Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 2 juin 2017, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour d'annuler ce jugement, en ce qu'il fait droit à la demande de la société Viking Catering AG.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les prestations vendues par la société Viking Catering AG à son unique client, la société Viking River tours Ltd., ne constituaient pas des prestations d'agence de voyages ou d'organisation de circuits touristiques au sens du e) du 1 de l'article 266 du code général des impôts, qui transpose en droit interne les dispositions des articles 306 à 310 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 et ne relevaient pas, de ce fait, du régime de taxation sur la marge institué pour ces activités en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; en effet, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, par son arrêt CJUE 26 septembre 2013 n° 296/11 Commission c. France, que ce régime de taxation dérogatoire trouve à s'appliquer lorsque des prestations d'agence de voyage ou d'organisation de circuits touristiques ne sont pas fournies directement aux voyageurs, consommateurs finaux, mais à un client tel qu'une autre agence de voyages qui assure la commercialisation de ces prestations ; en l'espèce, la société Viking Catering AG a acquis, en son nom et pour son propre compte, des prestations hôtelières, de transport, et de droits d'entrée et de visites guidées dans divers établissements culturels et touristiques, lesquelles sont utilisées pour composer des circuits de croisière maritime ou fluviale qu'elle facture de manière unique et globale à la société Viking River Tours Ltd. dans le cadre de prestations dites " d'assistance administrative " ; elle s'est, de ce fait, comportée comme un agent de voyage au sens des dispositions précitées, alors même qu'elle n'en a pas la qualité ; par suite, les prestations qu'elle réalise relèvent du régime de taxation sur la marge et elle ne bénéficie, en qualité d'assujetti établi hors de l'Union européenne d'aucun droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ses achats auprès de fournisseurs français.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit suisse Viking Catering AG a pour activité la réalisation de diverses prestations qualifiées d'" assistance administrative et de management hôtelier " pour le compte d'un client unique, la société Viking River Tours Ltd. dont le siège est situé aux Bermudes et qui a pour activité la commercialisation de croisières maritimes et fluviales. Elle a présenté auprès de l'administration fiscale française, en qualité d'assujettie établie hors de l'Union européenne, une demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2013, l'achat auprès de fournisseurs français de prestations hôtelières, de transport de voyageurs et de visites guidées dans divers sites touristiques ou culturels français, destinés à être utilisés dans le cadre de croisières commercialisées par la société Viking River Tours Ltd. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement n° 1501599 du
31 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit, à hauteur
de 212 589,81 euros, à la demande de remboursement de ces montants de taxe présentée par la société Viking Catering AG.
2. D'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de la Communauté européenne ou dans d'autres pays. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 306 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système de taxe sur la valeur ajoutée : " Les Etats membres appliquent un régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur nom propre à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent régime particulier n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire et auxquelles s'applique, pour calculer la base d'imposition, l'article 79, premier alinéa, point c) ". L'article 307 de cette même directive précise : " Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l'article 306, par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l'agence de voyages au voyageur. / La prestation unique est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services.". Enfin, aux termes de l'article 308 de cette même directive : " Pour la prestation de services unique fournie par l'agence de voyages, est considérée comme base d'imposition et comme prix hors TVA, au sens de l'article 226, point 8), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur ".
4. Les dispositions précitées ont été transposées en droit interne par l'article 266 du code général des impôts, qui précise, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. La base d'imposition est constituée : (...) e. Pour les opérations d'entremise effectuées par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le prix effectif facturé à l'agence ou à l'organisateur par les entrepreneurs de transports, les hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent matériellement les services utilisés par le client ". L'article 206 de l'annexe II au même code dispose, en outre : " IV. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 9° Pour les biens acquis ou construits ainsi que les services acquis dont la valeur d'achat, de construction ou de livraison à soi-même est prise en compte pour l'application des dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts, du e du 1 ou du sixième alinéa du 2 de l'article 266 du code général des impôts ainsi que de l'article 297 A du code général des impôts ".
5. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 26 septembre 2013 aff. 296/11, Commission c/ France, que le régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée prévu pour les agences de voyages et pour les organisateurs de circuits touristiques s'applique aux opérateurs économiques qui, même s'ils ne bénéficient pas formellement de la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuits touristiques, organisent en leur nom propre une ou des prestations de services généralement attachées à la réalisation d'un voyage et qui, pour fournir ces prestations, recourent à des tiers assujettis. Ce régime particulier s'applique également alors même que ces prestations ne seraient pas vendues par ces opérateurs économiques à des voyageurs, consommateurs finaux de ces prestations, mais à d'autres clients, y compris, le cas échéant, d'autres agences de voyages assurant la commercialisation des voyages payés au forfait réalisés par les opérateurs auprès desquelles elles acquièrent ces prestations.
6. Il résulte de l'instruction que la société Viking Catering AG n'a pas, elle-même, la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuit touristique. Toutefois, elle acquiert, en son nom et pour son propre compte, auprès de fournisseurs français dont elle est l'interlocuteur unique, des prestations d'hébergement, de transport et d'organisation de visites de sites touristiques utilisées dans le cadre de croisières maritimes ou fluviales organisées, entièrement ou partiellement, sur le territoire français, et vend, dans le cadre d'une prestation unique et globale, le produit résultant de la combinaison de ces différentes prestations à la société Viking River Tours Ltd. Il s'ensuit qu'indépendamment de la qualification que la société Viking Catering AG et son client ont entendu donner à la prestation de services en cause, l'intimée fournit à son client unique, en recourant à des tiers assujettis, une prestation de services comprenant les éléments généralement attachés à la réalisation d'un voyage, et doit, ainsi, être regardée comme un opérateur économique auquel s'applique le régime particulier de taxation sur la marge dont bénéficient, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les agences de voyage et les organisateurs de circuits touristiques. C'est ainsi à tort, comme le soutient le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, que les premiers juges ont estimé que la société Viking Catering AG ne relevait pas du régime d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions combinées du e du 1 de l'article 266 du code général des impôts et du 9° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts et pouvait, ainsi, obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats de prestations de service qu'elle avait effectués auprès de fournisseurs français au titre de la période en cause.
7. La circonstance que la société Viking Catering AG ne fournirait pas, dans ce cadre, de prestations d'informations et de conseil aux voyageurs ne fait pas obstacle à ce que le régime de taxation sur la marge soit appliqué aux prestations qu'elle réalise pour le compte de la société Viking River Tours Ltd. En effet, et contrairement à ce qu'affirme la société Viking Catering AG, la fourniture de ces informations ou conseils ne constitue pas un élément nécessaire d'identification des prestations offertes par les agences de voyage ou les opérateurs de circuits touristiques pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts.
8. En outre, et ainsi qu'il est dit précédemment, la circonstance que le client de la société Viking Catering AG ne soit pas, à quelque titre que ce soit, le consommateur final des prestations que cette dernière conçoit, organise et supervise pour le compte de son client ne fait pas davantage obstacle à ce que le régime de taxation sur la marge s'applique aux prestations qu'elle réalise au regard des principes énoncés au point 5. ci-dessus.
9. Enfin, l'interprétation qui aurait été faite par les autorités fiscales britanniques des dispositions des articles 306 à 310 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur l'application des dispositions précitées de l'article 266 du code général des impôts et de l'article 206 de l'annexe II au même code aux prestations réalisées par la société Viking Catering AG, en ce qu'elles utilisent des prestations acquises auprès d'assujettis en France.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et alors aucune autre disposition ne permettait à la société Viking Catering AG de solliciter le remboursement des montants de taxe sur la valeur ajoutée en cause, que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 31 janvier 2017 attaqué, en ce qu'il fait droit à la demande présentée par la société Viking Catering AG.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1501599 du Tribunal administratif de Montreuil du 31 janvier 2017 est annulé, en ce qu'il fait droit à hauteur de la somme de 212 589,81 euros à la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la société Viking Catering AG.
Article 2 : La demande de la société Viking Catering AG devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
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N° 17VE01740