Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2018, M.D..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 20 septembre 2017 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation en vue de la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...D..., né le 10 mai 1982 à Figuig, au Maroc, de nationalité marocaine, est entré en France en 2003 selon ses dires. Par un arrêté du 20 septembre 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le Tribunal administratif de Paris a ensuite rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de cet arrêté par un jugement du 21 décembre 2017 dont le requérant interjette appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " . Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. D...allègue être entré en France en 2003, à l'âge de vingt-et-un ans et s'y être marié le 7 février 2009 à Mme C...B..., de nationalité française, dont il se déclare aujourd'hui séparé. S'il ne conteste pas qu'une de ses soeurs vit au Maroc, il est constant que son frère réside en France en situation régulière et que son père y est décédé en 2014. Surtout, il ressort des pièces du dossier que sa mère et quatre de ses soeurs vivent en France et y ont été naturalisées françaises. Par ailleurs, il justifie être titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 2 novembre 2016. Dans les conditions particulières de l'espèce, l'arrêté du 20 septembre 2017 a, dès lors, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 20 septembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police, après avoir vérifié l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit de la situation de M.D..., lui accorde un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. D...ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2017 et l'arrêté du préfet de police du 20 septembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00271