Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 5 août 2015, le
30 novembre 2015, le 10 février 2016, le 23 mars 2016 et le 1er juin 2016, la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL, représentée par Me Zapf, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la réduction de cette cotisation et de cette taxe pour une somme totale de 146 729 euros ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de la justice administrative.
La SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL soutient que :
- l'administration a irrégulièrement mis en oeuvre la méthode d'appréciation directe, qui présente un caractère infiniment subsidiaire, dès lors qu'elle ne prouve pas avoir recherché, dans la France entière, au moins un local-type comparable à l'immeuble à évaluer, dans une commune pouvant être regardée comme économiquement analogue ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le fait que l'établissement est un immeuble de grande hauteur n'est pas un critère pertinent pour apprécier la comparabilité entre un hôtel et un local-type lorsque l'immeuble n'atteint pas 100 mètres de hauteur ; le Conseil d'État en a ainsi récemment jugé ;
- elle est fondée à proposer comme terme de comparaison le local-type n° 111 du procès-verbal de Paris Dauphine correspondant à un hôtel quatre étoiles, dont les équipements sont comparables à ceux de l'hôtel objet du présent litige et dont la valeur locative a été validée par la Cour administrative d'appel de Paris ainsi que le Tribunal administratif de Paris, auquel un abattement de 20 % doit être appliqué conformément aux dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts, soit un tarif unitaire de 7,05 euros/m² ;
- à défaut, il y aura lieu de retenir le local-type n° 3 du 12ème arrondissement de Paris correspondant à un hôtel Ibis trois étoiles, dont les caractéristiques et la qualité des prestations offertes à la clientèle permettent de considérer qu'il est également comparable à l'établissement à évaluer ;
- à défaut, le local-type n° 210, du 55ème quartier de Paris, " Petit-Montrouge " dans le 14ème arrondissement, correspondant à un hôtel de trois étoiles et de quatre-vingt-onze chambres, dont la valeur locative a été évaluée à 7,47 euros par m², dont les équipements, la clientèle et l'implantation, en bordure du périphérique, sont similaires à ceux de l'hôtel litigieux, doit être retenu pour apprécier la valeur locative de ce dernier, avec des abattements permettant de retenir une valeur locative de 5,98 euros par m² pour l'hôtel Ibis et 4,78 euros par m² pour l'hôtel Ibis Budget ;
- la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie étant établie selon les mêmes bases d'imposition que celles retenues pour la taxe foncière, elle est en droit de solliciter la réduction de cette taxe par les mêmes motifs ;
- le dégrèvement ainsi réclamé, pour les deux taxes en litige, s'élève à 146 729 euros sur la base de la prise en compte de la valeur unitaire du local-type n° 210 ci-dessus ;
- le local-type n° 11 du procès-verbal du quartier Chaussée d'Antin, correspondant à un hôtel exploité sous l'enseigne Grand Hôtel Intercontinental, d'une superficie de 18 088 m² et dont le tarif unitaire est de 10,81 euros, pourrait également être retenu, avec un abattement de 30 % sur ce tarif unitaire, soit 7,56 euros par m², eu égard à la différence de classement ;
- le local-type n° 14 du procès-verbal de Paris 11ème, correspondant à un hôtel de chaîne de 3 étoiles, d'une superficie de 8 915 m², pourrait également être retenu, pour un tarif unitaire de 6,94 euros sur lequel un abattement de 10 % serait appliqué, eu égard à la différence de superficie ;
- dès lors que l'adresse postale et l'entrée principale de l'ensemble hôtelier à évaluer se trouvent à Paris, ces locaux-types ne peuvent être écartés par l'administration au motif que leur commune d'implantation ne serait pas économiquement analogue à celle de Montreuil ;
- à défaut, le local-type n° 6 du procès-verbal de la commune d'Enghien-les-Bains, correspondant à un hôtel " quatre étoiles ", d'une superficie de 1 863 m² dont le tarif unitaire s'établit à 74 francs/m², soit 11,28 euros/m², pourrait être retenu, dès lors qu'il s'agit d'un hôtel de chaîne de conception moderne, situé dans une commune proche de celle de Paris, avec un abattement de 35 % aboutissant à un tarif unitaire de 7,33 euros/m², pour tenir compte de la différence de classement hôtelier ;
- le local-type n° 48 du procès-verbal de la commune de Chelles, qui correspond à un hôtel d'une surface pondérée de 343 m², dont le tarif unitaire est de 58 francs/m², soit 8,84 euros/m², pourrait également être retenu, avec un abattement de 20 % aboutissant à un tarif unitaire de 7,07 euros/m² pour tenir compte de la différence de surface pondérée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bergeret,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL relève appel du jugement du 6 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande aux fins de réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 à raison des établissements hôteliers qu'elle exploite dans un immeuble unique sis à proximité de la porte de Montreuil, sous les enseignes " Ibis " et " Ibis Budget " ;
2. Considérant qu'en vertu des articles 1467 et 1600 du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises et la taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises pour frais de chambre de commerce et d'industrie sont assises sur la valeur locative de leurs biens situés en France et passibles d'une taxe foncière, cette valeur locative étant calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette dernière taxe ; qu'aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte " ; qu'aux termes de l'article 1498 du même code : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales. / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe " ; qu'aux termes de l'article 324 AA de l'annexe III à ce code : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance " ; que l'article 324 AK de l'annexe III au code général des impôts a fixé la date de référence de la dernière révision générale des opérations foncières au 1er janvier 1970 ; que lorsqu'il est fait recours à une évaluation de la valeur locative par comparaison, le terme de comparaison doit être précisément identifié et la valeur de celui-ci déterminée au moyen de l'une des deux méthodes prévues par le b du 2° de l'article 1498 sus-rappelé ; que, par ailleurs, lorsqu'aucune valeur locative ne peut être déterminée par application des règles prévues au 1° puis au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, par référence au loyer du bien ou à défaut par comparaison, l'administration est fondée, en vertu du 3°, à déterminer cette valeur par voie d'appréciation directe, à partir de la valeur vénale du bien à la date de référence du 1er janvier 1970 ;
3. Considérant que la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL soutient que l'évaluation initiale de la valeur locative de ses biens précités, situés à proximité de la porte de Montreuil, ayant été faite illégalement par comparaison avec un local-type ne pouvant être utilisé comme référence, ce qui est constant, elle est fondée à demander que cette évaluation soit faite au vu de l'un des locaux-type qu'elle propose, et que, cette valeur locative étant inférieure, la Cour doit en conséquence lui accorder la réduction de sa cotisation foncière des entreprises et de sa cotisation de taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie qu'elle a acquittées pour ces biens au titre de l'année 2013 ; que le ministre des finances et des comptes publics fait toutefois valoir qu'en l'absence de locaux-type pouvant valablement être utilisés pour cette évaluation par comparaison, l'évaluation par voie d'appréciation directe à laquelle il a procédé aboutit à une valeur locative supérieure à celle initialement retenue, et qu'ainsi, la demande en réduction ne peut prospérer ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et des nombreuses pièces versées au dossier par le ministre des finances et des comptes publics, que la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale n'aurait pas préalablement recherché si un local-type pouvait valablement être retenu comme terme de comparaison, et que, par suite, elle ne pourrait, en toute hypothèse, se prévaloir des résultats de la méthode d'évaluation par voie d'appréciation directe prévue par les dispositions précitées du 3° de l'article 1498 du code général des impôts, qui est subsidiaire ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble hôtelier à évaluer est implanté sur la commune de Montreuil, en bordure de celle de Paris ; que compte tenu des différences de densité des réseaux de transport, de leur éloignement respectif par rapport aux principaux sites touristiques parisiens, de l'inégale notoriété des deux communes et des prix fortement divergents de leurs marchés immobiliers, la commune de Montreuil, d'une part, et les localités constituées par les 9ème, 11ème, 12ème, 14ème et 16ème arrondissements de Paris ne peuvent être regardées comme présentant, du point de vue économique, une situation analogue au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 1498 du code général des impôts ;
que, par suite, les cinq locaux-types situés dans ces arrondissements parisiens, proposés par la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL, ne peuvent en tout état de cause qu'être écartés ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le local type n° 48 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Chelles correspond à un hôtel de préfecture ancien, construit en 1950, comportant seulement dix-sept chambres, mal équipées, qui ne peut, par suite, être comparé aux établissements à évaluer en leur qualité d'hôtels de chaîne de conception moderne ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction, en particulier du répertoire comprenant
cent-quatorze locaux-type transmis par le ministre, au nombre desquels figure celui de Chelles, que ce terme de référence a été irrégulièrement évalué par rapport à un bail conclu le
1er mai 1970 seulement ; qu'il ne peut donc être valablement retenu pour la mise en oeuvre de la méthode comparative ;
7. Considérant, enfin, que le local-type n° 6 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune d'Enghien-les-Bains correspond à un hôtel construit en 1950, classé " quatre étoiles luxe " et situé à proximité du lac et du casino de la ville ; qu'il ne saurait, dès lors, être comparé à l'ensemble hôtelier exploité par la société appelante à Montreuil, qui ne présente pas la même attractivité touristique ni, en conséquence, une clientèle et une zone de chalandise équivalentes à celles d'Enghien-les-Bains ; que dans la mesure où les villes d'Enghien-les-Bains et de Montreuil ne présentent pas, d'un point de vue économique, une situation analogue au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, le terme de comparaison ainsi proposé ne peut être retenu pour procéder à l'évaluation de l'ensemble hôtelier de la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des locaux-types proposés par la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL ne peut être retenu comme terme de comparaison ; que, par ailleurs, l'administration produit les résultats d'une recherche, appuyés de nombreuses références jurisprudentielles, ayant porté sur plus de cent locaux-types, dont il ressort qu'il n'existe aucun local-type régulièrement évalué ou présentant les mêmes caractéristiques que l'immeuble à évaluer, à Montreuil ou dans une commune économiquement comparable susceptible de servir à la comparaison de l'ensemble immobilier litigieux ; que, par suite, l'évaluation par la voie de l'appréciation directe est applicable pour cet ensemble immobilier, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts ;
9. Considérant que l'administration, à cet égard, se fondant sur les deux transactions les plus proches du 1er janvier 1970 retrouvées portant sur des hôtels de chaîne ou comparables, à Sarcelles en novembre 1981 et à Bobigny en janvier 1984, en a déduit une valeur vénale au
1er janvier 1970 permettant de déterminer, après majoration destinée à prendre en compte un avantage de situation, et après application à cette valeur vénale d'un taux d'intérêt de 9 %, une valeur locative de l'ensemble immobilier en cause supérieure à celle ayant initialement été retenue pour asseoir les impositions en litige ; que, dans ces conditions, la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL n'est pas fondée à solliciter la réduction de celles-ci ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, que la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC HOTEL PRIVILEGE PARIS PORTE DE MONTREUIL est rejetée.
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N° 15VE02598