir qu'il est arrivé en France depuis le 3 mars 2011 et qu'il exerce la profession de boulanger depuis le 9 mars 2015 ; qu'il ressort toutefois des pièces versées au dossier que le requérant ne justifie pas d'une résidence habituelle en France et qu'il s'est maintenu de manière irrégulière sur le territoire sans que soit établie son intention d'effectuer des démarches tendant à la régularisation de sa situation ; qu'il est sans charge de famille et n'établit pas la réalité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français ; qu'en outre, il n'établit pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; que, dans ces conditions, et malgré l'activité professionnelle que l'intéressé avait commencé à exercer, au demeurant illégalement, sur le territoire national, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et comme ayant ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour ces mêmes motifs, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B... ;
3. Considérant que le requérant ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
4. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que M. B...est entré irrégulièrement en France le 3 mars 2011 et s'est maintenu sur le territoire français sans avoir sollicité de titre de séjour ; que, par suite, le requérant se trouvait dans la situation prévue par les dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1, permettant de regarder comme établi le risque que M. B...se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ;
6. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 2, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 7 mars 2016 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (....). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (....)" ;
8. Considérant qu'il résulte de ces nouvelles dispositions, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle ; que seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire ;
9. Considérant que, pour prendre sa décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé ne justifiait pas de l'ancienneté de son séjour sur le sol national et de liens personnels ou familiaux qu'il y aurait tissé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en l'absence de précédente mesure d'éloignement et de menace à l'ordre public représentée par le comportement de l'intéressé, le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas examiné sa situation de manière exhaustive au regard des critères mentionnés au point 8 ; que, dans ces conditions, le requérant, à qui il incombait de faire état, le cas échéant, de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à l'édiction de la décision contestée, n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENE-MINELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01366