Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, M.A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703065 du 15 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 janvier 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet de police n'a pas saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie résider en France depuis plus de 10 ans, et de l'article L. 312-2 du même code, dès lors qu'il est au nombre des étrangers visés à l'article L. 313-11, 7 ;
- entré en France en 1999, il justifie y résider depuis plus de 10 ans ; il est fondé à se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012 ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 1er mars 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poupineau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien, est entré en France au cours de l'année 2004 et a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de la durée de sa présence sur le territoire français ; que, par un arrêté en date du 25 janvier 2017, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ; que M. A...fait appel du jugement en date du 15 juin 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a produit, pour les années 2010 et suivantes, un nombre important de documents constitués de factures de nature différente, d'avis d'imposition, d'attestations et de prescriptions médicales, de bulletins de salaire et d'un contrat à durée indéterminée ; qu'eu égard à leur nature, à leur variété et à leur cohérence, ces pièces établissent la résidence habituelle en France de M. A...au cours de ces années ; que pour l'année 2007, il a versé au dossier trois factures d'achat des 8 janvier, 11 mai et 10 novembre, une attestation de l'assurance maladie du 22 février, deux prescriptions médicales des 13 juillet et 10 décembre ainsi qu'un document d'inscription pour une consultation dermatologique du 13 septembre ; que, pour l'année 2008, il a produit quatre prescriptions médicales des 13 février, 26 mai, 19 août et 3 décembre, une facture d'achat du 26 février et une déclaration de choix du médecin traitant du 7 octobre ; qu'enfin, pour l'année 2009, il a remis un compte-rendu d'hospitalisation du 10 février, des prescriptions médicales des 18 février, 6 mars, 26 juillet et 17 décembre, deux factures d'achat des 16 juin et 4 novembre ainsi qu'un document d'inscription pour une consultation médicale le 22 septembre ; que, si les mentions des actes médicaux des 26 mai 2008, 18 février et 26 juillet 2009 sont illisibles et que ceux-ci ne peuvent dès lors être pris en compte pour l'appréciation de la résidence habituelle de M.A..., ce dernier justifie, par les autres documents qu'il a produits, dont aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'ils ne présenteraient pas des garanties d'authenticité suffisantes, de la continuité de son séjour en France au titre de ces trois années alors même que ces pièces seraient moins nombreuses que celles autres années ; que, dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme établissant avoir possédé sa résidence habituelle sur le territoire français durant les 10 années précédant la décision de refus de titre de séjour en litige du 25 janvier 2017 ; que le préfet de police était dès lors tenu de saisir la commission du titre de séjour de la situation de M. A... ; que le requérant est, par suite, fondé à soutenir qu'en s'abstenant de consulter cette commission avant de prendre sa décision, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la décision rejetant la demande de titre de séjour de M. A...ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros demandée par M. A...au titre des frais qu'il a exposés ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703065 en date du 15 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 25 janvier 2017 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02367