Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2015, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1426363/2-2 du 23 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 28 février 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à son avocat, Me D..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en se plaçant à la date du jugement et non à la date de l'arrêté attaqué pour déterminer si ce dernier était légal ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et est dénué de base légale dès lors qu'elle est entrée en France depuis moins de trois mois et ne constitue pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ;
- le préfet de police n'établit pas que son séjour serait constitutif d'un abus de droit au sens du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle souffre d'un goitre thyroïdien nécessitant une intervention chirurgicale ;
- pour les mêmes motifs, il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée le 10 août 2015 au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 22 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Luben a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante roumaine, a fait l'objet le 28 février 2014, alors qu'elle se livrait à la mendicité, d'un arrêté par lequel le préfet de police a constaté qu'elle ne disposait plus d'un droit au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays à destination duquel elle était susceptible d'être reconduite d'office à l'issue de ce délai. Mme A...relève appel du jugement du 23 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2013-01158 du 18 novembre 2013, publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 22 novembre 2013, le préfet de police a donné délégation à M. B...C..., attaché d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 28 février 2014 doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée dès lors que ce moyen est, tout comme l'argumentation développée à son soutien, identique à celle présentée devant les premiers juges, qui y ont entièrement répondu.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale (...) ".
5. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet de police a refusé de maintenir le droit au séjour de Mme A...au motif que son séjour de moins de trois mois était constitutif d'un abus de droit dès lors qu'elle renouvelait les séjours de moins de trois mois en France dans le but de se maintenir sur le territoire national alors qu'elle ne remplit pas les conditions requises pour un séjour de plus de trois mois et qu'elle séjournait en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale. Dès lors, Mme A...ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de fait en considérant qu'elle était présente sur le territoire depuis plus de trois mois, ni que l'arrêté serait dénué de base légale dès lors qu'elle réside en France depuis moins de trois mois.
6. D'autre part, le préfet de police a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour qualifier son séjour comme constitutif d'un abus de droit, il a retenu que l'intéressée avait renouvelé des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire national alors qu'elle ne remplit pas les conditions requises pour un séjour de plus de trois mois. Il ressort des pièces versées au dossier de première instance par le préfet de police que Mme A...avait fait l'objet le 27 novembre 2013 d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle était repartie en Roumanie puis revenue en France le 9 décembre 2013, avant de faire l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français le 19 décembre 2013, à laquelle elle avait déféré pour ensuite revenir en France le 9 janvier 2014. N'ayant pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 10 janvier 2014 à son encontre, elle a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français le 28 février 2014. Dès lors, il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué, la dernière entrée sur le territoire de Mme A...datait du 9 janvier 2014, nonobstant la circonstance que l'intéressée ait affirmé lors de l'examen de sa situation personnelle du 28 février 2014 qu'elle ne savait plus quelle était la durée de son séjour en France. Il ressort donc des pièces du dossier que Mme A...avait déjà effectué deux séjours en France et que si aucune précision n'est apportée s'agissant du premier séjour, il est établi que le second séjour a duré moins de trois mois. En outre, MmeA..., qui n'établit pas qu'elle travaillerait comme ouvrière à la chaîne comme elle l'a indiqué le 28 février 2014 lors de l'examen de sa situation personnelle, séjourne en France de manière très précaire, sans ressources ni domicile fixe et a indiqué vivre de la charité. Dans ces conditions, le séjour en France de Mme A...pouvait être regardé, à la date de l'arrêté litigieux, comme constitutif d'un abus de droit au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, si Mme A...fait valoir qu'elle souffre d'un goitre thyroïdien nécessitant une intervention chirurgicale, elle n'établit pas qu'une telle intervention serait prévue ni que son état de santé ferait obstacle à son retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, tout comme celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris qui, contrairement à ce que soutient la requérante, a apprécié les circonstances de fait et de droit à la date de l'arrêté attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2016.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02625