Par un jugement n° 1205964 du 20 février 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE à verser à M. B...la somme de 1 550 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2012.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2014, la COMMUNE DE
NEUILLY-PLAISANCE, représenté par Me Cazelles, avocat, demande à la Cour :
1° à titre principal, de réformer le jugement du 31 octobre 2013 en tant qu'il ne l'a que partiellement exonérée de sa responsabilité des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2012, d'annuler le jugement du 20 février 2014 la condamnant à verser à M. B... une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de cette illégalité et de rejeter les conclusions indemnitaires de M. B... ;
2° à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 20 février 2014 en tant qu'il a évalué le préjudice financier subi par M. B...à hauteur de 2 600 euros et de ramener le montant de l'indemnité octroyée pour ce chef de préjudice à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le comportement fautif de M. B... n'exonérait la responsabilité de la commune qu'à hauteur de 50 % ; en effet, l'ensemble des fautes commises par M.B..., multiples et d'ailleurs non contestées, sont de nature à exonérer sa responsabilité dans sa totalité ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal administratif a évalué le préjudice financier de M. B...à hauteur de 2 600 euros au vu des seuls bulletins de salaire de l'intéressé, sans prendre en considération la perception éventuelle de revenus de substitution ; le tribunal n'a d'ailleurs pas détaillé le calcul des sommes auxquelles la commune a été condamnée ; en outre, la demande d'aide juridictionnelle de M. B...fait apparaître un revenu mensuel déclaré de 485 euros ; enfin, l'intéressé a produit la preuve de son inscription à Pôle Emploi ; ainsi, en l'absence de pièces probantes permettant d'établir la réalité du préjudice subi, les conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
M. B...a produit un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...a été recruté par la COMMUNE DE
NEUILLY-PLAISANCE, en qualité d'agent non titulaire, au grade de rédacteur territorial pour la période du 14 septembre 2011 au 31 décembre 2011, engagement prolongé jusqu'au
31 mars 2012, et affecté comme chargé de communication au cabinet du maire de la commune ; que, par un arrêté du 7 février 2012, le maire de la commune a prononcé la radiation des cadres de l'intéressé, pour démission, à compter du 27 janvier 2012 aux motifs que, le 26 janvier 2012, il avait quitté le service muni de ses affaires, après avoir annoncé sa démission à deux collègues, et que, sans reprendre ses fonctions par la suite, il avait, le 7 février 2012, déposé sur le site " Cap'Com " son curriculum vitæ en indiquant " rechercher un CDD/CDI dans le domaine de la communication à partir de février 2012 " ; que le maire de la commune a également émis à l'encontre de l'intéressé un titre de recette en vue du recouvrement de la somme de 216,93 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération pour la période du 27 au 31 janvier 2012 ; que, par un premier jugement du 31 octobre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil, saisi par M. B..., a, notamment, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du titre de recette, annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 février 2012, estimé, après avoir considéré que l'illégalité fautive entachant cet arrêté engageait la responsabilité de la commune, que le comportement fautif de l'agent exonérait la collectivité de sa responsabilité à hauteur de 50 % et, avant dire droit sur les conclusions indemnitaires de M. B..., ordonné à l'intéressé de produire, dans le délai d'un mois, tout justificatif de ses revenus de substitution perçus entre le 7 février 2012 et le 31 mars 2012 ; que, par un second jugement du 20 février 2014, le tribunal administratif a évalué le préjudice de M. B...à la somme de 3 100 euros et condamné la commune à lui verser, compte tenu du partage de responsabilité, la somme de 1 550 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2012 ; que la COMMUNE DE
NEUILLY-PLAISANCE relève appel de ces deux jugements ; qu'à titre principal, elle demande à la Cour de réformer le jugement du 31 octobre 2013 en tant qu'il ne l'a que partiellement exonérée de sa responsabilité et, par voie de conséquence, d'annuler le jugement du
20 février 2014 la condamnant à verser à M. B... une indemnité en réparation des préjudices subis ; qu'à titre subsidiaire, elle demande la réformation du jugement du 20 février 2014 en tant qu'il a évalué le préjudice financier subi par M. B...à la somme de 2 600 euros ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. / (...) Toutefois, sont dispensés de ministère d'avocat : / 1° Les requêtes dirigées contre les décisions des tribunaux administratifs statuant sur les recours pour excès de pouvoir formés par les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que par les agents ou employés de la Banque de France contre les actes relatifs à leur situation personnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-2 du même code : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat (...) " ;
3. Considérant que le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2014, qui ne relève pas des exceptions à l'obligation du ministère d'avocat prévues à l'article R. 811-7 du code de justice administrative, a été présenté sans le ministère d'un avocat ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, en méconnaissance des dispositions précitées ; que M. B... n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser qui lui a été adressée par le greffe de la Cour le 10 décembre 2015 ; que, par suite, les écritures de l'intimé doivent être écartées des débats ;
Sur la responsabilité :
4. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ;
5. Considérant que, pour demander à être exonérée entièrement de la responsabilité des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2012 portant radiation des cadres de M. B...pour démission, la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE soutient que l'intéressé a commis des fautes, multiples et d'ailleurs non contestées, qui sont de nature à l'exonérer de cette responsabilité ; qu'elle fait d'abord valoir que M. B...a commis des fautes dans l'exercice de ses fonctions en ayant mis en ligne au mois de janvier 2012, sur le site internet de la commune, une vidéo sur les voeux du maire dont la qualité n'était pas satisfaisante et dont le contenu n'avait pas été validé par ses supérieurs hiérarchiques, en ayant passé une commande erronée de papier à en-tête de la commune et en ayant omis de justifier son absence le 23 janvier 2012, ces agissements révélant le non-respect par l'intéressé de sa hiérarchie ainsi qu'une méconnaissance des règles administratives et comptables applicables dans la fonction publique territoriale ; qu'elle fait également valoir que l'intéressé a, le 26 janvier 2012, cessé, de manière délibérée et sans motif, son service et, par la suite, n'a jamais manifesté son intention de revenir au sein des effectifs de la collectivité et a préféré faire paraître sur le site " Cap'Com " une annonce indiquant qu'il était disponible à partir du mois de février 2012 ; qu'elle fait enfin état de ce que, après avoir quitté, de son propre chef, ses fonctions au sein de la commune, l'intéressé a, le 8 février 2012, utilisé les codes informatiques qu'il disposait dans le cadre de ses fonctions pour adresser un faux mail annonçant l'annulation d'une manifestation communale prévue le 17 février suivant et a également posté un message injurieux sur le compte Facebook de la ville ;
6. Considérant, toutefois, en premier lieu, que les faits susceptibles d'être reprochés à M. B...dans l'exercice de ses fonctions, s'ils pouvaient justifier la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire, n'ont pas motivé et ne pouvaient légalement fonder l'arrêté du 7 février 2012 par lequel le maire de la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE a prononcé la radiation des cadres de l'intéressé pour démission ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que l'autorité communale avait engagé à l'encontre de M.B..., à raison de ces faits, une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle en le convoquant à un entretien préalable pour le 8 février 2012, procédure qui a été abandonnée ; que, par suite, ces faits ne sauraient atténuer ou exonérer la responsabilité de la commune des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2012 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il en est de même des faits, à les supposer même établis, qu'aurait commis M. B... le 8 février 2012, soit après l'édiction de l'arrêté du 7 février 2012, faits qui n'ont pas motivé et ne sauraient, en tout état de cause, légalement justifier cet arrêté portant radiation des cadres pour démission ;
8. Considérant, en dernier lieu, que, par le jugement attaqué du 31 octobre 2013, non contesté en cause d'appel sur ce point, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 7 février 2012 portant radiation des cadres de M. B...pour démission au motif qu'au regard des dispositions de l'article 39 du décret du 15 février 1988 susvisé et en l'absence d'une demande écrite de l'agent marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions, cet arrêté était entaché d'une erreur de droit ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune qui n'a pas cherché à s'assurer, entre le 26 janvier 2012 et le 7 février 2012, de l'intention réelle de son agent quant à une démission ; que, par ailleurs, si M. B... a déposé, le 7 février 2012, sur le site " Cap'Com " une demande d'emploi dans le secteur de la communication à compter du mois de février 2012, ce fait ne saurait revêtir un caractère fautif dès lors qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que, dès le 30 janvier 2012, le maire de la commune a informé l'intéressé, par courrier, qu'il était radié des cadres à compter du 27 janvier 2012 en raison de sa démission donnée " oralement " le 26 janvier 2012 et qu'en réponse à ce courrier, M. B...a indiqué à son employeur, par une lettre en date du 6 février 2012, qu'il était en arrêt de travail jusqu'au 8 février 2012 et qu'il entendait reprendre ses fonctions jusqu'au 31 mars 2012, terme de son engagement ; qu'en revanche, en quittant le service le 26 janvier 2012, après avoir fait part à deux collègues de sa décision de démissionner et débarrassé son bureau de ses effets personnels, puis en se bornant à adresser à son employeur un arrêt de travail sans lui faire part explicitement, au moins jusqu'au 6 février 2012, de son intention de reprendre ses fonctions, M. B...a également commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; qu'ainsi, compte tenu, d'une part, de l'illégalité commise, constitutive d'une faute engageant la responsabilité de la commune, et, d'autre part, du comportement de l'intéressé, qui a contribué partiellement aux préjudices qu'il a subis, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que le tribunal administratif a retenu un partage de responsabilité à parts égales entre la COMMUNE DE
NEUILLY-PLAISANCE et M. B... ;
Sur l'évaluation du préjudice financier subi par M.B... :
9. Considérant que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due dans le cas d'une éviction illégale d'un agent public, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail ou les revenus de remplacement qu'il a pu percevoir au cours de la période d'éviction ;
10. Considérant que la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE soutient que, pour l'évaluation de ce chef de préjudice, le tribunal administratif, qui s'est fondé sur les seuls bulletins de salaire de M.B..., n'aurait pas pris en compte les revenus de substitution, tels que les allocations de chômage ou les indemnités pour cause de maladie, qu'aurait perçus l'intéressé au cours des mois de février et mars 2012 ; qu'en particulier, elle fait valoir que la demande d'aide juridictionnelle en première instance de M. B... fait apparaître un revenu mensuel déclaré de 485 euros ;
11. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 19 décembre 1991 susvisé : " Les ressources prises en compte pour apprécier le droit à l'aide juridictionnelle au regard des plafonds fixés par la loi sont la moyenne mensuelle des ressources de la dernière année civile. / Il peut être tenu compte de la moyenne mensuelle des ressources perçues depuis le 1er janvier de l'année en cours si des modifications du niveau des ressources le justifient. " ;
12. Considérant que la seule circonstance que la décision du 14 mai 2012 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Tribunal de grande instance de Paris accordant à M.B..., pour l'instance devant le tribunal administratif, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale mentionne que le bureau " retient un revenu mensuel de 485 euros " ne saurait suffire pour établir que l'intéressé aurait perçu des revenus, notamment de remplacement, au cours de la période d'éviction, soit du 27 janvier 2012 au 31 mars 2012, terme de son engagement ;
13. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, notamment des écritures de la commune en première instance, que la rémunération de M. B..., en qualité d'agent non titulaire, s'élevait à 1 400 euros net environ par mois ; qu'en outre, il n'est pas soutenu, ni même allégué, que l'intéressé n'aurait pas eu une chance sérieuse de bénéficier, au cours de la période d'éviction, des primes et indemnités qu'il touchait auparavant ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait perçu des revenus de substitution au cours de cette période ; que, par suite, la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait, en le fixant à la somme de 2 600 euros, surévalué le préjudice financier subi par M.B... ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE
DE NEUILLY-PLAISANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 octobre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil ne l'a que partiellement exonérée de sa responsabilité des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2012 et, par le jugement attaqué du 20 février 2014, l'a condamnée à verser à M. B...la somme de 1 550 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de cette illégalité ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE NEUILLY-PLAISANCE et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, président de chambre,
M. Le Gars, président assesseur,
M. d'Haëm, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
R. d'HAËMLe président,
C. SIGNERIN-ICRELe greffier,
C. YARDE
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 14VE01190