Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 mars 2016, M.B..., représenté par Me Bertrand, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler cette ordonnance ;
2° d'annuler la décision attaquée lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
3° de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à Me Bertrand en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B...soutient que :
- la Cour administrative d'appel de Versailles est territorialement compétente ;
- sa requête est recevable ;
- l'ordonnance attaquée ne pouvait être prise sur le fondement du 7° de l'article
R. 222-1 du code de justice administrative au motif que sa requête n'était pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays dans lequel il pourra être renvoyé méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2016.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruno-Salel, premier conseiller ;
- et les observations de Me Bertrand, avocat, pour M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant bangladais né le 3 mars 1982, demande l'annulation de l'ordonnance en date du 23 mars 2015 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis du 20 janvier 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays dans lequel il pourra être reconduit ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : ( ...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. " ;
3. Considérant que, pour rejeter, sur le fondement de ces dispositions, la demande présentée par M.B..., le président du Tribunal administratif de Montreuil a relevé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'était manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, toutefois, il ressort de l'examen de cette demande que M. B...invoquait notamment à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant son pays de renvoi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en exposant son engagement au sein du parti national socialiste qui s'oppose à la Ligue Awami au pouvoir, ainsi qu'au sein de l'association " bien-être social de Shatvita ", les menaces de mort reçues de la part des membres du parti " Mouvement pour le régime islamique ", les persécutions qu'il a subies de la part des membres de la Ligue Awami en représailles à sa participation à une manifestation d'août 2009 dirigée contre le gouvernement et cette ligue, les graves blessures qui lui ont été infligées lors d'une autre manifestation en juin 2010, son élection en avril 2011 comme secrétaire adjoint à la propagande de la section du sous-district de Dohar de son parti, l'assassinat de son père à la sortie d'une réunion du parti national socialiste et d'un ami proche de son père membre du même parti, sa mise en cause orchestrée par le pouvoir pour le meurtre d'un trafiquant de drogue en juin 2012 et des échauffourées violentes en novembre 2012, sa fuite dans la clandestinité pour échapper à ces poursuites, l'agression de son épouse et de son frère cadet par les militants de la Ligue Awami, son départ du pays le
16 janvier 2013 et le risque d'être incarcéré en cas de retour dans son pays sans pouvoir espérer le recours à une justice impartiale ; que, dans ces conditions, le moyen tiré des risques encourus par M. B... en cas de retour dans son pays, quand bien même il n'était assorti d'aucune pièce justificative, ne pouvait être regardé comme n'étant pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il s'ensuit que le président du Tribunal administratif de Montreuil ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. B... ; qu'il suit de là que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 721-1 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité de réfugié ou d'apatride et accorde le bénéfice de la protection subsidiaire " et qu'aux termes de l'article L. 742-7 dudit code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ... " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de refuser à un étranger la délivrance du titre de séjour prévu au 8° de l'article L. 314-11 précité lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile lui ont définitivement refusé le statut de réfugié ;
6. Considérant que la demande d'asile de M. B...a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 octobre 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 mai 2014 ; que le préfet de la
Seine-Saint-Denis était, dès lors, tenu de refuser le titre de séjour demandé sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les différents moyens articulés à l'encontre de cette décision sont dès lors inopérants et doivent être écartés ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que les moyens tirés de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet, ni pour effet, de renvoyer le requérant au Bangladesh ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " selon lequel " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants." ;
9. Considérant que M. B...soutient qu'il est membre du parti national socialiste qui s'oppose à la Ligue Awami au pouvoir, ainsi que de l'association " bien-être social de Shatvita ", qu'il a reçu des menaces de mort de la part des membres du parti " Mouvement pour le régime islamique ", qu'il a subi des persécutions de la part des membres de la Ligue Awami en représailles à sa participation à une manifestation d'août 2009 dirigée contre le gouvernement et cette ligue, qu'il a été grièvement blessé lors d'une autre manifestation en juin 2010, qu'il a été élu en avril 2011 secrétaire adjoint à la propagande de la section du sous-district de Dohar de son parti, que son père a été assassiné à la sortie d'une réunion du parti national socialiste, de même qu'un ami proche de son père membre du même parti, que le pouvoir l'a impliqué dans une affaire de meurtre d'un trafiquant de drogue en juin 2012 et d'échauffourées violentes en novembre 2012, qu'il s'est réfugié dans la clandestinité pour échapper à ces poursuites, que les militants de la Ligue Awami qui le recherchent ont agressé son épouse et son frère cadet, qu'il a fui son pays le 16 janvier 2013 et qu'il risque d'y être incarcéré s'il y est renvoyé sans pouvoir espérer le recours à une justice impartiale ; que, toutefois, M. B...n'apporte au soutient de ses allégations que des attestations peu probantes, un certificat médical de 2010 faisant état de blessures au couteau qui ne permet de connaître des circonstances dans lesquelles elles lui ont été infligées, un article de presse concernant l'assassinat d'une personne qu'il présente comme son père sans l'établir, et les traductions d'une lettre d'un avocat de Dhaka du 13 mars 2014 faisant état d'une jugement du 9 juin 2012 le condamnant à 14 ans de prison et d'un mandat d'arrêt du 22 novembre 2012 qui revêtent un caractère peu probant faute d'avoir été réalisées par un traducteur assermenté et d'être accompagnées des documents originaux ; que, dans ces conditions, M. B...ne justifie pas qu'il serait personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays ; que, d'ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du
11 octobre 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du
27 mai 2014 ; que le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision fixant son pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 5° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions contestées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1501415 du 23 mars 2015 du président du Tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : La demande de M. B...et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
''
''
''
''
2
N° 16VE00858