Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mars 2016, MmeA..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508727 du 3 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 janvier 2015 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et l'article 2 du décret du 6 juin 2001 ;
- l'illégalité du refus implicite de délivrance d'un récépissé portant la mention " immatriculation au registre du commerce et des sociétés " entraîne l'illégalité de l'arrêté du 28 janvier 2015 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les articles 5 et 7 c) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il lui appartenait de présenter une demande pour obtenir un visa de long séjour dès lors que l'absence de visa de long séjour ne peut être opposée à une personne déjà admise à séjourner et titulaire d'un titre de séjour qui demande son changement de statut avant l'expiration de son titre de séjour ;
- l'arrêté contesté méconnaît le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France où elle a constitué sa cellule familiale ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux éléments susmentionnés.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 22 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de MeC..., pour MmeA....
1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne, née en 1985, est entrée régulièrement en France le 6 octobre 2010 et a obtenu, à son arrivée sur le territoire national, un certificat de résidence portant la mention " étudiant ", qui a été renouvelé jusqu'au 31 octobre 2013, puis prolongé par plusieurs récépissés de demande de titre de séjour jusqu'au 20 mai 2014 ; que l'intéressée a sollicité, au cours du mois de décembre 2013, la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de commerçant sur le fondement des stipulations de l'article 5 et du paragraphe c de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 21 mars 2014, le préfet de police a rejeté la demande de MmeA..., a assorti ce refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que cet arrêté a été annulé par le Tribunal administratif de Paris dans son jugement du 29 septembre 2014 ; que la Cour a annulé ce jugement par un arrêt rendu le 18 juin 2015 et a rejeté la demande de Mme A...présentée devant le tribunal ; que, par un arrêté du 28 janvier 2015, le préfet de police a, à nouveau, refusé de délivrer à Mme A...un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme A...fait appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 16 A de la loi du 12 avril 2000 : " (...) Une autorité administrative chargée d'instruire une demande présentée par un usager ou de traiter une déclaration transmise par celui-ci fait connaître à l'usager les informations ou données qui sont nécessaires à l'instruction de sa demande ou au traitement de sa déclaration et celles qu'elle se procure directement auprès d'autres autorités administratives françaises, dont elles émanent ou qui les détiennent en vertu de leur mission. (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 6 juin 2001 : " Lorsque la demande est incomplète, l'autorité administrative indique au demandeur les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de la demande (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet n'avait pas l'obligation de l'informer de la nécessité de s'inscrire au registre du commerce et des sociétés pour obtenir un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dès lors que cette condition est prévue par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en son article 5 régissant la délivrance de ce titre de séjour ; que, si elle fait également valoir que le préfet aurait dû l'informer du caractère incomplet de son dossier, en vertu de l'article 2 du décret du 6 juin 2001, il résulte des stipulations précitées que l'inscription au registre du commerce et des sociétés ne constitue pas une simple pièce justificative qui serait apportée à l'appui de la demande de titre de séjour mais révèle l'accomplissement de la première phase administrative, nécessaire à l'obtention du titre de séjour ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article 2 du décret du 6 juin 2001 en ne l'invitant pas à produire le justificatif de son inscription au registre du commerce et des sociétés ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 5 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande d'inscription sur le registre du commerce et des sociétés de Mme A...en qualité de gérante de la société Super Kamy Services, en cours d'immatriculation, au motif que le statut indiqué sur le récépissé de demande de sa carte de séjour ne l'autorise pas à travailler ; que Mme A...soutient que le préfet de police l'a privée de la possibilité d'obtenir son inscription au registre du commerce et des sociétés et l'a ainsi empêchée de satisfaire à la condition fixée par les stipulations de l'article 5 précitées, en ne lui délivrant pas un récépissé de demande de titre de séjour lui permettant de travailler ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que Mme A...a été admise à séjourner en France à partir de l'année 2010 en qualité d'étudiante en vertu d'un certificat de résidence ne l'autorisant pas à travailler, dont la durée de validité a été prorogée par la délivrance à l'intéressée, au titre de la même qualité, de récépissés de demande de titre de séjour jusqu'au 20 mai 2014 ; que, dans la mesure où Mme A... n'était pas déjà titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, elle ne pouvait prétendre à la délivrance de récépissés comportant une telle autorisation pendant l'examen de sa demande de changement de statut et ce, même dans le cadre du réexamen de sa demande de titre de séjour ordonné par le Tribunal administratif de Paris à la suite de l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2014 ; que, dans ces conditions, l'exception d'illégalité du refus implicite du préfet de police de délivrer à Mme A...un récépissé de demande de titre de séjour portant la mention " autorisation de travailler ", soulevée par la requérante à l'encontre de la décision de refus de séjour contestée, ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de la décision contestée que le préfet de police s'est fondé sur l'absence d'inscription de Mme A...au registre du commerce et des sociétés pour refuser de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " ; que cette inscription est, comme il a déjà été dit, exigée par les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien ; qu'il est constant que l'intéressée ne remplit pas cette condition ; que, si elle soutient que le préfet de police ne pouvait exiger qu'elle produise un visa de long séjour dès lors qu'elle est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et qu'elle a sollicité un titre de séjour en qualité de commerçant dans le cadre d'un changement de statut avant l'expiration de son dernier titre de séjour, il ressort de la décision contestée que le préfet de police ne s'est pas fondé sur ce motif pour lui refuser le titre de séjour sollicité ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a présenté sa demande de titre de séjour sur le seul fondement des stipulations des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de cet accord doit être écarté comme inopérant ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de délivrer un titre de séjour en qualité de commerçant, qui résulte, en l'espèce, de l'absence d'inscription de Mme A... au registre du commerce et des sociétés ;
9. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée régulièrement en France le 6 octobre 2010 et a bénéficié d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant ", qui a été renouvelé jusqu'au 31 octobre 2013, puis prolongé par plusieurs récépissés de demande de titre de séjour jusqu'au 20 mai 2014 ; qu'elle s'est mariée en France le 24 novembre 2014 avec un compatriote, M.A..., qui a été admis au séjour seulement pour la durée de ses études sans autorisation de travailler ; que la naissance de leur enfant le 5 juin 2015 est intervenue postérieurement à la décision contestée ; que la requérante n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa vie familiale avec son mari et son enfant ne pourrait pas se poursuivre en Algérie ; que, par suite, même si l'intéressée a travaillé comme employée de maison et justifie d'un projet professionnel dans le secteur de l'aide aux personnes, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de Mme A...en rejetant sa demande de titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant que les moyens tirés de ce que la décision par laquelle le préfet de police a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent les mêmes éléments que ceux que la requérante a développés à l'appui de sa contestation de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment au point 9 ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Coiffet, président,
- M. Platillero, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
V. COIFFETLe greffier,
S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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16PA00887