Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 mars 2016, le PRÉFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par Mme C...A...devant le Tribunal administratif de Versailles.
Le PRÉFET DE L'ESSONNE soutient que :
- Mme B...était compétente pour signer l'arrêté contesté, en vertu d'une délégation de signature du 1er septembre 2014 régulièrement publiée ;
- MmeD..., médecin de santé publique de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France était également compétente pour signer l'avis du 24 juillet 2014, en vertu d'une délégation de signature du directeur de cette agence en date du 8 mars 2013 ;
- l'arrêté est suffisamment motivé en droit et en fait ;
- les premiers juges ont retenu à tort, au vu des pièces qui leur étaient soumises, une méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les termes de l'avis défavorable émis par le médecin de l'agence régionale de santé, constatant une amélioration de l'état de santé de l'intéressée, ne sont pas utilement contestés par les certificats médicaux produits, non circonstanciés et, pour certains, postérieurs à l'arrêté attaqué ;
- il n'avait en l'espèce aucune obligation de consulter la commission du titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire à destination du Cameroun ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucune méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a été commise.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bergeret a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le PRÉFET DE L'ESSONNE relève appel du jugement du
4 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, d'une part, a annulé son arrêté du 28 octobre 2014 refusant à MmeA..., ressortissante camerounaise née le
10 juillet 1959, le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré, en dernier lieu, en septembre 2013 au titre de son état de santé, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois ;
2. Considérant que les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de ce texte : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., atteinte d'une pathologie cardiaque valvulaire, a bénéficié, après son entrée en France en décembre 2005, d'une prise en charge chirurgicale et a été opérée au mois d'avril 2006 pour un remplacement valvulaire mitral et tricuspide par bio-prothèse, nécessitant, par la suite, une surveillance médicale régulière avec poursuite d'un traitement médicamenteux ; que, selon l'avis émis le
24 juillet 2014 par le médecin inspecteur de santé publique désigné par le directeur de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, au vu duquel le préfet a pris l'arrêté en litige, si l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que cet avis indique également qu'un traitement approprié à sa prise en charge existe dans son pays d'origine ; que Mme A...produit de nombreux certificats médicaux, dont l'un a été établi le 20 mai 2014 par le docteur Charron, maître de conférence des universités et praticien hospitalier à l'Institut de cardiologie de la
Pitié-Salpêtrière, qui confirme que son état de santé nécessite un suivi médical régulier aux fins notamment de stabiliser son INR (International Normalized Ratio), impliquant des analyses de sang périodiques, un traitement anticoagulant et une échocardiographie annuelle, et indique qu'à défaut, des conséquences d'une exceptionnelle gravité sont encourues ; qu'un autre certificat médical, établi postérieurement à l'arrêté attaqué, établi par un cardiologue, précise que les soins ne peuvent être dispensés dans le pays d'origine de l'intéressée ; que le professeur Ndjitoyap Ndam, directeur général de l'hôpital général de Yaoundé, atteste, le 18 mars 2015, que la surveillance " hyperspécialisée " dont a besoin la requérante n'est pas encore réalisable au Cameroun ; que, toutefois, ces documents, rédigés en des termes peu circonstanciés, et partiellement contredits par un autre certificat médical du docteur Charron, qui indique le
1er avril 2014 que l'état cardiologique de l'intéressée est stabilisé et même amélioré, ne suffisent pas à infirmer, tout au moins en ce qui concerne les possibilités de prise en charge au Cameroun du suivi et du traitement médical de MmeA..., les termes de l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé, qui, par un avis précédent du 23 août 2013, avait recommandé au préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour pour une durée limitée à douze mois en précisant explicitement qu'à l'issue, elle pourrait regagner son pays d'origine ; qu'ainsi, le PRÉFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 20 octobre 2014 ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux, qui se réfère, en se les appropriant, aux termes de l'avis défavorable du médecin de l'agence régionale de santé
d'Ile-de-France du 24 juillet 2014, et qui mentionne divers éléments caractérisant la situation de Mme A..., est suffisamment motivé en fait, contrairement à ce que soutient celle-ci, en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour ; qu'eu égard aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquels une décision portant obligation de quitter le territoire français prise concomitamment à une décision de refus de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de cette dernière décision, l'arrêté contesté qui vise cet article, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, doit également être regardé comme suffisamment motivé ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : " A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., qui est entrée en France en décembre 2005, a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-six ans ; qu'elle fait valoir qu'elle vit en France continuellement depuis cette date, et que l'un de ses fils y réside également, sous couvert d'un titre de séjour ; que si elle soutient que tous ses centres d'intérêts se trouvent en France, qu'elle est dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, et que son mari resté au Cameroun l'a congédiée en raison de son état de santé, ce qu'elle n'établit par aucun document probant, il résulte, en tout état de cause, des pièces du dossier, qu'elle ne réside pas auprès de son fils résidant en France, mais chez un tiers, et que sa mère et au moins l'un de ses fils demeurent... ; que, dans ces conditions, l'intéressée n'établit pas, nonobstant la durée conséquente de son séjour en France, en région parisienne ou en Touraine, qu'elle a installé de façon stable sa vie privée et familiale sur le territoire français, ou qu'elle s'y serait effectivement intégrée par le biais d'un travail régulier, alors qu'elle ne justifie que de quelques emplois à temps partiel de garde d'enfant ou d'auxiliaire parentale, exercés à compter seulement du mois de septembre 2013 ; qu'ainsi, en l'absence établie de tout obstacle réel à ce qu'elle poursuivre sa vie dans son pays d'origine où demeure une partie de sa famille, la décision de refus de titre de séjour contestée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris, et, par suite, comme ayant méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la commission du titre de séjour : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus au point 7, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour aurait dû être consultée par le PRÉFET DE L'ESSONNE ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'au vu des éléments de faits rappelés ci-dessus, l'arrêté contesté du PRÉFET DE L'ESSONNE, en tant qu'il porte refus de séjour, ne peut être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de l'intéressée ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que dès lors qu'il n'est pas établi que la décision refusant de délivrer un titre de séjour serait illégale, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en conséquence d'une telle illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français serait également illégale ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier qu'en admettant même que le défaut de prise en charge médicale de Mme A...puisse entraîner, au contraire de ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut bénéficier de cette prise en charge, constituée par un suivi régulier et un traitement médicamenteux, dans son pays d'origine ; qu'il en résulte qu'elle n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire, le PRÉFET DE l'ESSONNE aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant, en dernier lieu, que dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la prise en charge médicale de Mme A...au Cameroun est possible, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le PRÉFET DE L'ESSONNE, en l'obligeant à quitter le territoire français à destination de ce pays, aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en vertu duquel nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants, ce qui pourrait résulter, selon l'intéressée, de l'absence de soins médicaux indispensables entraînant une forte diminution de son espérance de vie ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 28 octobre 2014 et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500025 du 4 décembre 2015 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
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N° 16VE00022 2