Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2016, MmeC..., représentée par Me Roques, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504931 du 17 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 mai 2015 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros à verser à Me Roques, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision contestée méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle souffre d'une pathologie nécessitant un suivi médical et un traitement médicamenteux qui ne peuvent lui être dispensés au Maroc et dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est mariée depuis le 18 mai 2013 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident dont la présence à ses côtés est indispensable en raison de son état de santé, qu'elle ne peut pas bénéficier de la procédure de regroupement familial en raison des ressources insuffisantes de son mari et que son frère vit en France ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux éléments susmentionnés ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux éléments susmentionnés ;
S'agissant de la décision fixant le Maroc comme pays de destination :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le Maroc comme pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle l'expose à des traitements inhumains et dégradants faute de pouvoir recevoir le traitement adapté à sa pathologie dans son pays d'origine.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 19 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., de nationalité marocaine, née en 1965, entrée sur le territoire français le 21 avril 2011 sous couvert d'un visa de court séjour, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 7 juin 2013 au 6 juin 2014, puis de récépissés de demande de titre de séjour pendant l'instruction de sa demande de renouvellement dudit titre ; que, par un arrêté du 6 mai 2015, le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée ; que Mme C...fait appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui souffre d'une maladie de Crohn " complexe avec localisation iléo-caecale et anale ", est entrée en France en avril 2011 afin d'être prise en charge médicalement après l'échec des soins dispensés au Maroc ; que dès son arrivée, elle a bénéficié d'actes chirurgicaux et d'un traitement médicamenteux ; que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, par un premier avis du 7 juin 2013, que le traitement adapté à la pathologie de Mme C...n'était pas disponible au Maroc et que les soins devaient être poursuivis en France pour une durée de douze mois ; que Mme C...a ainsi bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 7 juin 2013 au 6 juin 2014 ; que néanmoins, le médecin de l'agence régionale de santé a considéré, par un avis du 5 novembre 2014, que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existait un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces produites par l'intéressée que son état de santé ne s'est pas amélioré et nécessite toujours une bithérapie ainsi que des reprises chirurgicales ponctuelles ; que le 15 avril 2015, la requérante a d'ailleurs dû subir une nouvelle intervention chirurgicale et que son traitement médicamenteux a été augmenté ; que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a, dans sa décision du 3 septembre 2013, estimé que le taux d'incapacité de Mme C...était égal ou supérieur à 50 % ; que, par ailleurs, Mme C... s'est mariée le 18 mai 2013 avec un compatriote, titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises portant la mention " résident longue durée CE ", valable jusqu'au 27 août 2024 ; que la communauté de vie est établie au moins depuis le 7 juillet 2014, comme l'atteste notamment le contrat de location versé au dossier ; que, dans ces conditions, eu égard également à la nécessité de la présence de son époux à ses côtés en raison de sa pathologie invalidante, Mme C...est fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne, en refusant de renouveler son titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; que, par suite, il y a lieu d'annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
4. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Roques, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Roques de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 6 mai 2015 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Roques, avocat de MmeC..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Roques renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseC..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Coiffet, président,
- M. Platillero, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
V. COIFFETLe greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01096