2° de condamner le préfet des Yvelines à l'indemniser au titre de ses préjudices en lui versant les sommes de :
- 10 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;
- 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- 41 169,59 euros au titre de son préjudice financier ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement no 1404654 du 16 octobre 2015 le Tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à sa demande, condamnant l'Etat à payer à Mme C...une somme de 4 800 euros en réparation de ses préjudices et une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, MmeC..., représentée par Me Lévy, avocat, demande à la Cour :
1° de confirmer le jugement du tribunal administratif en ce qu'il a retenu la responsabilité fautive de l'Etat ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 41 969,35 euros au titre des préjudices patrimoniaux et la somme de 20 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux soit une somme totale de 61 969,35 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C...soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait à l'égard de la nature du récépissé délivré le 27 juin 2013 et à l'égard de l'évaluation de la perte de ses revenus ;
- l'absence d'exécution de l'injonction faite au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler est une faute engageant la responsabilité de l'Etat ;
- elle a subi un préjudice financier lié à la perte de son salaire, à la perte de ses droits à la retraite, à la dégradation de la situation financière de son ménage ainsi qu'à l'exposition de divers frais ;
- elle a subi un préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral.
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agier-Cabanes,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour MmeC....
Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2016, présentée pour le préfet des Yvelines ;
1. Considérant que Mme C...a sollicité du préfet des Yvelines le renouvellement de son titre " salarié " expirant le 19 mars 2009 ; que, par un arrêté du 12 octobre 2011, le préfet a rejeté sa demande en se fondant sur l'avis défavorable de la DIRECCTE qui faisait état d'une suspicion d'utilisation de faux documents ; que, saisi par MmeC..., le Tribunal administratif de Versailles, par un jugement du 11 juin 2013, a annulé l'arrêté du préfet au motif que la DIRECCTE avait confondu l'entreprise dans laquelle travaille Mme C...avec une autre entreprise ; que, par ce même jugement le Tribunal administratif de Versailles a enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à Mme C...une carte de séjour " salarié " dans le délai d'un mois suivant notification de ce jugement ; que le préfet, après lui avoir délivré un récépissé ne l'autorisant pas à travailler, a délivré à la requérante le titre demandé le 28 novembre 2013 ; qu'après avoir préalablement adressé au préfet une demande de réparation rejetée implicitement, Mme C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 61 169,59 euros au titre du préjudice financier , moral et relatif eau trouble dans ses conditions d'existence causé par la décision illégale de refus de renouvellement de son titre ; que, par un jugement du 16 octobre 2015, à l'encontre duquel Mme C...a formé appel, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le préfet des Yvelines à lui verser à titre de réparation la somme de 4 800 euros ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que le refus de renouvellement de la carte de séjour " salarié " opposé par le préfet le 12 octobre 2011 à la demande de Mme C...reposait sur un avis de la DIRECCTE entaché d'erreur matérielle, comme l'a estimé le Tribunal administratif de Versailles dans son jugement du 11 juin 2013 devenu définitif annulant cet arrêté ; que l'illégalité de ce refus, qui a produit des effets à l'égard de MmeC..., est constitutive d'une faute qui, nonobstant la délivrance ultérieure d'une carte de séjour " salarié ", est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'intéressée ;
3. Considérant que Mme C...soutient que le retard du préfet dans la délivrance de son titre de séjour et la délivrance le 27 juin 2013 d'un simple récépissé ne lui donnant pas le droit de travailler constitueraient également des fautes engageant la responsabilité de l'Etat à son égard ; que toutefois, et en tout état de cause, ces fait n'ont d'incidence que sur la durée de la période d'indemnisation de ses préjudices ; que celle-ci s'étend du 18 octobre 2011, date du refus de son titre de séjour au 28 novembre 2013, date de la délivrance d'un nouveau titre de séjour ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices financiers :
4. Considérant que le Tribunal administratif de Versailles a relevé à tort que l'intéressée percevait, avant le refus de renouvellement de son titre, un salaire d'environ
100 euros par mois ; qu'elle produit ses bulletins de salaire couvrant la période d'octobre 2010 à décembre 2011 au cours de laquelle elle a perçu une rémunération de l'ordre de 1 100 euros par mois, à l'exception des mois d'octobre et novembre 2011 où elle était en arrêt de travail ; que Mme C...a continué à être rémunérée, postérieurement au refus de titre de séjour, jusqu'à la fin du mois de décembre 2012 ; qu'ainsi, il y a lieu de prendre en compte, s'agissant du préjudice résultant de sa perte de rémunération, une durée de 23 mois, soit une somme de
25 300 euros ;
5. Considérant que les documents que Mme C...produit en appel, à l'appui de sa demande d'indemnisation de la perte de droits à la retraite, ne permettent pas d'établir la liquidation de l'indemnité due à l'intéressée au titre de ce préjudice ; que, cependant, il y a lieu de prendre en compte, pour la période concernée, une perte de 110 points correspondant à un salaire brut de 1 381 euros mensuels tel que l'intéressée l'a perçu pour 2011, année de référence ; qu'il y a lieu, en conséquence, de renvoyer à l'administration la liquidation de l'indemnité pour perte de droits à la retraite ;
6. Considérant qu'en tout état de cause, l'intéressée n'établit pas qu'elle aurait subi, durant la période d'indemnisation, un préjudice résultant de la perte de billets d'avion relatifs à un voyage à Beyrouth qu'elle n'aurait pas pu mener à bien ;
7. Considérant que l'intéressée n'est pas fondée à demander l'indemnisation des sommes qui lui auraient été versées par des membres de sa famille, l'indemnité allouée par le présent arrêt devant lui permettre, s'il y a lieu, de rembourser les dettes contractées auprès de ces derniers ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C...n'ayant pu, en raison de la perte de sa rémunération, payer régulièrement son loyer, elle a dû s'acquitter d'une somme de 156 euros correspondant à un commandement de payer au titre de ces impayés ; qu'il y a, dès lors, lieu de lui verser cette somme en réparation du préjudice financier ainsi subi par elle ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période d'indemnisation, la liberté de circulation de Mme C...a été entravée ; qu'elle a dû faire face à des difficultés matérielles et morales liées au non-renouvellement de son titre de séjour ; qu'en revanche, sa vie privée et familiale a pu se poursuivre normalement en France ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressée en lui allouant à ce titre une somme de 1 000 euros ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation de
Mme C...doit être portée à la somme de 26 456 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
" Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de MmeC... ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à Mme C...au titre de la réparation de ses préjudices est portée à 26 456 euros.
Article 2 : La liquidation de l'indemnité due à Mme C...au titre de la perte de droits à la retraite est renvoyée à l'administration.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.
Article 5 : Le jugement n° 1404654 du 16 octobre 2015 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 15VE03953